« Je suis en couple, évidemment que je suis fidèle ! »
Ah oui ? Fidèle à quoi, à qui ? Et si l’infidélité n’était pas toujours ce que l’on croit :
« Être infidèle, c’est tromper son conjoint, tout le monde n’est pas concerné » me direz vous.
Non, bien entendu … Quoi que…
« Au secours, ma femme me trompe ! »
me dit un homme, désemparé. Mais ce n’est pas de l’infidélité adultérine dont il est ici question car il ne suffit pas de prendre un amant pour être infidèle. L’infidélité dont je voudrais vous parler est plus subtile, mais ô combien douloureuse pour les hommes et les femmes qui la vivent, parfois même sans s’en rendre compte. Du moins, au début, car cette infidélité-là arrive sans crier gare. Elle a même un beau visage : celui de la maternité…
Il s’agit donc de l’infidélité maternelle :
« Ma femme s’est transformée en maman. Nos enfants ont pris toute la place. Vous ne me croirez pas, même dans le lit… »
Je vous crois… Cette infidélité là est même bien souvent la première tentation d’une femme quand elle devient mère. Mettre au monde un petit être fabuleux est une expérience inédite. La femme qui se découvre mère s’y investit de tout son être, accueillant cet événement – ou avènement – avec joie et émerveillement, dans une histoire qui est la sienne, avec ses failles et ses ressources, mais dans laquelle, indéniablement, elle puisera son énergie pour accoucher de ce qu’elle est : mère et femme.
Vaste programme ! Alors que font les fabuleuses ? Elles découvrent, elles inventent, elles tricotent : un fil maternel, un fil féminin … Un bel ouvrage se profile, des mailles sauteront parfois, mais cela ne rendra l’ouvrage que plus beau et bien vivant, ancré dans la Vie.
Pourtant, parfois, l’unique fil de la maternité sera tricoté.
Prise dans ce ravissement qui la comble, la femme en oublie d’être précisément « femme ». Monsieur Bébé occupe tout son espace affectif, le ou les enfant(s) devien(nen)t SA priorité. D’ailleurs, elle aimerait bien n’être plus que mère. Pour des raisons qui lui sont propres, elle ne peut ou ne veut plus être femme. Explorer cette facette qui pourtant était la sienne, est devenu douloureux.
Si la fusion maternelle du début de la vie est nécessaire, bonne et sécurisante pour nos petits fabuleux, elle devient toxique lorsqu’elle ne s’arrête pas. L’enfant, considéré comme le prolongement de sa mère, est nié dans son altérité : il vient combler un manque qui ne lui appartient pas.
La plupart du temps, les hommes seront démunis face à cette situation, que rien auparavant n’avait laissé entrevoir.
Relégués au second rang, ils regrettent le temps où leur était réservée la première place. Qu’il est douloureux de ne plus trouver auprès de son aimée cet espace de tendresse, de complicité et d’érotisme qui les avaient autrefois rendus heureux ! Qu’il est difficile de poser le constat suivant : ce sont ces mêmes enfants, pourtant rêvés, désirés et attendus ensemble, qui désormais ont pris la place. Exclusivement.
Au cœur de chaque fabuleuse, imaginez un curseur : un fil tendu entre la capacité féminine et la capacité maternelle. A certains moments de notre vie, et même de notre journée, le curseur se déplacera plutôt vers l’un ou l’autre des deux pôles. Mère auprès des enfants, puis femme dans les bras de notre homme ou investie dans un projet professionnel, associatif… en alternance, en mouvement.
Quand le curseur reste bloqué sur le pôle maternel, qu’il ne bouge plus, qu’il s’y attarde, longtemps, il est bon de s’interroger.
Au prétexte de l’amour maternel, la femme se rapproche doucement de l’emprise. Au prétexte d’être une bonne maman, elle en oublie son conjoint. L’infidélité maternelle impose aux enfants la place du père, biaisant par la même occasion les liens qu’ils tisseront avec leur parents. Une mère étouffante. Un père lointain.
Cette situation ne fera grandir personne. En fuyant son féminin, que transmet la femme de ce qu’elle est à ses enfants ? En les investissant de la sorte, ne prend-t-elle pas le risque de les étouffer ? Que deviendra-t-elle quand ils seront partis ? Et d’ailleurs, les laissera-t-elle partir ? Quelle place donne-t-elle à son conjoint ? Qui est-elle auprès de lui ? Quelle place aurait-il à prendre, qu’il ne prend pas, ou ne peut prendre ? Je sais, c’est difficile. On ne fera pas le tour de la question en quelques lignes.
Oublions la culpabilité.
Tout le monde n’a pas reçu le même bagage pour se découvrir femme ET se déployer mère en même temps. Et personne n’a dit aux hommes qu’ils auraient peut-être un rôle à jouer auprès de leur aimée pendant ce temps d’évolution :
– Un rôle de « sage-femme » (mais si ! ) au cours de cet accouchement identitaire.
– Un rôle de prince charmant pour éveiller à nouveau la belle endormie -ou dépassée- par ses maternités.
– Un rôle de sentinelle, garant des frontières, afin que chacun, père, mère et enfants, puissent évoluer dans un espace qui est le sien, pour s’épanouir librement ensuite au delà-de ses frontières familiales.
Le mode d’emploi n’existe pas, l’équilibre se cherche. Il est à accueillir, dans la complémentarité. Il est à conquérir chaque jour en prenant soin de ce que nous avons été avant d’être parents, c’est-à-dire homme et femme, amoureux, terreau fertile de notre devenir père et mère auprès de ceux que nous avons portés et que nous accompagnons … nos enfants.