Un espace de liberté pour les enfants malades - Fabuleuses Au Foyer
Vie de famille

Un espace de liberté pour les enfants malades

Myriam Oliviéro 26 décembre 2021
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Quand j’arrive à l’Institut Curie à Paris, par une journée froide et pluvieuse, la première chose que je vois est une immense fresque de trente mètres de long composée de dizaines et dizaines de dessins d’enfants. Des poissons, des fleurs, des avions, des représentations réalistes ou abstraites, colorées ou pas, qui donnent à cet hôpital caché dans le cinquième arrondissement un accueil littéralement fantastique.

Je sais que toutes ces œuvres ont été produites par des enfants soignés ici pour des maladies cancéreuses.

Et je suis d’autant plus frappée par la beauté de cette fresque. Je sais aussi que derrière cela, il y a un sacré bout de femme que je m’apprête à rencontrer. Ce que je ne sais pas encore, c’est que mon petit cœur de fabuleuse va connaître un feu d’artifice de joie et de gratitude qui va largement surpasser les réponses aux questions que j’avais préparées.

Sculptrice, diplômée d’études supérieures en art, Elodie Thébault anime depuis 2005 des ateliers d’arts plastiques à l’Institut Curie de Paris, dans le service d’oncologie pédiatrique. Quinze ans plus tard, et six ans après la création de l’association NOC ! (Nous On Crée !), son énergie, sa conviction et sa persévérance, toutes débordantes, ne semblent pas avoir faibli. Bien au contraire.

Je rencontre Elodie, par ailleurs aussi maman et abonnée aux mails du matin des Fabuleuses, en plein debrief avec sa collègue Lou suite à une soirée de charité, préparant en même temps l’arrivée imminente d’un astronome qui va apporter sa contribution scientifique aux créations des enfants inspirées des astres. Elle m’accueille chaleureusement et avec le sourire (derrière son masque) au cinquième et dernier étage de l’Institut. D’ailleurs, elle sourit ainsi, avec son regard franc et pétillant, à tous : la maman qui traverse le couloir avec son enfant dans les bras, le chef de service qui s’arrête quelques minutes pour discuter, les clowns qui viennent se changer, la femme qui nettoie les espaces communs… Elle sourit encore quand on la sollicite pour la millième fois de la journée. Et elle donne même un petit caramel (le meilleur de Paris) en passant.

Voici quelques bribes de notre conversation.

Qu’est-ce qui t’a amenée, en tant qu’artiste et en tant que personne, à franchir les portes de cet hôpital ?

Après plusieurs expériences d’ateliers artistiques menées auprès de public vulnérables (personnes âgées et jeunes SDF), j’ai rencontré Jean Michon, l’ancien chef du service d’oncologie pédiatrique à l’Institut Curie. C’est lui qui avait initié un atelier d’arts plastiques auprès des enfants atteints de cancer. J’ai réalisé qu’avec quelques couleurs et mes pinceaux je pourrais aussi être utile à tout ce petit monde. L’expression artistique m’a beaucoup aidée à certaines périodes de ma vie. Et je crois que ce qui m’a fait du bien peut faire du bien à d’autres.

J’ai donc commencé à m’occuper des ateliers… et je suis encore là ! À cette époque, je n’imaginais pas que j’en ferai mon travail à plein temps !

Il y aurait beaucoup d’histoires touchantes à raconter, tant d’années ici, c’est beaucoup de belles rencontres avec les enfants et leurs familles. Nous avançons du mieux que nous pouvons sur un fil tendu entre des grandes joies et des peines aussi.

Je me souviens d’Audrey, petite fille pétillante et hyper créative, Juliette, qui gardait secrets nos échanges dans l’atelier, Sabrina, qui venait faire “mon assistante” à l’atelier même après la fin de ses soins à l’hôpital.

Un petit garçon m’a aussi particulièrement marquée, il avait sept ans et s’est retrouvé tétraplégique du jour au lendemain à cause d’une tumeur au cerveau. Ça a été un énorme choc pour ses parents et pour lui. Au début, je n’avais aucune idée de ce que j’allais lui proposer, c’était très compliqué, et je voyais le désespoir de cette famille. Il était lui-même complètement perdu et très en colère face à la situation. Alors, nous avons expérimenté des techniques, adaptées pour lui, et au fil des mois, je l’ai vu s’ouvrir. Ça a vraiment apporté de l’oxygène dans cette situation et surtout à sa famille qui a vu que des choses étaient encore possibles.

Mes rencontres avec les enfants et les parents ont très souvent été intenses, émotionnellement et dans les moments partagés. NOC ! essaye d’apporter du beau, même dans les situations les plus difficiles. Il ressort de tous ces moments, un souci d’attention à l’autre et beaucoup de dignité de la part des familles. 

NOC ! a le privilège de faire partie intégrante de la vie de ce service où se partagent des moments précieux, c’est une très belle équipe.

Qu’est-ce qu’un atelier réussi selon toi ?

D’abord la fierté d’avoir produit une création, également l’apaisement ressenti, le rire, et puis les échanges entre les enfants. Ça m’est arrivé d’aller nettoyer les pinceaux et d’entendre les enfants parler entre eux, je prenais alors mon temps pour les laisser dans ces moments d’échanges. Ils parlaient de leur traitement, de leur vécu. Ça leur faisait du bien.

Je mets aussi l’accent sur le travail. Pour réussir une œuvre et en être fier, il faut quelques contraintes, donc même si l’expression est libre, on a un fil conducteur et l’objectif d’avoir un résultat qualitatif. Nous créons des œuvres qui vont être exposées, avec des vrais vernissages d’exposition sur Paris, alors il y a une forme d’exigence. 

Ce qui est important aussi dans le fait de créer une œuvre, c’est qu’elle va rester, laisser une trace. Pour les enfants qui ne sont plus dans le service, parce qu’ils sont rétablis ou, pour un certain nombre, parce qu’ils sont décédés, c’est une façon d’exister encore à travers leurs dessins et leurs sculptures.

Avant tout, ce que je veux provoquer dans les ateliers, c’est que les enfants aient ce sentiment d’avoir créé une œuvre qui a de la valeur, comme eux.

Qu’aimerais-tu dire aux Fabuleuses mamans qui liront cet article ?

Allez à la rencontre des autres, même si vous avez peur, même si vous ne savez pas quoi dire, pas quoi faire, même si vous vous trompez. Dire quelque chose maladroitement, ça vaut mieux que de ne rien dire. Parce qu’une des choses les plus difficiles à vivre quand on est dans une situation éprouvante, c’est l’isolement. 

Ça m’est arrivé de nombreuses fois de devoir me booster pour entrer dans la chambre d’un enfant qui n’allait pas bien du tout, dire un mot à un parent qui était dans la détresse. Si je ne l’avais pas fait, personne ne m’en aurait voulu, mais en le faisant, ça a peut-être pu changer quelque chose. Montrer qu’on est là d’une manière ou d’une autre, avec un petit café, une petite attention qui fera la différence. Dans ces moments-là, j’essaie d’aller au-delà de ma peur de voir la souffrance pour ne pas passer à côté du soutien que je pourrais leur apporter. On peut s’arrêter, laisser de côté tout ce qu’on a à faire et être présent pour l’autre. Ici particulièrement, il y a des lendemains qui n’existeront pas, alors c’est le “maintenant “ qui compte.

Quels sont tes projets pour l’association NOC ? 

Maëlle

En 2022 NOC ! souhaite ouvrir un deuxième atelier à l’hôpital Necker, dans le service d’hospitalisation de jour qui accueille les enfants atteints de pathologies lourdes et chroniques. 

Aujourd’hui NOC ! déploie ses ateliers à l’Institut Curie, dans le service de néphrologie de l’Hôpital Necker – Enfants malades et à l’hôpital Louis-Mourier auprès d’adolescents souffrant de troubles psychiatriques. 

Pour l’ouverture d’un atelier, il faut prévoir un budget entre 25 000 et 30 000 euros pour former, recruter un professeur qui animera une centaine d’ateliers chaque année. Un atelier bénéficie à une centaine d’enfants par an et compte plus de 400 participations.

Nous avons déjà une enseignante formée, et l’équipe de l’hôpital de jour est prête à nous accueillir, et même impatiente ! Il ne nous reste plus qu’à trouver les fonds pour réaliser cet objectif.

Comment les Fabuleuses qui vont lire cet article peuvent-elles faire un don ?

Tout simplement en allant sur notre site internet https://www.asso-noc.fr où vous trouverez toutes les infos sur nos activités et un lien vers la page de dons. Toute participation sera la bienvenue, il n’y a pas de petit montant ! C’est toujours un grand défi pour une association comme NOC ! de trouver du soutien financier. Un immense merci d’avance.

Retrouvez les activités de l’association sur :

Facebook nocnousoncree  

Instagram @associationnoc 

Twitter @NOC_NousOnCree



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Cet article a été écrit par :
Myriam Oliviéro

Infirmière de formation et diplômée en médecine tropicale, Myriam s’est orientée vers l’action médico-sociale auprès des publics démunis. Après un séjour de 2 ans en Afrique de l’Ouest, elle s’est investie en France dans différentes associations.

Mariée à un Fabuleux infirmier et pianiste avec qui elle a 2 garçons, elle a rejoint cette année l’équipe des Fabuleuses en tant qu’assistante de rédaction.

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