Les moments en or et les tartines de merde - Fabuleuses Au Foyer
Dans ma tête

Les moments en or et les tartines de merde

aimer sa vie de maman
Rebecca Dernelle-Fischer 2 octobre 2022
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Je veux du temps, je veux des minutes en plus, des moments en or, de la plus-value à ma vie. 

Je veux que le temps ralentisse ou accélère au rythme de la beauté des saisons. 

Je veux la lenteur du savoureux et la vitesse de l’entre-deux. 

Je veux du temps, plus de temps, celui qui me donne des ailes, qui me fait toucher un peu le ciel du bout des doigts, du bout de l’âme.

Je veux ces moments intimes, subtils, heureux, d’insouciance, j’en veux tant, j’en veux plus, donnez-moi des moments en or, des moments-trésors, ceux qui me rappellent que tout va bien. 

Je veux, je veux, mais au fond, je cours trop vite pour les saisir.

Comme si c’était le moment d’après que j’attendais, le moment qui viendra après, celui qui me fait des promesses enivrantes mais qui rend la vue sur le présent si floue. 

Je veux le moment d’après en oubliant si souvent le moment actuel. Je veux l’or de l’instant sans réaliser que les minutes passent, uniques, fragiles, précieuses. 

Comme assoiffée de rêves, d’idéaux et d’un futur qui avance toujours plus vite que moi, je m’essouffle, j’en perds le nord, les lignes se croisent, se déchirent et me laissent coincée entre la réalité et ce que j’avais tant espéré. Mes minutes me semblent trop longues, mes moments en or trop peu nombreux et je soupire du manque de liberté. 

« Stop »

« Don’t skip to the end, n’essaye pas de sauter les chapitres du milieu ». 

Parce que si aujourd’hui je me languis de demain, alors demain aura lui aussi son surlendemain et à la fin du jour je n’ai pas vécu ces heures.

J’ai fui vers l’avant, j’ai couru, j’ai pensé que « quand enfin les enfants seront grands, quand enfin mon projet professionnel aura pris forme, quand enfin mon hernie discale sera guérie, quand l’automne sera là, quand mes voisins auront enfin déménagé, quand quand quand quand…. » 

« Stop »

« Don’t skip to the end, vis aussi les minutes de l’entre-deux ». 

Parce que dans nos journées, il y a tant de minutes qui semblent insignifiantes, de tâches répétitives, de choses à faire parce qu’elles sont à faire, de moments sans gloire et sans paillettes, des moments de la vie de tous les jours… La vie comme elle se déroule sous nos pas, avec tous ses « il faudrait », « il est temps de… » « as-tu pensé à ? » « et ceci, et cela ? ».

Le rythme des gestes quotidiens : se brosser les dents, travailler, s’occuper des lessives, nettoyer, payer les factures, planifier les repas, accomplir les tâches professionnelles les plus diverses, penser aux cadeaux d’anniversaire, nouer des lacets, trier les vêtements, plier le linge, appeler son chef, corriger son manuscrit, boire un café…

Tous ces moments qui nous rappellent que nos vies ne sont pas toujours glamour, que l’exceptionnel ne s’invite pas toujours, qu’on en a parfois marre, qu’on préfèrerait la version sans tâches ménagères, sans charge mentale.

On voudrait une vie faite de moments en or, un orgasme sans fin…

Mais c’est là que le bât blesse : le bonheur ne se construit que dans les contrastes, l’orgasme naît de la tension et se construit dans l’attente et dans l’abandon à ce qui se vit au moment où nous le vivons. 

Il y aura toujours une « tartine de merde ».

Il y aura toujours les minutes qui semblent trop longues et les tâches qui nous frustrent. Il y aura toujours des efforts à faire, des compromis un peu amers, des soupirs et des rêves qui nous attirent vers demain ou après-demain et détournent notre regard d’aujourd’hui et de ce qu’il nous apporte. 

C’est lorsque l’on comprend qu’il n’y aura peut-être jamais de demain que l’on trouve une nouvelle perspective à l’importance du moment qui nous est donné. C’est quand on comprend que le temps est compté que l’on arrête de le brader. Non pas en essayant de rendre tout instant exceptionnel, mais en reconnaissant le cadeau d’avoir cet instant, ce temps, ces minutes. 

« Stop »

« Don’t skip to the end, ne joue pas à saute-mouton avec tes jours ». 

Il y aura les jours sans et les jours avec.

Les jours gris et les jours lumineux, ceux qui nous frappent de plein fouet et ceux qui nous relèvent, ceux qu’on voudrait revivre mille fois et ceux qu’on voudrait à jamais oublier. Et ils seront chacun à vivre en leur temps. Dans son livre Comme par magie, Elizabeth Gilbert reprend un concept de Mark Manson « la tartine de merde ». C’est l’idée que, peu importe ce que nous choisissons de vivre, même si nous nous laissons complètement diriger par notre passion dans la vie, il y aura toujours une partie de la tâche qui nous plaira moins : la tartine de merde que l’on doit manger parce qu’elle fait simplement partie du tout. Mark Manson dit que la vie nous tendra toujours des moments « chiants » et qu’on a le choix :

dans quel type de tartine de merde auras-tu le courage de mordre ?

Quelle est celle qui te dérange le moins, celle face à laquelle tu te dis « Ok, ce n’est vraiment pas ce que j’aime faire mais je fonce, j’y vais, je donne tout » ? Tout comme l’artiste qui a horreur de promouvoir son œuvre mais qui, pour vivre de son art, devra sortir de sa tanière. Tout comme l’employé d’une entreprise qui adore son boulot mais a beaucoup de mal à communiquer avec son chef. Tout comme une jeune maman qui jour après jour répète des tâches simples et/ou parfois puantes pour le bien-être de son bébé. 

J’aimerais tant apprendre à aimer ces minutes, ces jours, ces moments en or et ces tartines de merde.

Je ne crois pas que je veux plus de temps, je veux apprendre l’art de compter mes jours, d’en apprécier l’instant qui passe maintenant, d’en faire mon ami, de m’y abandonner, de ne pas fuir dans une réalité rêvée, de ne pas courir pour arriver au but qui me semble une finalité mais me glisse toujours entre les doigts. 

J’aimerais apprendre à vivre mes minutes, même celles qui me semblent vides de sens. J’aimerais mordre dans la tartine de merde sans vouloir sans cesse la fuir, mais en sachant qu’elle fait partie de ma vie. Et j’aimerais avoir toujours le cœur et les yeux ouverts pour reconnaître les moments en or, et les chercher activement, les semer dans mon quotidien, les respirer, les rires, les chérir. 

Ne me donnez pas plus de temps, donnez-moi plutôt la force d’y goûter pleinement, et la joie d’y être présente : la gratitude pour tous ces instants. 



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Cet article a été écrit par :
Rebecca Dernelle-Fischer

Psychologue d’origine belge, Rebecca Dernelle-Fischer est installée en Allemagne avec son mari et ses trois filles. Après avoir accompagné de nombreuses personnes handicapées, Rebecca est aujourd’hui la maman adoptive de Pia, une petite fille porteuse de trisomie 21.
https://dernelle-fischer.de/

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