Une bouffée d’amour - Fabuleuses Au Foyer
Dans ma tête

Une bouffée d’amour

femme qui regarde le ciel
Agathe Portail 14 janvier 2024
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Elle me prend toujours par surprise. Les mains sur le volant, coincée dans les bouchons sous un ciel plombé, les deux pieds dans la flaque d’eau qui m’attend devant la portière sur le parking du Radimarket, les mains enfoncées dans le tas de linge sale.

Elle, c’est la bouffée d’amour.

Quelque chose d’inexplicable qui commence tout doucement, me réchauffe l’estomac, s’épanouit sous mes côtes et finit par m’étreindre le cœur. À cet instant, je me sens follement chanceuse, merveilleusement aimée et furieusement aimante. Pourquoi à ce moment-là précisément ? Aucune idée. À croire que l’Amour avec un grand A n’éclabousse que lorsqu’on est au cœur de la simplicité de nos vies, loin du glam, loin du faste, loin des gratifications (sur lesquels il ne faut pas cracher, attention !). 

C’est un moment précieux de bouillonnement gratuit, qui comble et qui déborde, qui fait passer au second plan tout ce qui égratigne notre bonheur au quotidien. À ce moment-là je sors mon portable et j’appelle mon Fabuleux.

— Je t’aime.

— Allô, hein, quoi ?

— C’est moi, je t’AIME !

Passée la surprise de cette déclaration qui le cueille à froid entre deux courbes statistiques et trois déclarations à l’URSSAF, mon Fabuleux soupire d’aise.

Et comme il les connaît, depuis le temps, ces petites épiphanies, il me dit : 

— Bouffée d’amour ?

— Exactement.

Notre conversation dévie sur la chance que nous avons, de vivre heureux, si heureux, malgré les épreuves et les tracas, les visites chez l’orthophoniste et les factures salées du garage.

— Ils sont ouf, nos enfants. Je ne sais pas si tous les parents se disent ça, sans doute, mais quand même, ils sont particulièrement ouf.

— Et moi, j’ai tellement bien joué ma life quand je t’ai couru après sur le trottoir. Tu allais partir sans me donner ton numéro. Tu imagines, les conséquences ?

Nous nous offrons alors une parenthèse de cuculterie parfaite, ultra régénérante, puis nous raccrochons.

Je retourne à mon Radimarket et lui à ses diagrammes camembert. Est-ce que ça m’empêche, une heure plus tard, de crier sur mon fils qui a encore laissé ses pompes puantes au milieu du passage ? Non. Est-ce que ça fait sauter mes PV ou ça gonfle mon Livret A ? Non plus. Ce sont des moments parfaitement gratuits, sans bénéfice à court terme, sans avantage matériel. Mais ils embellissent ma vie d’une manière permanente.

Chère Fabuleuse, si toi aussi tu prends l’habitude d’identifier ces petites étoiles qui s’épanouissent sans crier gare dans ton estomac,

si tu les laisses déborder et exploser en paillettes dans la banalité de ton quotidien, si en plus tu prends le soin d’en démultiplier les effets en les partageant, alors laisse-moi te dire que ta vie va rayonner. Ces bouffées d’amour, ce sont simplement des manifestations surprises de gratitude. La bonne nouvelle, c’est que tu ne peux ni prévoir ni susciter ces moments d’éblouissement, tu seras toujours cueillie, soufflée, submergée. Tu ne connaîtras ni l’heure ni le lieu, mais tu as le pouvoir d’en faire surgir encore et encore, parce que l’organe qui les produit se muscle facilement. Cet organe, c’est ta capacité d’émerveillement, à exercer sur les plus petites choses, c’est ce regard d’enfant, jamais blasé, que tu as le droit de poser sur ta vie. Une bouffée d’amour n’attendra pas que ton quotidien soit merveilleux, que tes problèmes soient réglés, que ta route soit droite et ta voiture OK au contrôle technique.

Elle surgira, c’est tout, et tu verras à sa lumière tout ce qui, dans ta vie, mérite d’être chéri, remercié, entouré de soins…

Ça peut aller de cette orchidée que tu pensais sèche et qui forme une nouvelle tige, à cette tringle à rideaux que tu as enfin fixée, de ce baiser tout poisseux de miel que ton dernier t’a offert (avant de s’essuyer sur la manche de son pull propre), au clin d’œil lancé par ton amoureux lorsqu’il a croisé ton regard dans la glace de la salle de bain… 

Oui, j’ai des bouffées d’amour pour ma vie telle qu’elle est,

de joyeux moments de jubilation, que je cueille et que je savoure, parce que dans une heure, dans cinq minutes, on ne sait pas ce que ce même quotidien me réserve. J’espère, chère Fabuleuse, que tu sais de quoi je parle, que tu comprends, que tu t’exclames, les yeux brillants « Dingue, je vois exactement ce qu’elle veut dire ». Si je t’ai parlé chinois, si tu n’as jamais encore connu cette inexplicable satisfaction d’habiter cette vie-là, auprès de ces gens-là qui sont ta famille, alors je te porte dans mon cœur, avec la certitude que ce moment adviendra. D’ailleurs, chez moi, la toute première n’est pas arrivée tout de suite. Il a fallu un peu de temps pour que je la reconnaisse comme une bouffée d’amour et que j’en accompagne l’épanouissement. Alors, tous les espoirs sont permis !



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Cet article a été écrit par :
Agathe Portail

Maman de 4 enfants (très) rapprochés et girondine d’adoption, Agathe Portail écrit des romans adultes édités chez Actes Sud, Calmann Levy et J'ai lu, mais aussi des romans historico-fantastiques édités par Emmanuel Jeunesse.

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