Les balances sont faites, le décor est installé, tout est prêt sur scène. On se retrouve tous les huit dans notre petite loge pour enfiler nos habits de scène et nous maquiller. Yes, on a un lavabo et un grand miroir, parfait ! C’est pas toujours le cas, mais c’est tellement plus pratique — surtout pour les filles qui appliquent avec précision leur beau rouge à lèvres pétant.
Je lance : « Et sinon, c’est quoi d’après vous la meilleure période pour accueillir un bébé ? Raph et moi aimerions avoir un troisième enfant. J’aimerais anticiper pour pouvoir louper le moins possible de spectacles. Si j’accouche en février ce serait pas mal, non ?
– Oui, ça me semble pas mal, répond l’un.
– Ça te permet de faire la tournée de Noël tranquilou, et puis les débuts d’année c’est souvent une période plus creuse, » répond l’autre.
Anselme, le médecin/musicien de la troupe, rejoint la conversation, amusé : « vous vous rendez compte de l’influence qu’on a sur la vie de famille de Flo ? »
« Ah ça, Flo, va falloir en écrire un article ! Comment concilier vie de scène et vie de famille? » lance Polhit, en se marrant.
Le sujet se clôt naturellement, on finit de se maquiller, dernières consignes, on frappe à la porte, c’est à nous.
Je me sens à ma place. Les lumières s’éteignent dans la salle et s’allument sur scène. Les premières notes sortent en douceur, mon soufflet s’ouvre lentement, je sens les regards se poser sur moi : le public est avec nous. Nous voilà repartis pour une heure de voyage sensoriel ou se mêlent musique, peinture et conte.
Le nez dans le guidon
Quand je suis devenue maman, j’ai marqué une pause dans ma vie de scène, la rayant spontanément de mon emploi du temps, jugeant impossible de vivre sereinement les deux. Trois ans de pause, sans réaliser à quel point cela pouvait me manquer, tellement j’avais le nez dans le guidon. Tellement le nez dans le guidon que je ne savais plus réellement qui j’étais et ce qui
me faisait vibrer. C’est en remontant sur scène un soir que la révélation s’est faite : j’en ai besoin.
C’est ma respiration, ma bouffée d’air, mon énergisant : jouer avec d’autres, pour d’autres. Je décide ce jour-là de ne plus faire de compromis.
Oui, j’aime ma famille, mais j’ai besoin de vivre mon art. La logistique sera plus compliquée, mais je retrouverai mon épanouissement : le jeu en vaut la chandelle.
Quel cadeau !
En voyant à quel point je revenais enthousiaste de ces spectacles, mon plus précieux collaborateur (à savoir, mon fabuleux) a été partant pour me soutenir dans ma vie d’artiste, en gérant la vie de famille en mon absence. Ce qui implique parfois beaucoup de concessions de sa part, quand une tournée se prolonge.
Ce qui fait pétiller vos yeux…
Alors oui, un jour, je serai enceinte de notre troisième enfant. Mais il n’aura pas un début de vie très commun. Il se retrouvera certainement sur scène pendant les balances, dans son cosy. De là, il pourra voir les yeux de sa maman briller de pouvoir vivre ce qui fait vibrer son âme.
Chères Fabuleuses, ne laissez pas enfoui au fond de vous ce qui vous donne tant d’air. Prendre soin de vos enfants, c’est aussi accomplir ce qui vous fait vibrer, ce qui fait pétiller vos yeux. La logistique risque de devenir plus compliquée… mais le jeu en vaut la chandelle, et la partition sera d’autant plus belle !