Valérie de Minvielle te parle de son nouveau livre : “Imparfaite mais heureuse” - Fabuleuses Au Foyer
Maman épuisée

Valérie de Minvielle te parle de son nouveau livre : “Imparfaite mais heureuse”

valérie de minvielle
Margaux Leguern 22 novembre 2023
Partager
l'article sur


Qui sont les femmes qui viennent te voir en consultation ?

Ce sont des femmes qui ont œuvré pour se construire une vie proche de leurs valeurs : elles ont un toit, un conjoint qu’elles aiment, des enfants, un boulot qu’elles ont choisi. Elles viennent à moi après plusieurs années à déployer une énergie pharaonique pour tout mener de front, et qui les laissent épuisées, perdues. Leur plainte principale concerne soit le couple, dont elles craignent qu’il explose, soit leur vie de mère, bien trop loin du refuge tendre qu’elles imaginaient, soit leur vie professionnelle, qui a perdu tout son sens, soit leur propre santé mentale. 

Elles cherchent à comprendre ce qui leur arrive et à sortir de cette spirale infernale pour retrouver une forme d’harmonie.

Tu accompagnes des femmes depuis 2015 au sein de ton cabinet Ma Juste Place. Qu’est-ce qui a changé en 8 ans dans les façons d’être mères, épouses, professionnelles ?

Il me semble que la question que j’entendais à l’époque “comment font les autres” est devenue “pourquoi tout le monde y arrive sauf moi” ? J’y vois une conséquence du fait que nos vies sont abreuvées des réseaux sociaux. La comparaison fait des ravages sur la confiance en soi de chacune. 

Les femmes qui viennent me voir souffrent de cette ultra-connexion qui guide leurs choix, et de ce manque de connexion à elles-mêmes : elles ne savent plus qui elles sont ni ce qu’elles veulent pour leur vie. Elles se sont oubliées, diluées dans différents rôles qu’elles vivent comme des obligations plus que comme des choix.

Ton livre s’intitule Imparfaite mais heureuse. Les femmes d’aujourd’hui doutent-elles encore que ces deux qualificatifs soient conciliables ?

Tout à fait, même si elles ne le formulent pas toujours ainsi. Nous sommes marquées par notre héritage ! 

Il ne suffit pas de se savoir libre de choisir pour l’être vraiment. L’image de la parfaite mère au foyer continue de nous influencer plus que nous le croyons. 

Sur le plan plus personnel, nombre de femmes que je reçois ont été éduquées à être de « bonnes élèves ». Elles continuent de s’adapter plus tard, soucieuses de tout bien faire. 

C’est vrai un travail, de se dégager de ce modèle. 

Dans ton livre, beaucoup de tes clientes s’aperçoivent que la raison de leur épuisement et de leur mal-être n’est finalement ni leur conjoint ni leurs enfants… Quelle est selon toi l’origine principale de leur mal-être ? 

Le conjoint, les enfants, le boulot : il est parfois confortable de se dire que si l’un de ces éléments changeait, elles pourraient enfin vivre… ce qu’elles veulent. Et que veulent-elles ? Elles ne savent pas vraiment, justement, et c’est la grande question. Elles ont du mal à identifier leur désir, elles n’osent pas l’affirmer, ou elles ne savent pas comment le réaliser. Et c’est très douloureux.

Les femmes et les mères d’aujourd’hui veulent tout vivre. Comment profiter de cette liberté que nos mères et nos grands-mères ont obtenue pour nous, sans tomber dans l’épuisement ? 

C’est une question qui nécessiterait un livre entier pour y répondre ! Voici trois points qui me semblent clé dans cette quête : 

  • apprendre à faire des choix basés sur soi et non sur ce-que-l’on-croit-que-les-autres-attendent
  • se réconcilier avec les parts de soi que l’on n’aime pas ou que l’on ignore
  • donner plus de place à son énergie féminine pour ne pas vivre en permanence dans son énergie masculine, qui consiste à faire, faire, faire, faire tout le temps. La question du féminin et du masculin en chacun de nous est passionnante. Claire de Saint Lager en parle merveilleusement bien, j’en dis quelques mots dans mon livre. 

Que dirais-tu à une maman épuisée qui n’ose pas demander de l’aide ? 

Je lui demanderais ce qui la retient de demander de l’aide. Il s’agit peut-être d’une forme de honte : “qui suis-je, moi qui ai tout pour être heureuse, pour oser demander de l’aide ?”, ou d’une croyance héritée : “les psys, c’est pour les fous, moi ça va, je n’en suis pas là”. Je lui dirais aussi que le boulot d’un psy, c’est d’aider l’autre à traverser ce qu’il a à vivre, que ce soit ponctuel ou plus long, grave ou pas grave, pour qu’il ou elle en ressorte grandi(e), affermi(e), à même de se débrouiller à nouveau avec la vie. 

Que dirais-tu à une femme qui a peur de “gratter”, de travailler sur elle-même, car elle redoute ce qu’elle pourrait découvrir ?

Question difficile ! C’est la question des bénéfices de la souffrance. Ça semble paradoxal ? Ça l’est d’une certaine manière : il peut y avoir souffrance, et avantages à ne pas surmonter cette souffrance. Imaginez un enfant qui tombe, se blesse au genou. Ça saigne, il pleure, il a mal. Ses parents vont le soigner, le porter, l’entourer, l’installer sur le canapé, le choyer. L’enfant a mal mais les démonstrations d’affection occasionnées par la blessure sont délicieuses pour lui ; alors il va peut-être, s’il a grand besoin de cette affection, retarder un peu le moment de “guérir”. 

À l’âge adulte, c’est la même logique : qu’elles en soient conscientes ou pas, certaines ont peur, en allant mieux, de perdre le soutien qui s’est mis en place autour d’elles. 

Elles peuvent aussi avoir peur, en allant gratter, de s’effondrer, ou que ce qu’elles découvrent d’elles remettent en question tous les choix qu’elles ont faits jusque-là, y compris le choix de leur mariage par exemple. C’est un risque. Mais c’est loin d’être toujours le cas ! Ce qu’on découvre en allant “gratter”, c’est le chemin de sa liberté. 

Cette femme se retrouverait dans un dilemme : se débrouiller avec sa souffrance sans rien changer à sa vie, ou aller travailler en elle avec le risque, en découvrant sa liberté, de voir des choses changer.  

Je dirais à cette femme d’interroger ses peurs : de quoi a-t-elle le plus peur ? Et bien sûr ses désirs : à quoi ressemblerait une vie épanouie pour elle ? 

Une solution à beaucoup de situations dans ton livre pourrait se résumer par “le retour au corps”. En quoi est-ce si important pour toi ? Peux-tu nous parler de ce qui t’a poussée à développer une approche originale sur ce sujet ?

C’est un mélange entre mon métier, mon expérience personnelle et une conviction, que je pose ici sous forme de question. Je me demande si les burn-out, dépressions, cancers que nous vivons ne seraient pas en grande partie les conséquences de notre éloignement de la nature. Nous couper des autres espèces vivantes en voulant les dominer, plonger dans l’alimentation industrielle et les produits chimiques comme nous faisons depuis 70 ans, sur-charger nos placards d’objets dont nous pourrions nous passer, nous laisser enfermer dans nos smartphones et autres outils technologiques pourtant si intéressants par ailleurs : ce mode de vie nous éloigne tellement de la nature !

Or nous sommes aussi la nature. Les femmes que je reçois se sont éloignées du rythme des arbres et des fleurs, mais aussi de leur nature profonde, de leur désir à elle. Le premier geste pour retrouver une santé, y compris mentale, me semble de revenir à une mesure plus humaine dans tous les domaines, en lien avec qui vous êtes, avec ce que vous voulez vivre et avec ce que vous voulez voir arriver dans le monde. L’intelligence de notre corps est à mes yeux le meilleur des guides et je suis encore loin d’avoir fait le tour du sujet !

Tu es chroniqueuse chez les Fabuleuses au foyer depuis 2016. Pourquoi aimes-tu collaborer avec nous depuis toutes ces années ? En effet, aujourd’hui, les blogs et autres propositions pour lutter contre l’épuisement maternel sont nombreux : qu’est-ce selon toi qui est différent chez les Fabuleuses au foyer ?

Quand j’ai connu Hélène Bonhomme, les Fabuleuses, c’était elle et c’est tout :-). Aujourd’hui elle est à la tête d’une équipe d’une vingtaine de personnes et elle est lue par une communauté de centaines de milliers de femmes. 

Quand j’ai connu le blog à ses tout débuts, j’ai été séduite par la capacité d’Hélène à faire réfléchir en parlant de couches-culottes. Je n’ai pas trouvé cette qualité de profondeur ailleurs. Depuis, je continue d’être épatée, chez toute l’équipe des Fabuleuses, par cette façon de travailler qui mêle une grande exigence et une grande humilité, en étant créatifs et en même temps super pro, en mêlant audace et pragmatisme avec brio. 

C’est une collaboration comme je n’en ai jamais vécu d’autre, et qui se teinte avec les années d’une belle amitié.

Ce que j’aime chez les Fabuleuses, c’est leur forme de féminisme qui n’exclut personne, et surtout pas les hommes, qui n’accuse pas les autres, mais prend ses responsabilités, qui n’attend pas tout du monde, mais se met en action. Je partage complètement cette vision. 

Dans ton livre, tu partages avec tes lectrices des manières concrètes de diminuer sa charge mentale et de rendre sa to-do-list intelligente. Peux-tu nous lister ici quelques pistes ?

Rendre sa to-do intelligente, c’est obtenir qu’elle t’aide à t’organiser, au lieu de te plomber. Je te propose une piste, que je pratique moi-même : chaque matin, devant la montagne de choses que j’ai à faire, je me demande : si je ne pouvais en faire que 3, les plus importantes, ce serait quoi ? Et je me focalise là-dessus. Les jours difficiles, je me permets même de considérer ma journée comme terminée quand j’ai accompli ces 3 choses. 

Valérie, qu’est-ce qu’une bonne mère selon toi ? 

Attention question piège : comment répondre sans donner à nouveau une définition qui pourra être reçue comme une recette ? 

Je peux dire deux choses : d’abord, une bonne mère est avant tout une mère suffisamment bonne, pour reprendre l’expression du pédiatre et psychanalyste Donald Winnicott, c’est-à-dire ni trop présente ni trop absente à son enfant, une mère ordinaire, acceptable.  

Ensuite il me semble important qu’elle ait deux choses à coeur : transmettre à son enfant un sentiment de sécurité suffisant pour qu’il puisse s’engager pleinement dans sa vie, et considérer la famille, non pas comme l’enjeu d’une réussite sur laquelle serait indexé son sentiment de valeur personnelle, mais plutôt comme un laboratoire d’expériences plus ou moins foireuses, avec lesquelles l’enfant va se débrouiller.

Imparfaite mais heureuse, Valérie de Minvielle



Partager
l'article sur


pack noel

Cet article a été écrit par :
Margaux Leguern

Margaux est rédactrice dans l’équipe des Fabuleuses depuis 2020. Littéraire et formée dans la communication, elle prend soin des mamans de la communauté, anime les réseaux sociaux, publie les articles, assiste Anna Latron pour les Fabuleuses Aidantes. En bref, elle participe à créer cet espace bienveillant où chaque femme peut être authentique et vulnérable. Elle croit qu’une maman qui va bien, c’est tout une famille qui va bien ! 

> Plus d'articles du même auteur
Les articles
similaires
regret maternel
Regretter d’être mère
Astrid Hurault de Ligny est française et vit au Québec avec son mari et son fils. Contrairement à toutes ses[...]
Julia Kerninon
Julia Kerninon : « J’ai l’impression d’avoir survécu à la maternité. »
Julia Kerninon a toujours voulu écrire des livres et avoir des enfants. Autrice du roman Liv Maria qui l’a fait[...]
Quand est-ce que ça se termine ?
« Comment réussir à prendre de la distance avec le quotidien quand on est enfermé chez soi avec 3 enfants et[...]
Conception et réalisation : Progressif Media