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Vie de famille

Mon couple ne sera jamais celui de mes parents

Marie Chetrit 10 février 2019
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Mes parents formaient le couple parfait. Jamais une dispute. Jamais un mot plus haut que l’autre. Pas de désaccord. Ils étaient une seule voix, une seule vision de la vie, l’incarnation de l’unité, du bloc parental indivisible. À la mort de mon père, ma mère est restée seule, toujours. Elle a été, et reste, la femme d’un seul homme, d’un unique amour.

Quand je me suis mariée, ce modèle était très présent dans ma tête. Pour moi, les choses étaient claires : je tendrais à reproduire ce couple parental parfait, idéal, celui des contes de fées.

Dans les contes de fées, le prince et la princesse vivent heureux et ont beaucoup d’enfants. Mais il manque la suite de l’histoire. On n’entend pas parler de Blanche-Neige qui gueule pour la vaisselle sale dans l’évier, ou du Prince qui se casse prendre l’air avec ses copains. Ma vie telle que je l’imaginais, était un arrêt sur cette image :

« Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. »

Et puis mon couple s’est dégradé.

Tellement que j’ai dû renoncer à mon conte de fées.

Tellement que j’ai dû admettre que ma vie de couple serait différente de celle de mes parents. Divorcer a été une transgression majeure. À la génération du dessus, personne n’avait jamais divorcé. Dans les couples de mon entourage, la vie n’avait pas toujours été rose, mais jamais aucune rupture irrémédiable n’avait eu lieu. Moi, à 32 ans, j’ai dû prendre la décision de mettre un terme à ce mariage. Ce fut ma décision : d’où une culpabilité encore plus forte, car je n’ai pas pu me “retrancher” derrière le statut de la femme injustement quittée par son mari.

Même si j’ai toujours été soutenue et entourée avec affection par mes proches, c’est d’abord contre moi que j’ai dû me battre. Contre ma propre perception de ratage, contre cette petite voix qui me susurrait que j’étais nulle, que ma vie était foutue, que je finirais seule, aigrie, déçue des hommes et entourée de chats hargneux. Je ne me donnais pas la permission d’envisager de reconstruire une relation. J’avais échoué là où mes parents avaient réussi haut la main, tant pis pour moi : rideau.

Le bonheur serait pour les autres…

…un peu comme si je n’avais pas réussi à attraper le pompon au manège.

Et puis, les années passant, récoltant les fruits d’un profond travail sur moi, j’ai réussi peu à peu à me distancier de l’histoire de mes parents et à la leur rendre. La petite fille éblouie par un amour parfait est devenue une femme au regard plus nuancé. J’ai appris davantage sur leur histoire personnelle, leurs caractères, les mécanismes qui pouvaient expliquer cette relation si paisible.

Peu à peu, je me suis détachée.

Ils ont vécu ce qui était bon pour eux de vivre, ce qu’ils pouvaient vivre, de la manière la mieux adaptée à leur histoire.
J’ai compris que la mienne m’avait aidée à mûrir, à grandir, à résoudre certaines difficultés.

Renoncer à ce rêve parental de la relation idéale m’a permis de rencontrer “mon” prince charmant : un homme avec ses qualités et qui m’offre un soutien inconditionnel, mais aussi avec ses failles et ses fragilités.

Mon couple ne sera jamais celui de mes parents.

J’ai eu la chance d’avoir des parents très unis : tant mieux pour eux ! Mais nous ne sommes pas eux. Je n’ai plus peur du conflit dans mon couple, je ne le vis plus comme une menace. Chaque désaccord avec mon mari nous permet de creuser notre connaissance de l’autre et de resserrer nos liens.

Dans le dessin animé Shrek, la jolie princesse Fiona doit épouser le beau prince Charmant, pour composer un couple royal impeccable, comme celui de son papa et de sa maman. Mais à l’intérieur, Fiona est verte, avec des oreilles en cornet et des gros pieds. Le couple qui lui conviendrait n’est pas à l’image de celui de ses parents, policé et calme. “Son” couple, c’est avec Shrek, l’ogre vert au grand cœur, mais un peu rustaud, qu’elle le formera. Avec Shrek, la vie est mouvementée, les engueulades montent en décibels, les portes claquent parfois.

Mais c’est la vie qui lui convient.

Mon homme n’est pas vert et ne rote pas à table. Malgré tout, il a fallu que je me dépouille de mon rêve idéal de princesse, pour aller d’abord à la rencontre de moi-même, puis pour composer un couple avec lui. Un couple que je n’aurais pas imaginé 10 ans auparavant.

Quand je repense à mes parents, je trouve bien sûr que leur amour est un témoignage merveilleux. En même temps, une fois adulte, j’ai vécu ce couple parental “parfait” comme une inaccessible étoile à la hauteur de laquelle je ne parviendrais jamais. D’autres personnes ont grandi au milieu de désaccords parentaux profonds dont ils ont beaucoup souffert. Dans les deux cas, il y a une juste distance à trouver, entre opposition et adhésion.

Finalement, c’est l’ultime étape de la maturation d’un jeune adulte : construire son couple non en réaction à celui de ses parents, mais le fonder et le faire évoluer comme il est bon, pour soi, de le vivre.



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Cet article a été écrit par :
Marie Chetrit

Scientifique de formation et de profession mais littéraire de cœur, Marie Chetrit partage sur son blog de petits textes sur les moments rigolos ou exaspérants de sa vie familiale. Elle et son fabuleux époux ont chacun un grand d’une première union et deux petits diablotins ensemble.
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