« Ça, ma pauvre, tu peux dire adieu à tes nuits. »
« Retrouver ta ligne ? Mouahaha, laisse-moi rire ! »
« Pour un premier, tu te tapes une épisio à tous les coups… »
« Dis donc, il est petit ton ventre, pour six mois de grossesse. Tu es sûre que tout va bien ? »
« Reprendre le footing ? Si tu as envie de perdre ta rate et ta vessie sur le bitume, hein, qui suis-je pour juger ? »
« Bosser et pouponner ? Burn out assuré ! Ah, ces femmes qui pensent qu’elles peuvent tout choisir sans y laisser leur santé mentale… »
Wow wow wow, les mamans, qu’est-ce qui se passe ?
Sous prétexte que je suis primipare et que je porte encore en moi le fruit de nos amours avec mon Fabuleux, vous vous sentez autorisées à me submerger sous les visions d’horreur, les perspectives de l’enfer et les prophéties démoniaques ? Ah bon, c’est pour me prévenir ? Me préparer ? Pour que la chute soit moins douloureuse, la déception moins sévère, la dépression moins profonde et le désespoir moins noir ? Merci, merci, vous êtes trop bonnes, fallait pas. Vraiment.
Cet article est né d’une conversation avec un jeune futur papa, une fois n’est pas coutume, qui me racontait sa perplexité face à l’avalanche de petites phrases déprimantes que recevait sa Fabuleuse à longueur de journée, alors qu’elle attendait leur premier enfant.
— C’est dingue, me disait-il, si tu veux trouver de l’info sur toutes les catastrophes qui t’attendent en tant que futur parent, tu trouves. Mais trouver des trucs positifs, c’est mission impossible, à croire qu’il n’existe aucun contenu qui donne envie de devenir parents.
J’ai eu envie de dégainer une liste longue comme le bras d’articles des Fabuleuses :
- Les BD de Fleur-Lise « 9 trucs cool quand tu es parent »
- 10 choses que je ne regrette pas de ma vie d’avant
- Ce que j’aurais aimé qu’on me dise avant que je devienne maman
- Nos enfants nous volent-ils notre vie ?
Ces articles qui racontent la maternité dans ce qu’elle a de doux et de puissant, de tendre et de merveilleux. Et puis je n’ai pas envoyé cette liste. Parce que dans le processus qui fait de nous des mères, il y a cette phase d’apprentissage et surtout d’appropriation de cette nouvelle identité. Oui, chère future maman, tu vas recevoir des tas d’avis non sollicités, de jugements, de conseils bienveillants qui viendront contredire d’autres conseils bienveillants, de récits de vie, de règlements de compte avec la maternité qui n’auront rien à voir avec toi. Prendre du recul par rapport à ce que les autres projettent sur toi en tant que mère fait partie de la transformation. Prendre tes angoisses, ta vulnérabilité sous le bras et leur dire « OK les filles, je sais que vous êtes là, mais va falloir avancer quand même », aussi.
Il y a sans doute un effet balancier : avant, on ne disait rien à part « c’est la plus belle chose du monde, les enfants ».
Maintenant, on détaille, on livre tout sans fard, on est authentique impudique parce qu’il est devenu inenvisageable d’entrer en maternité la fleur au fusil. Et on pense bien faire en prévenant les inconscientes, évidemment !
Mais face à la vague qui arrive et dans laquelle elle s’apprête à plonger, la maman sur le point d’accoucher a peut-être besoin d’entendre les choses d’une manière qui ne soit pas un règlement de NOS comptes avec NOTRE maternité.
Pour cette future maman et son Fabuleux, je te propose de faire l’exercice périlleux de dire la vérité, mais la vérité dans son ensemble, toute entière, celle qui raconte le moment M et puis aussi le M+1, parce que…
…c’est cruel de s’arrêter au moment difficile sans raconter les fruits qu’il a portés ensuite.
- Oui, les montagnes russes émotionnelles. Mais la découverte de ces émotions, de ces sensations inconnues jusqu’alors feront de toi une personne plus intense, plus forte, plus douce, plus aimante, plus puissante et plus compréhensive.
- Oui, le manque de temps. Mais ce qui compte vraiment pour toi dans la vie va t’apparaître bien plus clairement, parce que ton temps et ton énergie limités vont t’obliger à défendre ce qui est vital pour toi. Grâce à cette raréfaction de tes ressources, tu vas découvrir tes valeurs profondes, celles qui émergent au-dessus du reste, auxquelles tu vas choisir de consacrer le temps et l’énergie qui te restent. Tu vas mûrir.
- Oui, la douleur. Mais tu vas halluciner sur la puissance de ton corps, sa résilience, sa capacité à supporter et à se réparer.
- Oui, le corps abîmé. Mais la question des kilos et des stigmates de la grossesse passeront probablement au troisième plan, ce n’est pas ce qui comptera le plus pour toi dans l’immédiat. Accomplir un exploit nous transforme. Et faire sortir de soi un être vivant est un sacré merveilleux exploit que la moitié de l’humanité ne peut pas accomplir.
- Oui, le manque de sommeil. Mais tu vas découvrir des ressources que tu n’imagines même pas, tu vas apprendre à laisser sa place à ton Fabuleux parce que tu n’auras pas le choix, et ça posera les bases de tant de choses ensuite.
- Oui, le couple qui cherche son nouvel équilibre. Mais vous sortirez grandis et approfondis dans votre amour. Apprendre à exprimer ses besoins et à pardonner, apprendre à s’appuyer sur l’autre et à le soutenir. Gardez la certitude que vous bossez dans la même équipe !
- Oui, les trucs pas réglés de l’enfance qui pètent à la figure. Mais tu as devant toi soixante ans à vivre au moins, et faire la paix avec ces trucs-là est une chance merveilleuse de t’en libérer.
- Oui, ça complique la vie. Mais ce qui est compliqué est souvent passionnant, rend inventif, créatif, humble, drôle. Tu vas te bonifier :-).
- Oui, c’est long. Trouver l’équilibre, se réapproprier son corps, trouver ton chemin, votre chemin, ça prend du temps. Mais ça tombe pas si mal, parce que c’est justement en ça que ça consiste, vivre.
Est-ce que la maternité m’a secouée ? Oui. Est-ce que j’ai souffert ? Oui.
Est-ce qu’on s’est engueulés avec mon Fabuleux ? Oui. Est-ce que j’étais crevée ? Oui. Est-ce que, maintenant que je sais tout ça, ça m’empêcherait de recommencer ? NON ! La maternité, c’est l’aventure de ma vie, le fioul de ma créativité, le cœur qui explose d’amour, la fierté absolue partagée avec mon Fabuleux, le grand frisson de l’inconnu, l’espoir d’améliorer le monde, la foi en l’avenir parce que mes enfants y investiront leurs idées géniales et leur énergie qui décoiffe, les rires les plus débridés, les enseignements les plus sages, la preuve que la vie trace sa route quoi qu’il arrive, la tendresse infinie, la permission d’ouvrir ma gueule, le sentiment de vieillir pour une bonne raison, l’esprit tranquille parce que ma vie a porté des fruits qui en porteront à leur tour.
