“Je fais la liste. Non pas des cadeaux que je veux, mais de ceux que j’ai déjà.” Ann Voskamp, Mille cadeaux
La boîte aux lettres se remplit de revues de toutes les couleurs, qui si elles tombent entre leurs petites mains, réveillent en eux l’envie incompressible de tout commander. Ils font leur liste de cadeaux. Avec un peu de chance, ils joueront deux, peut-être trois semaines avec ces nouveautés. Et ensuite ils se lasseront. Nos enfants sont ingrats…
Mais ils ne le savent pas. Ils croient sincèrement que Noël leur apportera de la joie. C’est ce que je leur souhaite. Mais je leur souhaite surtout d’expérimenter cette vérité toute simple et pourtant si difficile à vivre au quotidien :
il y a de la joie toute l’année pour ceux qui veulent bien la voir.
Et je suis dans la salle d’attente du médecin, et j’ai sous les yeux la couverture d’un magazine qui me présente “les 1000 endroits qu’il faut absolument voir avant de mourir”, et je crois ce mensonge qui veut m’éloigner de l’ici et du maintenant, ce mensonge originel qui nous a fait croire à tous qu’il faut chercher la joie ailleurs, qu’il faut attendre un autre jour pour avoir la chance de peut-être en éprouver.
Cette insatisfaction constante qui nous fait oublier que la joie est déjà disponible, ici et maintenant.
Et non seulement elle est déjà disponible ici et maintenant, mais encore elle est uniquement disponible ici et maintenant. Tout simplement parce que notre vie sur Terre n’est qu’un enchaînement de milliers de “ici” et de “maintenant”.
Mais on est tombé dans la marmite étant petits : achète ça, voyage là, fais une rafle chez Ikea et tu verras comme ça ira mieux. Résultat : y’a plus de joie !
“Le développement de l’intérêt pour la gratitude est lié au constat réalisé par l’Organisation Mondiale de la Santé qui signale qu’à l’horizon 2015, plus d’un quart des personnes seront touchées par un trouble de santé mentale au cours de leur vie, en particulier par des troubles anxieux ou dépressifs.” Rebecca Shankland, Les pouvoirs de la gratitude
L’immense majorité d’entre nous a largement assez pour vivre, et plus encore. Pourtant, nous n’avons jamais été aussi malades à l’intérieur, jamais aussi rongés par le manque, l’insatisfaction, ce fameux “ça ira mieux quand” qui fait qu’au final ça ne va jamais mieux. Parce qu’on n’a pas appris à être ici et maintenant.
“Notre tâche permanente, spirituelle et psychologique, consiste à considérer les choses familières jusqu’à ce qu’elles redeviennent inhabituelles.” G. K. Chesterton
On n’a pas appris à voir le ciel rose du matin, on n’a pas appris à voir les écureuils dans le jardin, ni les feuilles dorées qui tombent doucement des arbres de la grande avenue. On a des yeux, mais qui ne voient plus la prise qui alimente la cafetière en électricité, ni le robinet qui permet de remplir le réservoir de ladite cafetière, ni le café chaud qui en sort pour nous donner le courage d’attaquer notre journée.
Des cadeaux, il y en a tout autour.
La gratitude, c’est amplifier les aspects positifs des cadeaux sur lesquelles se porte notre attention. C’est éprouver une émotion, et cette émotion est bien plus grande que le cadeau en question – dont on finira de toute façon par se lasser. Tout change lorsque l’on comprend ceci :
le cadeau, c’est la gratitude.
“La gratitude est un second plaisir, qui en prolonge un premier : comme un écho à la joie éprouvée, comme un bonheur en plus pour un plus de bonheur.” André Comte-Sponville
Je voudrais avoir ce coeur d’enfant, ce coeur pas contaminé par les catalogues de jouets, ce coeur pas contaminé par les to-do-lists qui me font croire que ça ira mieux quand j’aurai tout coché, ce coeur de l’ici et du maintenant, un coeur de petit garçon qui disait l’autre matin au réveil :