Mais quelle enfant ! - Fabuleuses Au Foyer
Vie de famille

Mais quelle enfant !

Rebecca Dernelle-Fischer 27 octobre 2017
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Elle boude,

Elle ne dit plus un mot,

Elle se ferme comme une coquille,

Elle a mal compris, elle ne comprend rien, elle n’essaye même plus,

En fait, elle est dans son coin, elle n’entend plus rien.

En français on dirait qu’elle « fait la tête », en allemand qu’elle « fait son bouc » ou encore (et c’est ma préférée : la saucisse de pâté offensée). Tout est bloqué, il n’y a plus aucune info qui filtre, moment d’infinie surdité et rigidité psychique, tout la dépasse alors elle ne laisse plus rien l’atteindre, au mieux elle se tait, au pire, elle crie à tue-tête des reproches et des insultes à ceux qui la croisent.

Hier encore, j’ai pu observer ce phénomène.

Je n’ai même pas vu venir la dispute entre mes filles. La plus grande dit alors :

« Tu fais ton enfant gâtée » à la plus petite qui lui répond en pleurant :

« Et toi tu es une peste ».

Le point de départ ? Un détail… Le nœud du problème : aucune des deux ne veux changer sa position sur la table, ni faire de compromis. BAM le clash, en 5 minutes j’ai un chameau et une vipère au milieu du salon. La petite monte en pleurant, théâtralement.

La grande sourit sans être contente, je lui dis :

« Pas top dis-donc, plutôt chipie ta réaction ».

Elle me répond :

« Ben oui j’aime bien faire la chipie »…

J’attends, un peu, je lis… du haut des escaliers la petite crie entre d’énormes larmes « et là je fais mon enfant gâtée qui pleure », bam la porte claque de nouveau. J’attends, je lis, et puis quand je monte dans sa chambre, je passe à côté d’elle, ouvre les volets de sa chambre, regarde par la fenêtre et je lui dis « viens voir ici, je veux te montrer quelque chose. »

Je lui montre les nuages,

lourds, denses qui volent au-dessus des maisons des voisins, le vent les pousse à toute allure. « Et puis regarde-là dans notre jardin, viens, monte sur le fauteuil pour voir, tu vois les trucs qui sont comme des pommes ? Ce sont de amanites tue-mouche. Je les ai prises en photo ce matin ». Elle pose doucement sa tête contre moi… me parle des champignons qu’elle voit. Je lui dis : « Tes devoirs c’est vraiment pour demain ? ». En fait non, c’est pour lundi, elle est fatiguée ma choupinette, la grande aussi, je le sais. Alors je lui souffle à l’oreille : « Tu feras tes devoirs ce week-end, reposes-toi un peu, c’est mieux ». Plus tard, la grande est partie à vélo à la bibliothèque, un peu seule, un peu avec son amie, elle est rentrée ravie. Le soir en donnant les bisous de bonne nuit à Emma, quand ma bouche touchait sa joue, elle m’a soufflé :

« Maman, j’ai tant aimé regarder par la fenêtre avec toi ».

Mais quelle enfant !

Les émotions des enfants,

leur peurs, leurs doutes, ce moment quand leur monde intérieur bascule devant deux pages de vocabulaire d’anglais à étudier, les allergies qui fatiguent, les parents qui sont chiants, les sœurs qui taquinent au mauvais moment…

Cette enfant qui monte en pleurs dans sa chambre. Des larmes qui jaillissent contre toute la stupidité et l’injustice de ce monde, condensée dans une discussion familiale qui tourne mal. Et cette enfant, c’est si souvent moi.

Dépassée par la situation, coincée dans mes émotions et qui ne trouve que la fuite ou le combat pour gérer ce moment de stress (qui devrait être minime mais qui paraît grand comme le mont Everest à gravir en sandalettes).

Cette enfant, c’est aussi si souvent ces amies qui m’écrivent :

« J’aimerais réagir autrement mais là je craque »,

« Je ne comprends pourquoi ce petit truc me met dans cet état »,

« Je suis adulte, je devrais pouvoir gérer la situation autrement ».

Un jour j’ai décrit sur facebook, comment un soir d’été, sur la plage de Belgique, j’ai emballé ma fille dans mon grand gilet bleu en laine.

La miss s’était assise fâchée en boule, elle râlait un peu plus loin de là où nous étions. Installée sur un petit tas de sable surélevé. J’ai marché jusqu’à elle, elle ne m’a pas regardé, j’ai tiré mon gilet, et hop, je l’ai mis sur Emma, petit paquet, on aurait dit yoda en bleu. Même son nez ne dépassait pas. Elle y a respiré la chaleur et mon odeur, s’est reposée, à retrouver le calme et la capacité de revenir vers nous.

Une de mes amies a lu mon poste et m’a répondu « Rebecca, j’aimerais tant que quelqu’un fasse cela avec moi, que quelqu’un me couvre d’un grand manteau, me mette en sécurité, m’apaise ».

Moi aussi je crois.

D’ailleurs parfois, quand je suis très fatiguée, je finis avec une grosse écharpe de laine autour du cou, un bout de chocolat en main et un air d’enfant perdu. Quand mon mari me voit comme ça, souvent il me dit « oh à ce point-là » et si je le laisse faire il me prend dans ses bras un peu. 

C’est cette enfant dépassée qui refait surface, qui a besoin qu’on la rassure, qu’on lui laisse le temps de pleurer sur son lit. Cette enfant à qui on donne le temps de faire du boudin et puis à qui on montre les champignons dans le jardin, les nuages dans le ciel. Cette enfant à qui on ne crie pas « soit adulte pour une fois », ni « quelle gamine », c’est cette enfant à côté de qui on reste, qu’on cherche à comprendre, et à qui on dit « les devoirs ont les fera plus tard ».

La bonne nouvelle…

…est que ce qui nous semble logique pour nos enfants, on peut se le donner aussi. On peut oser la bienveillance. Même quand on a l’impression de réagir avec nos tripes au lieu de notre tête.

Oui, tu as 30, 36, 45 ans mais au fond, certaines choses te touchent comme si tu en avais 3, 7, 12… La première réaction est si souvent de se dire « mais que je suis bête, que je suis immature, je devrais… » et bien non, tu ne devrais pas. Certaines de nos réactions les plus primitives, corporelles, instantanées sont comme des automatismes appris dans le passé. Ils ont leur raison d’être que notre raison ne saisit pas.

Comme un petit animal blessé que l’on essaye de soigner mais qui se débat tout à coup et nous échappe un instant.

Face à cela, notre première réaction est d’être dure, sévère envers nous-même. Je vous conseille au contraire de d’abord regarder les choses en face et de constater :

  • «ok, sur ce point je réagis vraiment émotionnellement »,
  • « oh ça me touche en plein dans le cœur »,
  • « tiens mais en fait je suis submergée par ce qui se passe ».

Et puis, sans se juger, accepter et aimer cette enfant… Laisser cette vague s’exprimer, essayer de plier sans briser sous sa pression, de la prendre comme un tremplin, faire de cette énergie intuitive la naissance de quelque chose de plus mature. Se laisser le temps. Être tendre avec soi. Ne pas se reprocher d’être une enfant parfois, aimer cet enfant, s’aimer, se rappeler qu’on est unique et qu’aucune empreinte n’est identique. Prendre soin de soi…

Et oui, si souvent cette enfant c’est moi !  



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Cet article a été écrit par :
Rebecca Dernelle-Fischer

Psychologue d’origine belge, Rebecca Dernelle-Fischer est installée en Allemagne avec son mari et ses trois filles. Après avoir accompagné de nombreuses personnes handicapées, Rebecca est aujourd’hui la maman adoptive de Pia, une petite fille porteuse de trisomie 21.
https://dernelle-fischer.de/

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