La maternité fait-elle faner les femmes ? - Fabuleuses Au Foyer
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La maternité fait-elle faner les femmes ?

femme qui tient une rose
Agathe Portail 23 octobre 2023
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« Elles ont morflé, les Spice Girls ».

Connais-tu cette punchline, chère Fabuleuse ? Elle sort de la bouche de Marc Lavoine, dans le film « Le cœur des hommes ». C’est méchant, mais drôle. Le jour où c’est un copain qui l’a écrite sur notre Whatsapp de potes juste après une photo de nous (avec mes amies de toujours), ça m’a fait moins rire. Pourtant, je nous trouvais épanouies, dessus, limite canons ! Cette petite pique est restée fichée quelque part dans mon ego, et lorsque nous avons préparé les articles de la semaine chez les Fabuleuses, je ne sais pas pourquoi elle est ressortie.

Aussitôt, les témoignages pleuvent : 

— Marrant, mon mari m’a dit la même chose quand il a vu la photo de mariage de notre copine Jojo : « Wahou, elle était fraîche, avant ! ». 

— Et c’est Sempé, qui disait qu’à force de chercher l’inspiration toujours dans le même parc, il voyait les jeunes filles en fleur passer, année après année, et se faner sous ses yeux avec l’arrivée des enfants…

Passons rapidement sur le débat « que c’est macho de juger ainsi le physique des femmes » :

nous savons très bien nous évaluer entre nous, moi la première.

Que celle qui n’a jamais dit « Ohlala, qu’est ce qu’elle a vieilli/grossi/maigri/raté sa couleur, Marie-Micheline » me jette la première pierre. 

Cette question est revenue plusieurs fois au cours de notre réunion d’équipe.

Faut-il accepter de faner lorsqu’on devient mère ?

« Attention, enfanter fait flétrir », devrait-il être inscrit en lettres capitales sur le fronton des maternités, un peu comme les messages d’avertissement sur les paquets de tabac ? Il suffit que je jette un œil dans le miroir et la zone du nombril m’offre une réponse sans équivoque : oui. Friper fait partie du deal, en tous cas, en ce qui me concerne. Pour autant, je n’ai pas l’impression que nos visages, sur cette photo, sont grisâtres, nos cheveux sales, nos yeux cernés (non, ça, c’était avant, quand notre aîné était bébé). Je croise également de nombreuses femmes lumineuses, qui portent leurs pattes d’oie comme autant de petits rayons de soleil et j’aurais du mal à dire d’elles qu’elles sont « fânées »

De considération en considération, il fut question de pétale de rose, de grain de blé qui craque sous terre pour donner une nouvelle gerbe, et de cynorhodons. Tu connais le cynorhodon ? C’est le fruit tout rouge qui apparaît une fois que l’églantine a perdu ses pétales. On en fait même de la confiture. 

Oui, finalement, la maternité vient lancer le processus qui va faire faner la rose

que nous sommes à 20 ans, jeunes filles en fleur non parturientes. Mais en acceptant de perdre un à un les pétales qui firent de nous les reines de la playa, nous laissons place à autre chose : à un fruit rond et charnu, dont nous avons la liberté de faire de la confiture, si le cœur nous en dit. Nous portons du fruit et dans ce fruit se constituent un nombre incroyable de graines (même si je n’ai jamais essayé de semer des graines de rose, il paraît que ça marche). C’est la même chose pour les pivoines, d’ailleurs, et elles évoluent en gousses toutes douces à caresser.

Finalement, les fleurs les plus jolies du jardin suivent ce processus cruellement beau : fleurir, faner, enfruiter

(me pardonneras-tu ce néologisme un peu étrange ?).

Enfanter te fait entrer dans une dimension cachée en toi.

Comme le dit si bien Hélène, la maternité est allée puiser en elle des ressources insoupçonnées, et ses enfants l’ont fait grandir au-delà de tout ce qu’elle pouvait imaginer. Je te rassure : lorsque je traversais les nuits hachées, les vomitos sur l’épaule, les crises de nerfs à la caisse du supermarché, je n’étais pas en train de m’émerveiller sur la profondeur que j’étais en train de découvrir en moi, sur la qualité du corps humain qui encaisse vachement bien et sur les fruits merveilleux que j’étais en train de porter.

Je voyais surtout les pétales flétris de la rose que j’avais été, le matin dans le miroir. 

La question suivante nous a bien occupées aussi : la fraîcheur revient-elle une fois la fatigue de l’enfantement digérée, peut-on nourrir l’espoir de redevenir un bouton de rose ? Malheureusement la réponse à laquelle je suis arrivée (mais cela n’engage que moi) c’est non. Bien sûr je n’ai pas gardé le teint gris et la peau flasque du post-partum pendant toute la suite de ma vie. Mais, même dans les très bons jours, on ne me confond plus avec la babysitter. Éventuellement avec sa mère. C’est cruel ? C’est le temps qui passe. Et il apporte avec lui une tonne de réjouissances : les conversations philo avec mon aîné, la vraie joie d’un câlin du matin avec ma dernière (alors qu’il y a quelques années, je n’en pouvais plus de devoir tenir mon corps à la disposition de trois enfants à la fois), le petit-déj au lit sans café renversé… 

Non, je ne vais pas me « refaire une fraîcheur » et il y a eu un petit deuil à faire, je ne te le cache pas.

Au début d’ailleurs, j’ai accusé l’industrie cosmétique de faire des produits qui marchaient vraiment moins bien qu’avant. C’était un peu l’histoire du jean qui rétrécit tout seul. En fait, non, c’était moi qui changeais et ça m’a rendue triste : ça passe donc si vite que ça ? Je regarde parfois avec envie telle amie ou telle tante qui n’a pas eu d’enfant et qui vieillit bien mieux que moi. Heureusement, j’ai fini par accepter et réaliser que pour rien au monde je ne voudrais repasser par toutes ces étapes : reine de la playa, jeune femme en fleur, rose tristoune qui est en train de perdre ses pétales. Certains passages étaient chouettes, mais c’est aujourd’hui que je savoure le mieux : I dit it !

De fleur, je suis passée à pomme et je ne ferai pas le chemin inverse.

Je n’ai pas l’impression que tout ceci n’a servi à rien, bien au contraire : j’ai fait des choix dont je goûte les fruits aujourd’hui. Et pour arriver au cynorhodon, j’ai bien dû laisser mes pétales s’envoler. Aujourd’hui, ma joie est d’accompagner ma grande fille qui va un jour fleurir (pas tout de suite, on se calme !) et la rassurer sur ce qu’il advient après, et encore après, et encore après. 

Chère Fabuleuse, quel que soit l’état dans lequel tu te sens, sache que tu es en train de te transformer pour le meilleur et que tu as devant toi la joie immense de voir toutes ces graines faire leur petit bonhomme de chemin, grâce à toi. 



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Cet article a été écrit par :
Agathe Portail

Maman de 4 enfants (très) rapprochés et girondine d’adoption, Agathe Portail écrit des romans adultes édités chez Actes Sud, Calmann Levy et J'ai lu, mais aussi des romans historico-fantastiques édités par Emmanuel Jeunesse.

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