Alors que nous, mamans, sommes très douées pour remplir le carnet de santé de nos enfants tout bien comme il faut (rappel de vaccin, visite médicale annuelle, contrôle de la vue chez l’ophtalmo, vérification chez le dentiste et j’en passe), il faut bien l’avouer : nous sommes assez nulles quant il s’agit de prendre soin de notre santé à nous. Je peux te poser une question qui fâche ?
Il date de quand, ton dernier frottis ? Et ta dernière mammo ? Et ta dernière prise de sang ?
C’est arrivé il y a quelques semaines : à ma pause déjeuner, j’emmène ma voiture chez le garagiste — normal, le voyant de la révision s’était allumé quelques jours avant — puis je cours chez mon médecin de famille afin de renouveler une ordonnance pour un de mes enfants et récupérer un certificat médical pour une inscription au rugby.
Je le vois farfouiller sur son ordinateur — je sens qu’il a le temps, pour une fois — puis il relève les yeux de son écran :
– Dites-moi, Madame Latron, on en est où, pour vous ?
– Heu, c’est-à-dire ? (quoi, il pense que je suis enceinte ???)
– Je veux dire, vous l’avez faite, la prise de sang que je vous ai prescrite en janvier ? Et le dernier scanner de suivi, il date de quand ?
Oui, il faut dire que depuis qu’un cancer m’est tombé dessus il y a presque 15 ans, je suis censée être surveillée de près à intervalle régulier.
“À intervalle régulier”. Oups.
Depuis le covid, il faut bien dire que tout ça est passé à l’as. Et puis, honnêtement, j’ai d’autres chats à fouetter : un de mes enfants prend depuis quelques mois un traitement médicamenteux dont il faut renouveler l’ordonnance tous les 28 jours et qui nécessite une surveillance médicale — et parentale ! — assez rapprochée. Autant dire que mes prises de sang et autres joyeusetés ont tout simplement été reléguées aux oubliettes.
Je me vois m’enfoncer sur ma chaise. Lui continue de tapoter sur son clavier, l’air très sérieux.
– Votre dernier scanner date de 2017. On aurait dû vérifier tout ça l’an dernier, déjà. Et votre thyroïde, on en est où ?
J’essaie de m’enfoncer encore un peu sur ma chaise. Pas de bol, elle n’est absolument pas rembourrée et aussi raide que la jambe de bois du Capitaine Crochet. Heureusement, ce médecin connaît bien mon quotidien et ses multiples nécessités — en d’autres termes, il sait bien que je croule sous la fameuse “charge mentale” — et me gratifie d’un sourire en me lançant :
– Bon allez, je vous prescris un petit check up. Et rendez-vous service, vous prenez rendez-vous tout de suite, hein ? Quitte à annuler une seule chose sur votre to-do-list de ministre !?
Ahahaha, je suis cernée. En même temps, je me sens rassurée que mon médecin ait pris le temps de faire le point à mon sujet au milieu d’une journée au cours de laquelle il examine pas loin de quarante patients.
Quelques instants plus tard, je sors de son cabinet avec quatre ordonnances.
Oui, madame !
En quelques pas, me voilà de retour chez le garagiste : ma voiture est bonne pour le service. Tandis que je mets le moteur en route après avoir attaché ma ceinture, je repense à ce que répète Hélène Bonhomme aux Fabuleuses depuis plusieurs années : « Tu prends le temps d’emmener ta voiture au garage… Et toi, que fais-tu quand les voyants de ton moteur interne s’allument ? » Je me sens affreusement nulle. Alors que je passe le plus clair de mes journées de travail à répéter aux mamans qu’elles doivent prendre soin d’elles, je suis incapable de caler dans mon agenda une prise de sang, un scanner et une radio (oui, parce que mon dos me fait souffrir, comme à peu près 90% des mamans sur cette terre).
De retour à la maison, au lieu d’aller étendre une machine ou d’ouvrir mon ordinateur à l’arrache — et si j’avais reçu un mail important du boulot ?? —, je prends mon téléphone et cale ces rendez-vous médicaux pour les prochains jours. Oui, c’est galère, il va encore falloir jongler entre les visios, les heures de sortie d’école, les conduites au stade de rugby et chez l’orthodontiste, et j’en passe, mais voilà : cette conversation avec mon médecin a non seulement déclenché une tempête de culpabilité interne…
… elle m’a aussi rappelé que je ne dois pas oublier ma santé.
Pour être suffisamment en forme cette année, je dois penser à m’amener, moi aussi, chez le garagiste. Que feront mes enfants (et accessoirement mon mari et mes collègues) si je me retrouve anémiée ou si ma thyroïde recommence à jouer au yoyo ?
Parce que ce que je n’ai pas osé dire à mon médecin — même s’il suit toute la famille depuis dix ans — c’est qu’avant l’été, prise que j’étais dans la frénésie de la valse infernale kermesse-fêtes de famille-organisation des vacances-dossiers boulot à boucler avant l’été, j’ai tout simplement oublié de racheter mon traitement pour la thyroïde. Je ne l’ai pas pris pendant une semaine et me suis retrouvée au fond du seau pendant 15 jours : étourdissements, fatigue abyssale, insomnie. Et tout ça à cause de quoi ?
D’une ordonnance qui dormait au fond d’un tiroir, parce que tout le reste passait avant.
CQFD.
Alors voilà, ça peut paraître bateau de l’écrire, mais oui, chère Fabuleuse, ton suivi médical est important. Tu es importante. Cette année, ne te fais pas passer en dernière : décroche ton téléphone ou file sur Doctolib © si tu en as ta claque des coups de fil (promis, ce n’est pas un partenariat rémunéré) et prends ces rendez-vous pour toi que tu procrastines depuis trop longtemps. Allez, zou !