Ma mère avait relevé le nez de son chéquier, interloquée. Le gynécologue la regardait avec douceur et empathie. La voyant si surprise, il avait poursuivi : « oui, vous êtes précieuse, pour vos enfants, pour les gens qui vous entourent et qui vous aiment. Il faut prendre soin de vous, vous savez. »
Lorsqu’elle m’avait conté cette scène, ma mère ne s’était pas encore remise de sa surprise.
Cet adjectif-là, « précieuse », elle n’avait jamais pensé auparavant à se l’attribuer. D’autres adjectifs, elle les endossait bien volontiers, pourtant. S’il lui avait dit « vous êtes négative, rancunière, brusque, mal aimable… », elle aurait probablement très mal pris la chose, mais au fond, elle n’aurait pas contesté le jugement négatif. Mais alors « vous êtes précieuse, madame », ça lui avait coupé le souffle. Et elle me racontait la scène, encore tout étonnée, quémandant presque mon approbation, comme s’il était improbable que le gentil docteur eût raison.
Je me souviens de la gratitude éprouvée pour ce médecin,
qui enfin lui avait fait prendre conscience de ce que nous lui répétions depuis des années, sans qu’elle semble vouloir l’entendre : « prends soin de toi, Maman ! Repose-toi ! Ralentis ! » Et en bon professionnel de santé, il avait tapé dans le mille avec des mots justes, simples, aimants. Pas d’ordre ni d’injonction, pas d’impératif intempestif, seulement l’affirmation limpide d’un état de fait :
une maman est irremplaçable.
Un gynécologue, versé dans les secrets de la conception et de la délivrance, connaît le lien puissant qui unit une mère à sa progéniture. Il savait qu’il n’était pas seulement question de biologie ici, mais de sacré, de rappeler à la mère que l’amour se construit à double sens. Lorsqu’on aime, on prend soin de l’autre, mais si on sait être aimé, alors on respecte suffisamment l’amour de l’autre pour prendre soin de soi, aussi.
Ce n’est que trois ans après ces mots que Maman a découvert la tumeur qui finirait par l’emporter. Elle a vécu trois ans durant lesquels cette phrase a résonné, et effectivement, elle a entrepris de prendre plus soin d’elle. Je l’ai vue se ménager des temps pour elle, reprendre le dessin, retrouver ses amis. Sortir un peu la tête de l’eau.
Mais malheureusement, on ne rattrape pas des décennies de négligence de soi en seulement trois ans.
Aujourd’hui, à la veille de mon anniversaire, je me souviens des mots délicats de ce gynécologue à ma mère. C’est moi qui suis mère maintenant, et je prends pleinement conscience de la puissance de cette assertion toute simple : « vous êtes précieuse, madame. »
Te partager ces mots valorisants, chère Fabuleuse, semble tout naturel dans notre communauté de maman qui prend soin des mamans. Tu es précieuse, chère Fabuleuse, un vrai trésor porté par le monde, une ressource extraordinaire d’amour, une source de réconfort et de tendresse, et tant de choses encore.
Tu fais la différence dans le quotidien des autres, même si tu n’en as pas conscience.
Un monde sans toi n’aurait pas la même saveur. Tu es précieuse pour tes enfants, pour la personne qui partage ta vie, pour tes amies et pour la société qui t’entoure. Tu es précieuse pour toi-même : nul ne peut prendre mieux soin de toi que toi.