C’était il y a quelques années, je rentrais de voyage avec mes 3 filles quand mon mari m’a annoncé qu’un couple d’amis allait divorcer. Je ne l’ai d’abord pas cru. Je n’étais même pas sûre de comprendre de qui il parlait.
Comment ? Nathalie et Archibald ? Noooon ! Mais ce n’est pas possible ! J’avais beau y penser, je ne comprenais pas et vraiment, je n’avais rien vu venir !
Non, je n’avais rien vu venir. Et cela m’a perturbée un temps. Je suis psy depuis plus de 15 ans quand même ! Comment être si aveugle ? Avais-je raté une conversation importante ? Aurais-je pu sauver leur couple ?
Et là, en me lisant, vous souriez, j’espère ! Vous allez me dire « Wow, un petit côté syndrome du ‘sauveur’ cette fille ». Mais oui, je l’avoue. Sur ce coup-là, la nouvelle m’avait tellement surprise que j’avais l’impression que le couple avait explosé dans mes mains…
… comme une bulle de savon.
Vouloir tenir les gens dans nos mains et les protéger de tout problème, c’est comme vouloir attraper des bulles de savon. Nous avons tous observé des petits enfants qui admirent, yeux écarquillés, les petites et grandes bulles voler autour d’eux. Ils tendent souvent la main pour tenir ces trésors. Mais nous connaissons tous la fin de l’histoire, lorsqu’en touchant la bulle, elle éclate et pouf… il ne reste sur la main que quelques mini gouttes d’eau savonnée.
« Mais Rebecca, ça n’a jamais été entre tes mains ».
Ce fut la phrase d’un ami quand je lui parlais de ce divorce et de mon énorme sentiment d’avoir failli à les aider. « Mais peut-être que… Peut-être que si j’avais fait plus attention, demandé plus clairement, osé les secouer ? » La réponse à tous ces reproches était et restera toujours : « Non, mamzelle la psy, tu ne peux pas attraper les bulles de savon.»
Pourquoi je t’écris ça, là, ce matin ? Pour que tu te sentes comme une chevalière impuissante ? Bonjour la déprime ! Merci Rebecca mais pour encourager, il y a franchement mieux ! Pourtant, j’ai ce titre en tête depuis des semaines, et si je voulais t’écrire cet article c’était plutôt pour te faire du bien, pour te dire d’ouvrir les mains, de te détendre. Il y a dans la vie certains terrains en construction qui ne sont pas les nôtres.
Se vider l’âme à essayer de rénover la maison des autres, c’est finir soi-même, tôt ou tard, épuisée sur le tapis.
Je ne dis pas que ce qui arrive aux autres doit nous être égal, et parfois notre aide est la bienvenue (une oreille à l’écoute, un cœur ouvert, une prière, une lasagne apportée un soir, quelques heures à baby-sitter les enfants…) Mais nous ne pouvons pas décider à la place des autres ! Et nous pouvons intérieurement nous décharger de la responsabilité de les rendre heureux. Cela fait du bien de s’en rappeler.
Si souvent, la lassitude et la frustration commencent là où nous essayons de changer des choses qui ne sont pas de notre ressort.
Prenons un bête exemple : celui de la fameuse chemise jaune canari que mon mari aimait tant (et moi pas). Bien entendu que je peux la cacher dans le fond du bac à linge pendant 5 semaines pour qu’il ne la porte pas, je peux aussi lui dire que je la trouve horrible mais en fin de compte : c’est lui qui décidera ! Et il a bien raison. Aimer c’est laisser à l’autre la liberté de ses (parfois) mauvais choix, ou encore goûts vestimentaires de chiottes (je rigooooole, la chemise n’était pas si terrible que ça).
Alors en vrai, on vit plus détendu quand on arrête d’essayer de prendre en main les bulles de savon. J’apprends encore tous les jours à redistribuer les cartes des responsabilités à qui elles appartiennent. Dans mes mains, ma vie et mon bonheur : je suis libre et auto-déterminée. Et dans les mains des autres, leur vie et leur bonheur : libres et auto-déterminés.
Et s’il est vrai que quand des amis divorcent, on est triste, bouleversé aussi, ça nous touche… on n’a pas à paniquer en essayant un dernier sauvetage d’urgence.
Souvent, on aide au mieux notre entourage quand on reconnaît et qu’on s’occupe de nos terrains vagues à nous.
Courage à vous toutes…