« Maman, c’est quoi ton travail ? »
Il me sort ça pendant le petit-dej, caché derrière la boîte de céréales. Moi qui pensais pouvoir siroter mon café et déguster mes tartines peinard…
Il y a encore deux ans, la réponse à fournir dès potron-minet aurait été plus simple. Je lui aurais répondu que je racontais des histoires. Ben oui, parce qu’un journaliste, quelque part, c’est un peu ça, son métier. Et avant de rejoindre l’équipe des Fabuleuses, c’est cela que je faisais quotidiennement, au fond : raconter des histoires.
Les premières vapeurs de ma tasse de café m’aident à donner une première piste de réponse à mon extra-ordinaire curieux (bien que je sache déjà qu’une simple réponse ne suffira pas à satisfaire son envie de savoir et de comprendre).
– Mon travail c’est d’aider Hélène à parler aux Fabuleuses.
Silence.
– Oui, mais le travail d’Hélène, c’est quoi ? Qu’est-ce que vous leur dites, aux Fabuleuses ?
Je réfléchis.
“Le travail d’Hélène, c’est d’aider les mamans.”
– Elles ont besoin d’aide, les mamans ?
– Oh oui, elles ont besoin d’aide ! Tu sais, nous les mamans, notre travail c’est un peu d’aider nos enfants à grandir, à apprendre. Et tout ça, on le fait surtout en vous donnant des câlins, en vous répétant qu’on vous aime…
– Un peu comme quand tu me dis que je vais y arriver, que ce n’est pas grave si je me trompe ?
(Il a beau avoir 8 ans, il a tout compris)
– Oui, exactement ! Et avec Hélène, on est là pour faire la même chose avec les mamans : on leur répète qu’elles sont de bonnes mamans, qu’elles peuvent avoir confiance en elles, qu’elles vont y arriver…
– Arriver à quoi ?
– Eh bien, à faire leur métier de maman sans se sentir nulle.
– Parce qu’elles se sentent nulles, les mamans ? Mais c’est trop triste !
(Je craque)
– Ben oui, parfois elles se sentent nulles ! Tu sais, quand je me fâche contre toi, quand je perds patience avec ton petit frère, je me sens un peu nulle. Ou par exemple quand je suis obligée de travailler au lieu de jouer avec toi et ton frère, eh bien c’est pareil : je me dis que je ne devrais pas vous laisser pour travailler, que je devrais rester avec vous. Et du coup je me sens un peu nulle…je me dis que d’autres mamans feraient mieux que moi.
– Ah oui, en fait, tu te sens coupable, c’est ça ?
– Oui, voilà, c’est ça.
(Silence)
– Alors en fait, avec Hélène, vous aidez les mamans à ne pas se sentir coupables, c’est bien ça ?
– C’est exactement ça, tu as tout compris : on les aide à ne pas oublier que tout ce qu’elles font dans leur foyer est déjà super et que c’est un travail pas facile mais qu’elles s’en sortent très bien et que c’est largement suffisant.
– Oh, mais bien sûr qu’elles s’en sortent très bien ! C’est d’ailleurs pour ça qu’on les appelle les « Fabuleuses », hein maman ?
Merci, mon fils, pour cette petite “leçon de fabulosité” donnée de bon matin, entre ton bol de céréales et ma tasse de café fumant.
Mon petit doigt me dit qu’en cette période bien particulière, les mamans apprécieront. Parce que tous ces gestes du quotidien posés alors que nous sommes confinées chez nous, même s’ils nous paraissent dérisoires, ont une valeur inestimable.
Ces gestes sont des preuves d’amour, même maladroites, même fatiguées, même imparfaites.
Et surtout parce qu’elles sont imparfaites.
Finalement, c’est ça, mon travail : raconter les histoires de ces fabuleuses mamans pour qu’elles se sentent moins seules, rassurées, comprises, encouragées, et, au final, révélées.