Les règles ne sont abordées qu’avec réticences, la plupart du temps par des métaphores plus ou moins explicites (j’ai mes lunes, mes trucs, mes choses), voire carrément obscures (j’ai mes ragnagnas).
L’avantage ?
C’est que ces périphrases permettent de ne pas nommer directement les règles, et fonctionnent comme un code entre initiées, qui rassure et permettrait d’être plus « discrètes » sur nos règles.
L’inconvénient ?
Ces périphrases entretiennent la difficulté à parler des règles, et transmettent à nos enfants l’idée qu’en parler ne se fait pas.
Le discours scientifique nous permet d’aborder les règles de manière plus explicite et neutre quoique technique. Les règles, c’est la desquamation de la paroi de l’utérus en l’absence de fécondation.
Ça fait bien, dit comme ça. Ça paraît clair, efficace.
Le problème, c’est que justement ce discours n’est pas exactement neutre.
Il entretient une vision négative du mécanisme des règles.
Dans son livre passionnant, The Woman in the Body, Emily Martin analyse les discours médicaux des règles, et note une constante : les règles sont décrites la plupart du temps comme un échec, une absence de fécondation. La médecine parle des règles en filant la métaphore de la « production ratée » . Elles sont perçues implicitement comme l’élimination d’une production vaine, d’un déchet, de « pertes » menstruelles.
Le problème est que cette description négative des règles impacte la manière de voir et vivre les règles.
Elle augmente la difficulté à accepter ce sang qui coule pour rien.
« Chaque mois un enfant se prépare à naître et avorte dans l’écroulement des dentelles rouges », observe en ce sens Simone de Beauvoir (Le Deuxième Sexe).
Or les règles ne sont pas en elles-mêmes un échec de reproduction.
On pourrait tout aussi bien les décrire comme une régénération cyclique de la paroi de l’utérus, qui témoigne de la possibilité d’être enceinte.
Régénération, possibilité d’être enceinte, plutôt que absence de fécondation et desquamation.
Les règles ne sont pas du sang qui s’écoule pour rien – car ce n’est pas une « production ratée », mais un renouvellement continuel de mon corps pour permettre une fécondation.
Simple différence de formulation ? Pas tout à fait.
Décrire le processus physique de manière plus positive, c’est se le réapproprier, et permettre à nos filles de le vivre avec moins de gênes.