Héroïne d’un mauvais film - Fabuleuses Au Foyer
Dans ma tête

Héroïne d’un mauvais film

Marie Chetrit 23 mars 2020
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Tout cela nous est tombé sur la tête comme dans un mauvais film de série B.

Jeudi 12 mars, fermeture des écoles annoncée.

Bon.

On n’en sortira sans doute pas toutes (ni tous) vivants, le taux d’infanticide risque de grimper. Mais passe encore.

Puis, lundi 16 mars, l’annonce du confinement (presque) total. Bim.

Nous étions en week-end, pour une fois chez mon mari (parce qu’en semaine, nous n’habitons pas ensemble), avec pour projet de faire en famille quelques jours de continuité pédagogique. Quitte à télé-travailler, autant le faire entourée d’amour, non ? Et donc, je suis partie avec une petite valise, quelques culottes et un demi-roman.

Sur ce, nous entendons les bruits annonçant un proche confinement, par zone sans doute. Nous tenons donc un conseil de guerre avec mon chéri.

Que faire ?

Retourner en zone occupée, confinée pardon, avec Chaton et Lapin, afin qu’ils soient dans leur cadre familier, en tablant sur l’hypothèse que Chéri pourrait nous rejoindre le week-end, et pour permettre à Poupette et Loulou de naviguer entre leur parent B (comme le film) et nous ? Mais ce serait prendre le risque d’être séparés pendant de longues semaines, comme mes grands-parents pendant la guerre, et d’agrandir la famille lors de retrouvailles enflammées ?

Ou rester en zone libre (pour le moment), dans cet appartement aussi bien meublé qu’une cellule de prison où nous sommes venus finir le week-end ?

Faut-il partir nuitamment à pied et franchir la Manche à la nage, jusqu’au Groenland, à la manière du capitaine von Trapp et de sa famille ? Ou plutôt rouler sur les petits chemins de campagne, phares éteints, dans la voiture camouflée sous des branches ? peut-être que ça serait une bonne idée, hein, qu’est-ce-que t’en penses ?

Et où faire les courses, hein, où faire les courses ? Ici dans le Nord, gonfler le coffre et redescendre ? ou l’inverse ? Est-ce que tu connais un bon dealer de coquillettes, toi, ou de PQ ? Est-ce que tu crois que je pourrais échanger une boîte de paracétamol contre 2 pots de confitures et 5 kg de farine ?

Malgré la situation, nous en rigolions tous les deux, avec l’impression d’avoir fait un saut temporel, à la manière des Visiteurs. Comme si nous étions les héros d’un scénario où nous partirions en guerre contre un ennemi perfide, qui n’a pas de casque à pointe, mais une petite couronne piquante (ben oui, c’est pour ça qu’on l’appelle coronavirus).

Enfin, héros : il faut le dire vite. 

Personnellement, mon héroïsme est très mesuré. Comme tout le monde, je m’inquiète et j’observe ce qui se passe, en espérant que le coronavirus, contrairement aux moustiques qui m’adorent, n’aimera pas mon odeur et passera son chemin.

Mais je n’ai pas la main sur le coronavirus. En dehors de me laver les mains et de ne pas tousser à la figure de mes proches, que puis-je faire pour rendre la vie plus légère pour les enfants et nous ?

Quand j’ai vu les mesures annoncées et le tour préoccupant que prenait la situation, j’ai repensé (pardonnez-moi car c’est sans doute excessif) à La Vie est Belle. Dans ce film, un père déporté avec son enfant lui fait croire qu’il s’agit d’un jeu grandeur nature. Il lui traduit les ordres des soldats de manière complètement farfelue, et ainsi, transforme cet enfer en quelque chose de supportable.

Alors voilà, peut-être que je parviendrai à prendre ces semaines de confinement comme un défi pour nous tous : je décide d’être la super-héroïne d’une fiction extraordinaire, une sorte de Koh-Lanta domestique.

  • Oui, je me fixe le défi de ne pas trop crier, enfin d’essayer.
  • Je me fixe le défi de garder, en dépit de l’absence d’obligations, un rythme assez structuré.
  • Je me fixe le défi de cuisiner avec mes enfants (puisque j’ai finalement réussi à faire les courses même s’il n’y avait plus ni riz, ni pâtes, ni œufs).
  • Je me fixe le défi de faire mon pain à la maison, ce qui mettra à l’épreuve mes convictions vaguement bobo-bio.
  • Je me fixe le défi de créer avec les moyens du bord, et pour une fois, de mettre en œuvre mes velléités de recyclage pour faire des activités manuelles avec les enfants.
  • Je me fixe le défi d’écouter tous ces podcasts que je me promets d’écouter, et de lire au moins une heure par jour.
  • Je me fixe le défi de vivre ensemble, vraiment vivre ensemble, et de profiter de cette parenthèse pour creuser la communication avec mes enfants et mon mari.
  • Et même si ce n’est pas fait aujourd’hui, je me fixe le défi de formaliser un emploi du temps, peu à peu et sans sombrer dans un perfectionnisme vain (car la concurrence est déjà rude sur les réseaux sociaux !). Je garderai en tête que bien sûr, ces semaines vont être un peu folkloriques, qu’il y aura des hauts et des bas, et certainement des cris, et que c’est normal.
  • Je me fixe aussi le défi d’y aller mollo sur l’éducation bienveillante et d’affirmer clairement que c’est moi qui décide, parce que ma santé mentale passe avant tout.

À propos de principes : je décide également de m’asseoir dessus quelque temps, et que la télé sera – provisoirement – ma meilleure baby-sitter.

Et quand cette période de claustration civique et solidaire sera enfin terminée, je regarderai derrière moi, et je me dirai :

« On l’a fait ! »

Je veux garder de cette période non pas un souvenir de cauchemar, d’ennui et d’angoisses, mais un souvenir de défis relevés et de joies inattendues.

Dans quelques semaines, nous pourrons de nouveau étreindre nos amis dans les bras, ne mettre personne en danger par nos baisers, prendre un café au soleil, aller au parc jouer, nous prélasser sur les sièges rouges d’un cinéma…et alors nous savourerons encore davantage ces petites joies qui nous sont offertes chaque jour et que nous ne voyons même plus.



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CHÈRE FABULEUSE
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Cet article a été écrit par :
Marie Chetrit

Scientifique de formation et de profession mais littéraire de cœur, Marie Chetrit partage sur son blog de petits textes sur les moments rigolos ou exaspérants de sa vie familiale. Elle et son fabuleux époux ont chacun un grand d’une première union et deux petits diablotins ensemble.
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