Toi que j’ai désiré porter…
Je ne m’en lasse pas, je découvre ton corps si bien dessiné : la courbe de tes yeux, les lignes de ta main, le drapé de tes oreilles, la finesse de tes pieds.
Tout est bien là, et malgré ta peau rouge un peu fripée, tes poings serrés, la tête lourde abandonnée contre ma gorge, je suis saisie d’émerveillement.
Ton cri a surgi,
Première parole qui nous reliera désormais de mère à fille.
Tu me dis que tu es là, seconde nuance de rose après quatre nuances de bleu. Douce Hannah, ton regard qui s’ouvre péniblement cherche le mien et m’interroge.
Nous voici face à face :
Que puis-je te souhaiter ?
Bien entendu, je voudrais que tu sois heureuse,
Que tu sois « bien dans tes pompes », que tu croques la vie à pleine dents !
Je voudrais tant savoir être assez proche de toi pour te donner les moyens et l’envie irrésistible de vivre avec délice. C’est banal, n’est-ce pas ? En disant ça on n’invente rien.
Oui mais voilà, tu vois petite Hannah, c’est campé là, dans mes tripes de mère.
Quelque soit la longueur ou la blondeur de tes cheveux, je voudrais sans cesse que tu sois convaincue de la beauté de ton corps, de la noblesse de tes désirs, de la puissance de tes projets.
Corps de femme ?
Absolument. Et non pas corps de rêve.
Hannah, c’est différent : le premier est dans la vie, expression de ta féminité, le second n’est que chimère, source de déceptions. Entre les formes dont tu rêveras et celles qui te définiront, tu te sentiras peut-être parfois en désaccord.
Et je sais bien qu’il y aura toujours un regard – quand celui-ci ne sera pas le tien – pour te rappeler que tu es « trop creuse ou trop ronde », que sais-je encore ?
Hannah, t’auras toujours un bouton, un peu de peau d’orange, un cil de travers. Autant de défauts que tu apprendras à aimer… et qu’un jour, un autre, adorera contempler.
Alors oui, je voudrais que tu aies la joie d’habiter ton corps de femme.
Que tu le vives pleinement, comme un vecteur de relation puissant et précieux pour ÊTRE au monde, auprès de ceux qui viendront t’entourer, famille, amis, amant, enfant(s) …
Tout simplement, telle que tu es : belle et unique.
La noblesse de ton désir.
Je te souhaite de désirer la vie et de la faire rayonner.
- D’apprendre à désirer l’autre sans l’anéantir.
- D’être désirable, sans quête existentielle.
- D’être folle d’amour sans jamais t’oublier.
Saurai-je te mener sur ces chemins de désirs ? Sauras-tu distinguer de ceux qui pourront te nourrir, ceux qui pourraient t’égarer ?
Petite Hannah, je te souhaite de prendre le temps de bien te connaître,
pour être « Toi », sans pression, à ton rythme.
Je voudrais tellement t’accompagner dans cette progression:
- de petite fille à jeune femme,
- te laisser partir à la rencontre intime de ton identité,
- t’aider à accueillir tes défauts et tes qualités,
- les travailler et les faire grandir en adéquation avec ce que tu es, afin qu’un matin tu puisses voler de tes propres ailes avec la force de pouvoir choisir et celle de savoir renoncer.
Libre. Autonome. Sans appréhension et sans culpabilité.
Désirer VIVRE, désirer L’AUTRE tout simplement.
Est-ce possible ?
La puissance de tes projets.
Hannah,
Je voudrais te donner l’envie de bâtir des cathédrales. D’oser le Grand et le Beau.
Je te souhaite de croire en tes projets, de leurs donner du sens et de persévérer. Ce n’est pas tant l’excellence du chantier qui m’importe, mais la façon de t’y investir, de le faire germer, avec patience, intelligence et ténacité.
Je te souhaite de te mettre au service de l’Amour, avec une pincée d’humour, de fantaisie, et d’oser rire, rire encore ; rire de tes projets et de toi même de temps en temps.
Oui, petite Hannah, laisse donc le rire sonner à ta porte, laisse toi emporter par ces fous-rire incontrôlables dont tu te souviendras plus tard comme des moments de privilège partagés.
Chère Hannah,
Je te souhaite de « dépoter » et de « bousculer » le train-train quotidien de notre monde qui parfois s’endort, et que chacune de tes idées, de la tour de Kapla à ta première maison, te donne envie de continuer et de recommencer … un peu plus loin.
De mère à fille : bien entendu, soyons lucides …
Pour relever ce défi, il faudra que nous transformions ton premier cri en paroles bien vivantes (compliquées, passionnelles, apaisées ?) de toi à moi, de mère à fille.
Ça oui ! Pour relever ce défi, il en faudra « un paquet », de discussions complices, ainsi qu’un autre chargé d’engueulades pour que nous puissions nous découvrir !
Saurons-nous nous aimer sans nous idéaliser ? Nous détester (un peu) pour mieux nous retrouver ?
De mère à fille, petite Hannah, ce lien particulier qui fait que les filles et les femmes se réunissent entre copines pour en parler. Oui, tu parleras de ta mère, petite Hannah, « pas assez » ou « beaucoup trop », tu feras comme ces femmes et ces jeunes filles que je rencontre et qui interrogent cette filiation maternelle avec tendresse ou agressivité.
Mais on a le temps, petite Hannah. Te voici aujourd’hui blottie contre mon cœur.
Dans quelques heures tu souriras aux anges, ces mimiques de nouveau-né dont je raffole et qui nous laisse espérer que demain sera beau.