Micheline et la télécommande à disputes - Fabuleuses Au Foyer
Vie de famille

Micheline et la télécommande à disputes

Micheline
Marie David 5 décembre 2022
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Cette année Micheline Muche a de la chance, la Mère Noël l’a choisie pour tester de tous nouveaux cadeaux magiques fabriqués dans son atelier du Pôle Nord et destinés aux mamans. 

Lire le premier épisode

Le deuxième cadeau envoyé à Micheline lui paraît tout à fait salutaire :

il s’agit d’une télécommande à disputes. 

Son fonctionnement est très simple. Il y a 4 boutons : pause, avance rapide, retour en arrière, marche. Il n’y a pas de mode d’emploi, mais Micheline n’est pas neuneu, à priori. Et si Micheline trouve ce cadeau salutaire, c’est parce qu’en ce moment chez les Muche, l’ambiance est électrique. Entre le travail chronophage de Jean-Claude, la préadolescence de Frédégonde, les idées délirantes de Dagobert, le terrible two de Gudule qui dure depuis plus d’un an et les projets immobiliers sources de stress financier, le cocktail est détonnant. Donc Micheline a drôlement hâte d’essayer son nouveau cadeau.

Tellement hâte qu’elle appuie sur le bouton “marche”, comme ça, pour voir.

En bien ça ne loupe pas, 3 minutes plus tard, elle reçoit un appel de son Fabuleux tout courroucé, qui lui reproche de ne pas avoir répondu aux derniers appels de sa mère. Cette pauvre Mamouchkina est vexée et… Micheline n’entend pas la suite : elle appuie sur le bouton “avance rapide”. Pas besoin d’écouter la retranscription des jérémiades de sa belle-mère, merci.

Le soir, quand Jean-Claude rentre, c’est Micheline qui est courroucée parce que “ce n’est pas une heure pour rentrer, tu aurais pu prévenir, fais-toi des pâtes je ne suis pas ta boniche”. Son époux lui répond qu’il lui a envoyé un message la veille pour l’avertir de cette réunion qui durerait et lui proposer de prendre des sushis pour qu’ils dînent tous les deux devant un film.

Micheline appuie sur pause, le temps de vérifier dans son portable.

Jean-Claude n’a pas menti. Elle a en effet oublié de répondre, puis oublié tout le message. Bon, pas grave, on appuie sur “retour en arrièreet Jean-Claude franchit à nouveau la porte de la maison pour trouver cette fois une Micheline très conciliante, qui lui prépare ses délicieuses pâtes carbos et suggère un film sur la 2ème guerre mondiale, son dada. Et hop ! Une soirée sans prise de tête.

Fichtrement pratique, cet instrument ! 

Les jours se suivent et Micheline use (et abuse ?) de son cadeau magique.

Elle se sert du bouton “pausepour trouver des arguments coups de poing et clouer le bec de son mari, du bouton “avance rapide pour ne pas avoir à écouter les siens, du bouton “retour en arrière” quand elle se rend compte qu’elle a été trop loin ou qu’elle veut réparer ses torts. Après quinze jours sans dispute, ou en tout cas vite réglées, Micheline est aux anges. Son couple gambade sur un nuage doré, la vie est belle. 

Ce que Micheline ne voit pas, c’est que Jean-Claude non plus n’est pas neuneu.

Il voit bien cette petite télécommande qui ne quitte plus sa femme, sur laquelle elle pianote furieusement dès qu’un désaccord pointe le bout de son nez. Mais, sa Micheline a l’air d’être heureuse, alors il ne dit rien. Jusqu’au jour de leur anniversaire de mariage, où il l’emmène au restaurant, puis se débrouille pour subtiliser la télécommande et la cacher dans la poche de sa veste. Sauf que, dans la manœuvre, il appuie malencontreusement sur le bouton “marche”. Ah ben, ça ne loupe  pas, c’est efficace comme truc ! Micheline part sur les chapeaux de roues.

Parce qu’elle est fabuleuse, Micheline, mais quand elle veut, elle peut se transformer en redoutable harpie. 

Elle commence par critiquer le choix du restaurant, devant le serveur : “choisis pour moi, la carte ne me fait pas envie. Je n’avais pas envie de venir ici, de toute façon”. Suit une complainte sur l’ignorance de Jean-Claude qui, visiblement, ne tient pas compte de ses goûts, et c’est peut être parce qu’il ne l’écoute pas, qu’il ne la regarde pas, et : “n’ayons pas peur de mots, Jean-Claude, si tu ne retiens pas que je voulais aller dans le resto japo-cubain dont je t’ai parlé c’est parce que je ne t’intéresse pas ! Je suis QUOI pour toi Jean-Claude ? Une POTICHE ?” 

Le serveur sursaute et renverse un peu du champagne qu’il était en train de servir à l’heureux couple. Il essaye de se faire tout petit, partagé entre la gêne d’être ainsi témoin de l’intimité de gens qu’il ne connaît pas et la fascination pour cette dispute dont il aimerait connaître la fin.

Malheureusement, ce pauvre Jean-Claude ne maîtrise pas le fonctionnement de la télécommande magique.

Impossible de mettre sa harpie sur pause. Micheline perd le contrôle d’elle-même et ressort pêle-mêle tous ses griefs, ignorant superbement la petite voix de la raison qui s’époumone dans sa tête “arrête Micheline, tu es ridicule, tu ne règles rien, tu t’emportes inutilement, calme-toi, Jean-Claude n’a rien fait pour mériter ça”. C’est l’apothéose quand Jean-Claude, lassé de se défendre sous le feu des reproches dont son épouse l’accable, lâche dans un soupir :
“Mimi, tu te donnes en spectacle.
– AH ! Tu veux du spectacle ? Eh bien, régale-toi, mon Claudio !”

Et Micheline se lève, impériale, enfile son manteau et sort du restaurant sous les yeux écarquillés du serveur et de toute la salle. On imagine sans peine le pauvre Jean-Claude, abasourdi, rester seul à table et hésiter entre finir dignement son plat en ignorant les regards et les chuchotis, ou partir payer, la tête basse… De son côté Micheline a un peu froid dehors. L’air givré de décembre lui remet les idées en place et elle cherche furieusement la télécommande pour appuyer dix fois sur “retour en arrière”.

Mais la télécommande demeure introuvable…

…et notre Micheline se met en quête d’un trou de souris pour se cacher. 

Le retour à la maison est très silencieux : on entendrait respirer une mouche. Jean-Claude ne desserre pas les dents, pas même pour se les laver, et se couche en chien de fusil, tournant le dos à sa femme. Dans la tête de Micheline, c’est le vide. Ses idées sont balayées par un blizzard glacial. Elle ouvre la bouche pour s’excuser, s’expliquer, mais aucun son ne sort. Rien ne lui vient, encéphalogramme plat. Elle se couche, elle aussi, recroquevillée face au dos de son mari et dans un dernier sursaut de bêtise, tente un “joyeux anniversaire de mariage mon amour” qui restera dans les annales. 

Jean-Claude se retourne d’un bond (performance qu’il convient de saluer, parce que ce n’est pas évident, quand on est allongé sur le côté) et s’apprête à hurler sa rage comme un loup sous la lune, quand il surprend le visage défait de sa femme, chiffonné par les sanglots. Dans un bafouillement brouillé par un torrent de larmes morveuses, agitée de spasmes et de hoquets, Micheline demande pardon à Jean-Claude. Il la prend dans ses bras. 

Prendre sa femme dans ses bras, alors qu’elle a les yeux et le nez qui coulent à flot, c’est ça, la définition de l’Amour. 

Quand Micheline s’est calmée, qu’elle a fini de dire qu’elle est nulle (et Jean-Claude de lui donner raison), ils se parlent, longtemps, en cherchant des mots doux pour dire les choses sans heurter l’autre.

Et surtout, ils s’écoutent. 

Micheline réalise qu’à cause de la télécommande, elle n’a pas vraiment écouté son Fabuleux ces derniers temps. Elle découvre qu’il a, lui aussi, des reproches fondés à lui faire et qu’elle n’est pas parfaite (mais presque, quand même). Ils décident ensemble de mieux se parler, de mieux prendre du temps pour eux, de ne plus négliger leurs désaccords, et s’endorment heureux. 

Moralité : Micheline a renvoyé la télécommande à la Mère Noël, parce qu’elle trouve finalement que les disputes ne sont pas inintéressantes, et que, comme toutes les crises, elles lui permettent aussi d’avancer dans son couple. 



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journal Hélène

Cet article a été écrit par :
Marie David

Après des études d’histoire Marie est devenue femme au foyer, elle habite en Corse avec son Fabuleux et leurs 4 enfants. Un jour, quand les planètes seront alignées, elle reprendra un poste d’enseignante. En attendant elle profite de son quotidien pour inventer des aventures à Micheline Muche.

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