La magie de Noël se cache dans les petites choses, partie 3 : Noël, piste en vue - Fabuleuses Au Foyer
Vie de famille

La magie de Noël se cache dans les petites choses, partie 3 : Noël, piste en vue

Agathe Portail 19 décembre 2023
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Mille manières de fêter Noël, mille tranches de vie à croquer, mille paillettes à lancer au firmament ! Cette année, chère Fabuleuse, nous te proposons d’explorer à la manière Fab ces petits symboles et objets emblématiques de la magie de Noël. Retrouve chaque jour sur nos réseaux sociaux la suite des aventures d’Aurélie, maman de Zazar et Louna, Alice, maman d’Axel et Zélie, celles de Soraya, maman de Fanta, qui vient d’accoucher de Noé et celles de Nicole, qui passera Noël toute seule cette année.

Retrouve les premiers épisodes ici.

1- Papillote personnelle

Lorsque la sonnette résonne dans l’appartement, Fanta pousse un soupir et s’extirpe du canapé dans lequel elle est occupée à dévorer le dernier One Piece. Sa mère se désespère de la voir dépenser 100 % de son pass culture en Mangas, mais bon, même si ce n’est pas du Mabanckou, elle lit. 

— Tu vas ouvrir, mon chat ? demande Soraya du fond de l’appartement où elle est occupée à changer Noé.

Sur le palier, Driss, les bras chargés de sacs en papier kraft, fait un clin d’œil à sa fille. 

— Mais maman a déjà fait les courses hier, dit Fanta en haussant les sourcils.

— Elle avait oublié le principal ! chuchote Driss en réponse.

Le plan de travail de la cuisine est peu à peu recouvert de sachets divers, dont un gros paquet de papillotes dorées aux bords effilochés.

— Cool, j’adore, se pourlèche Fanta.

— Pas touche. La première sera pour ta mère. 

— Hein ? C’est quoi, cette règle pourrie ?

Driss lève les yeux au ciel.

— Inique, injuste, partiale, illégitime… Ça n’enrichit pas ton vocabulaire, tes mangas, à ce que je vois.

La moue boudeuse, Fanta déserte la cuisine et retourne à son canapé, qu’elle trouve occupé par Soraya et Noé.

Voir son petit frère babiller et agiter ses bras comme un cosmonaute dans une capsule spatiale lui rend son sourire. 

— Il est trop chou, lui au moins, grogne-t-elle en fourrant son nez dans les petits plis chauds et doux du cou de Noé. 

— Un problème ? s’enquiert Driss, sortant de la cuisine avec, entre les mains, un plat rempli de papillotes.

— Une dissension, un grief, un différend, une querelle, tu veux dire plutôt ? répond Fanta en lui tirant la langue.

— Honneur à ta mère, ma jolie. La saison des papillotes est ouverte !

Les yeux cernés par l’accumulation de nuits hachées, mais le sourire aux lèvres, Soraya pioche dans le plat.

Une tension étrange s’installe autour du canapé tandis que Soraya déplie sa papillote, l’air de ne se douter de rien. Driss se mordille la lèvre inférieure, Fanta boude toujours un peu et Noé se tortille contre l’accoudoir en faisant des bulles.

— Trop bon, savoure Soraya en froissant l’emballage. À qui le tour ?

Driss se décompose.

— Tu ne lis pas le message sur l’emballage ?

Soraya hausse les épaules.

— Oh, ces phrases toutes faites ? Du style « C’est aujourd’hui le premier jour du reste de ta vie ? Allez, si ça vous fait plaisir…

Du plat de la main, elle défroisse l’emballage sur sa cuisse et l’approche de son visage.

— Veux-tu… commence-t-elle, avant qu’une bouffée de chaleur lui coupe la parole. 

Ses yeux immenses se posent sur Driss et elle émet un drôle de son, entre le rire et le sanglot.

— Tu es sérieux ? Tu veux qu’on se marie ?

Les mains serrées entre ses genoux pour les empêcher de trembler, Driss hoche la tête lentement. 

— Alors, c’est oui  ?

— Bien sûr que c’est oui ! s’écrie Soraya en se jetant au cou de son compagnon.

Un peu en retrait, Fanta sussure : 

— Elle acquiesce, elle consent, elle agrée, elle approuve.

2- Papier irisé

— Maman, je peux regarder un dessin animé ?

— Non Zazar, tu as école demain.

— Maman, je peux faire la cuisine avec toi ?

— Merci, Zazar, il n’y a qu’à réchauffer le gratin d’hier.

— Maman, je m’ennuie.

Soupir de la part d’Aurélie, qui tente de faire tenir droit le sapin en plastique qu’elle ressort d’année en année,

malgré l’usure évidente des montants à emboîter les uns dans les autres. 

— Viens plutôt m’aider à faire tenir le sapin droit, d’accord ?

Traînant des savates, Zazar s’approche et empoigne le morceau supérieur du sapin tandis qu’Aurélie tente de scotcher ensemble le haut et le bas qui semblent vouloir prendre chacun une direction différente. Le gros sac de décorations bée aux pieds de Zazar qui laisse son œil traîner dans ce fouillis de guirlandes et de boules un peu écaillées. Un chatoiement particulier dans le fond du sac attire son regard.

— Wouaaah c’est quoi ce papier ?

— Tiens droit, Zazar, je t’en supplie ! gémit Aurélie qui commence à sentir des fourmis lui gagner les cuisses. 

Mais Zazar n’a d’yeux que pour le papier transparent

qui, du fond du sac, envoie des reflets arc-en-ciel à chaque mouvement. En désespoir de cause, Aurélie se hisse sur un genou, puis sur l’autre, et elle tire du fond du sac deux mètres de ce fabuleux papier irisé dont elle se sert habituellement pour emballer le panier garni qu’elle offre à Madame Rombiasse, histoire d’entretenir les bonnes relations. Les yeux de Zazar se remplissent d’étoile.

– Maman, maman je t’en « suprie », tu peux m’offrir ça pour Noël ? On dirait… la cape d’invisibilité de Harry Potter. On dirait que si on court à travers, on va passer dans le Mordor. On dirait que c’est des ailes d’elfe. 

Le soir, après avoir couché ses enfants, Aurélie sourit.

Sur la liste au père Noël de Zazar, il y avait « une socoupe volante, une nintendo souitche, un frizbi ». Cette année, il découvrira donc au pied du sapin bancal un frisbee, une cape d’invisibilité, un mur magique à traverser pour entrer dans sa chambre, et Madame Rombiasse recevra un panier garni enrobé dans du papier toilette. Il faut faire des choix, dans la vie.

3- Chants de Noël

— Axel, ton bonnet de lutin, tu l’as ? Et Zélie, tes sabots de renne du Père-Noël, c’est bon ? Alors en voiture tout le monde !

Toute la petite famille d’Alice s’engouffre dans la berline qui ronronne devant le chalet, pneus neige de sortie et chauffage à fond. Elle a beau vouloir pour ses enfants une enfance ouverte et chaleureuse, fondée sur des valeurs humaines de mixité et d’inclusion,

Alice a encore du mal à prendre plaisir à ces bains de foule obligatoires organisés par l’école.

La salle des fêtes est surchauffée, le papa de l’APEL qui sert le chocolat chaud à la louche a les ongles douteux, le micro sature et l’éclairage façon néon est une insulte au bon goût le plus élémentaire. Pourtant Alice se refuse à endosser l’identité stéréotypée de la néorurale qui est venue faire sa vie au vert en famille, elle ne se contente pas de passer la saison à Megève, elle n’est pas une « Monchue » : elle scolarise ses enfants sur place et elle endure les longs automnes mouillés sans se plaindre. Bref, elle s’intègre. Elle veut bien faire.

— Maman, les sabots de rennes, ils sont hyper trop petits, gémit Zélie à l’arrière.

— Marche sur la pointe des pieds ma chérie, ça t’entraîne pour les escarpins, répond sa mère. 

Le parking à proximité de la salle des fêtes est bondé.

Bien entendu, tous les ans, la fête de Noël de l’école doit composer avec la haute saison, se garer est impossible, alors Antoine les laisse sur le trottoir du chemin des écoles pour aller se garer à deux kilomètres, au bas mot. Alice espère qu’il arrivera avant la fin du spectacle.

Zélie clopine avec courage et rejoint les coulisses avec Axel, dans lesquelles une nuée de maîtresses, assistantes maternelles, super mamans bénévoles, ATSEM et autres stagiaires s’agitent pour costumer les enfants. Comment chacun retrouvera-t-il ses chaussures une fois le spectacle terminé ? Mystère, se dit Alice qui part chercher deux chaises vides au plus près de la scène afin d’attendre le début du spectacle.

Pas de chance, elle ne s’interpose pas assez vite quand Berthe et Solange, les grands-mères de la meilleure copine de Zélie se collent à elle.

Alice s’agite sur sa chaise, n’ose même pas dire bonjour. Elle aurait vraiment aimé avoir une amie à rejoindre, avec qui s’attendrir, mais trois ans n’ont pas suffit, elle est toujours « la Parisienne ». Les lumières s’éteignent, le rideau en plissé rigide s’ouvre sur les cent vingt élèves de l’école, droits comme des piquets de slaloms, chacun avec un bonnet de lutin sur la tête. Le chant d’ouverture s’élève, a capella, et l’harmonie des petites voix cristallines remue profondément Alice. Sans s’en apercevoir, elle laisse échapper de grosses larmes qui coulent doucement sur ses joues. Elle a oublié la sono pourrie, l’éclairage de restaurant asiatique, le carrelage qui résonne. Elle se laisse juste cueillir par ce chant de Noël et ces voix pures. Alors que les applaudissements crépitent, Solange se tourne vers elle, et lui tend un mouchoir en reniflant. Les larmes coulent en rigoles au creux de ses rides, mais elle sourit de son sourire de vieille pomme reinette : 

— Ah ça, faut vraiment pas avoir de cœur pour pas être émue quand on entend ces voix du ciel. C’est vous, la maman de Zélie, je me trompe pas ? Moi c’est Solange.

4- Bûche glacée

Nicole ne peut plus reculer. Elle vient d’appuyer sur la sonnette. Au bout du bras, elle tient son cabas, avec deux boudins, deux oranges, et une baguette bien croustillante pour faire bonne mesure. Elle a quand même un tout petit espoir qu’il ne soit pas là. Mais un bruit de chaussons qu’on traîne sur le sol s’élève de l’autre côté de la porte.

L’œilleton s’éclaire : on la regarde par le judas. 

— C’est qui ?

— C’est ta femme, imbécile !

— Impossible, répond la voix enrouée de l’autre côté de la porte, ma femme est une vieille carne, elle n’aurait jamais apporté du pain frais !

Nicole se mord les lèvres. Il a toujours su la faire sortir de ses gonds, ce vieux débris. Mais la chaînette s’agite à l’intérieur de l’appartement et la porte s’ouvre en chuintant. Elle ne saurait pas bien dire s’il a beaucoup changé. Elle lit dans ses yeux qu’elle, elle a changé. Ils restent immobiles l’un face à l’autre, jusqu’à ce que la minuterie du palier s’éteigne. André porte toujours ses affreux pulls sans manche à col en V. Il a pris du ventre, comme elle, perdu des cheveux, comme elle, gagné des rides, comme elle.

Finalement ils finissent avec les années par se ressembler.

— Allez, entrez madame, et racontez-moi ce que vous avez fait de ma femme, dit André en s’effaçant pour la laisser passer.

L’appartement ressemble à l’image qu’elle en avait gardé, quand elle venait y chercher les enfants un week-end par mois. On pratiquait moins la garde alternée à l’époque, elle ne sait d’ailleurs pas trop si ça avait été un bien ou un mal, dans leur cas. Avec un effort certain, elle redresse son dos, son cou, tend le menton pour qu’il ne lui tombe pas trop sur la poitrine, elle ne veut pas faire trop décatie. En levant haut les pieds pour éviter qu’ils traînent, elle marche droit à la kitchenette où elle dépose son sac de provisions, puis elle se retourne vers son ex-mari.

— Tu me sers rien à boire ? Toujours aussi rapiat ?

André se frappe le front de la main : 

— Ah, mon Dieu, c’est donc bien toi ! 

Deux verres sur le plan de travail, un fond de bouteille ouvert depuis un certain temps, ce qui prouve bien des choses, et enfin, André et Nicole se regardent vraiment.

— Tu n’es pas mal du tout, ça maintient bien, la rancune, commence André. 

Elle lui pose la main sur le bras, les yeux un peu embués : 

— Dis, on arrête nos simagrées, hein. On a plus le temps pour ça. Je me suis invitée à déjeuner.

André se mordille la langue une ou deux fois, tic de vieux garçon, puis il ouvre en grand son frigo magistralement vide, excepté un gros paquet enrubanné.

— Ça tombe bien, j’ai que le dessert. Bûche glacée au caramel !

5- Bolduc en or

La félicité qui a gagné le canapé et ses occupants se passe de mots pendant un long moment. Puis Fanta se penche à l’oreille de son père : 

— T’as la bague ?

— La quoi ? 

— Mais papa, t’es sérieux ? On fait pas une demande sans une bague, tu t’es cru chez Wish ?

Soraya n’entend même pas, tout entière à son bonheur.

Non pas qu’elle eut des doutes sur la volonté de Driss de rester avec elle, non pas qu’il eut manqué quelque chose à son bonheur, surtout depuis l’arrivée de Noé, mais enfin, cet homme crie à la face du monde qu’il se donne à elle pour toujours et lui propose de faire de même. Ça n’est pas rien. 

Dans la cuisine, Fanta fait un raffut de tous les diables, ouvrant les tiroirs, pestant contre le scotch dont le bout reste obstinément insaisissable, puis il y a un grand Aaaahhh de soulagement et l’adolescente sort enfin de la cuisine, les deux mains en coque l’une sur l’autre comme pour garder captive une sauterelle. Elle se penche dans le dos de son père et lui dépose sa trouvaille.

Les mains dans le dos, Driss tâte l’objet avec étonnement, puis il sourit d’une oreille à l’autre.

— Ma chérie, lève-toi, ton fiancé va honorablement te faire sa demande, dit-il, se levant aussi.

Soraya, riant nerveusement, se dégage du canapé sur lequel Noé fait des auréoles de bave avec bonheur.

Les bras croisés, Fanta jauge la scène d’un œil critique. Driss pose un genou à terre, attrape la main de sa compagne et dit à voix haute : 

— Soraya, toi qui es la mère de nos quatre enfants, qui es mon amoureuse depuis seize ans, ma meilleure amie, ma meilleure… Fanta bouche-toi les oreilles, amante, chuchote-t-il, pendant que Fanta lève les yeux au ciel, acceptes-tu de t’engager à faire équipe avec moi pour le restant de nos jours 

— Une seconde, je réfléchis. Oui ! répond Soraya, les yeux brillants.

— Alors accepte cette modeste bague, de l’artiste de haute joaillerie Fanta Stique, s’exclame Driss en passant au doigt de Soraya une magnifique composition en ruban doré.

— Nœud de bolduc monté sur anneau bimatière bolduc et scotch ! annonce Fanta, d’une voix ultra sophistiquée. Pour un amour qui dure depuis toujours et pour toujours.

Driss et Soraya éclatent de rire avant de répéter, avec autant de sérieux que d’émotion : 

— Depuis toujours, et pour toujours.

Retrouve tous les épisodes ici.



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Cet article a été écrit par :
Agathe Portail

Maman de 4 enfants (très) rapprochés et girondine d’adoption, Agathe Portail écrit des romans adultes édités chez Actes Sud, Calmann Levy et J'ai lu, mais aussi des romans historico-fantastiques édités par Emmanuel Jeunesse.

https://www.fnac.com/ia9173370/Agathe-Portail

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