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Vie de famille

Et si on se fichait la paix ?

cohérence éducative
Marie Chetrit 15 mars 2023
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Tu y as pensé toute la journée, après la soirée éprouvante d’hier avec Hector (6 ans) qui courait nu en hurlant et en faisant de grands moulinets avec son pyjama, bondissant par-dessus le canapé (il a même failli s’accrocher au lustre et pousser le cri de Tarzan, l’animal), et Guillemette (10 mois), qui étalait consciencieusement sa purée de haricots sur ses cheveux fraîchement lavés et sa grenouillère (pour une fois) sans taches. 

Ça avait pourtant bien commencé, cette soirée.

Car tu es remplie de bonnes résolutions glanées au cours de tes dernières lectures : « En finir avec la Toxicité Parentale » ; « Comment éduquer son enfant en toute Bienveillance ? » « Stop à la Tyrannie Infantile » ; « Douceur et Discipline, la Méthode qui marche » ; « Positive mais pas Laxiste » ; « Les 100 Trucs des mamans éclairées et sereines » ; « Ne pas dormir pendant cinq ans tout en restant épanouie » ; « L’Éducation neuroscientifique et respectueuse », pour ne citer que le dessus de la pile qui tangue dangereusement sur ta table de chevet, pendant que ton mec a juste « Se cultiver aux toilettes » sur la sienne.

Tu es remplie de bonnes résolutions, disais-je, et as décidé que cette fois-ci, c’est la bonne :

désormais, en éducation, tu n’auras qu’une seule ligne de conduite.

Comment Hector peut-il comprendre qu’il est inapproprié d’agiter son zizi sous le nez du voisin (qui venait déposer un colissimo livré par erreur chez lui) si son père pouffe de rire une fois sur deux ? Même que le voisin est reparti en te jetant des regards réprobateurs qui en disaient long sur son opinion quant à tes compétences éducatives. Depuis, c’est toute la cage d’escalier qui te regarde d’un air suspicieux, te semble-t-il. 

Donc, maintenant, c’est décidé : le maître-mot, c’est la COHÉRENCE ÉDUCATIVE.

Les deux parents — tu insistes beaucoup là-dessus avec ta moitié, sinon c’est intenable — vont désormais pagayer dans le même sens, comme dans les courses d’aviron des films américains. Tous tendus vers un seul et même but ! On forme une équipe, parce qu’on les a faits à deux, ces gamins.

Alors, ce soir, tu énonces d’un ton ferme et convaincu : « Hector, tu mets ton pyjama s’il te plaît. Et range ta serviette de bain, merci. Guillemette, la purée va dans ta bouche. DANS LA BOUCHE. Voilà, bravo, ma chérie ! Maman est fière de toi. »  Et au moment de se coucher, c’est toute rassérénée et la confiance en soi reboostée que tu te glisses dans tes draps frais.

Le lendemain, tout semble rentré dans l’ordre :

Hector paraît avoir acquis à peu près les règles de la bienséance, et Guillemette la conscience que le plus court chemin vers son estomac passe par sa bouche, et non son cuir chevelu. Il n’en faut pas plus pour que tu oses te la péter lors de la pause café, le lendemain, auprès de Brigitte, chargée de marketing, qui soupire après des nuits complètes mais n’a pas encore obtenu l’accord de ses deux jumeaux de 18 mois, réticents à une réduction de leurs privilèges nocturnes. Tu lui dis négligemment « Oh, moi, j’ai juste remis un peu de cadre avec leur père, et de cohérence, surtout, c’est important la cohérence éducative, sinon comment les enfants peuvent s’y retrouver, je te le demande, Brigitte ? » Brigitte te hait, ça se lit dans sa bouche pincée et ses cernes qui viennent de prendre deux nuances de gris. Mais ballec, après tout chacun son tour, la roue du destin n’a pas toujours été bonne fille avec toi.

Mais patatras, après une journée où Brigitte (cette sale peau tenaillée par le démon de la jalousie) t’a perfidement cherché des noises lors de la réunion d’équipe hebdo au sujet du dossier Bricassou qui te tient tant à cœur, ta voix déraille légèrement dans les aigus au moment d’énoncer avec fermeté et bienveillance les consignes.

Hector semble avoir ressenti ta tension intérieure

(les enfants sont de vraies éponges émotionnelles, tu l’as lu dans un autre bouquin) et l’extériorise par une agitation motrice quelque peu excessive. Et alors, au lieu de dire « Hector mon chéri, enfile ton pyjama s’il te plaît » tu vocifères d’une voix de poissarde « Mais p$ta#n, tu me gonfles Hector, tu vas le mettre ce foutu pyjama de m@r%e !!! »

C’est le moment que choisit ton conjoint pour pousser la porte de la maison et claironner joyeusement « Coucou les schtroumpfs ! Papa est rentré tôt aujourd’hui et il vous a amené une surpriiiiise ! » Hector et Guillemette se précipitent vers leur père, en te tirant la langue au passage (enfin, la petite ne tire pas la langue, mais l’insolence se lit sur tout son visage potelé pendant qu’elle rampe avec ardeur dans le couloir, tu en es certaine) et le couvrent de câlins. 

C’est officiel : tu n’en peux plus

a/ de cette famille,

b/ de l’ingratitude de ces gosses,

c/ de l’irresponsabilité de ce sale mec que tu as eu la bêtise de laisser t’engrosser.

Alors pendant le dîner, quand Guillemette te regarde en riant de toute sa petite bouche édentée, tout en approchant doucement ses mains gantées de sauce tomate de ses bouclettes shampooinées, tu ne sais pas quoi dire d’autre que « hi hi hi, quelle coquine tu es ma chérie ! » avant d’enchaîner sur un dessin animé, alors que les dessins animés, c’est bien connu, ça rend les enfants débiles, dès la première minute*. Mais tu as besoin de coiffer au poteau leur fourbe de père, au Koh-Lanta du parent le plus sympa.

*non, c’est faux.

La cohérence éducative s’est fait la malle sans crier gare

et tu te flagelles intérieurement pour cet enchaînement de laxisme et de pétage de plombs

Ah, c’est la fête du slip dans ta tête ! « Ben voilà comme d’habitude tu es incapable de respecter la ligne de conduite que tu t’es fixée, tu n’es qu’une girouette, une mère incapable, t’as tout raté, d’ailleurs est-ce que t’es sûre d’avoir vraiment une ligne de conduite éducative digne de ce nom avec des principes clairs et carrés, ou est-ce que tu es juste une pauvre feuille qui virevolte au gré du vent, hein ? La vieille au supermarché l’autre jour avait raison quand elle t’a dit « à mon époque, les enfants étaient bien élevés » » et tu te sens tellement mal que d’un seul coup, tu te lèves comme un piquet, et tu gueules « MAINTENANT ÇA SUFFIT VOUS FILEZ AU LIT, TOUT DE SUIIIITE » alors que pour une fois, ils sont tout à fait calmes et ne comprennent rien à cette soudaine explosion. Tout le monde part se coucher, c’est la soupe à la grimace, ton mari se plonge dans Se cultiver aux toilettes et grogne un « bonne nuit » avant de te tourner le dos en embarquant une large portion de la couette.

Toute ressemblance avec des faits existant ou ayant existé est…

n’est pas du tout fortuite, puisque ce genre de situation m’arrive occasionnellement. Je ne précise pas ce que j’entends par « occasionnellement », sache que cela se situe entre « parfois » et « fréquemment ». 

Tenir une ligne de conduite, c’est difficile. Que l’on soit adepte de la verbalisation, que l’on tienne à inculquer des règles de bonne tenue ou de politesse, que l’on accompagne au sommeil ou que l’on préfère le sommeil autonome : c’est difficile. Et parfois, on ne se reconnaît pas vraiment dans un courant éducatif. On pioche à droite et à gauche, en étant tantôt positive, tantôt ferme, tantôt carrément laxiste, tantôt trop rigide. Et la tendance n’est pas à la tambouille éducative personnalisée : nous sommes plutôt sommées de choisir notre camp. 

Alors je tiens à te le dire : tu n’es pas obligée de choisir ton camp, chère Fabuleuse.

Tu as le droit de picorer chez l’une ou l’autre des têtes de file, et d’y trouver des idées intéressantes et des techniques qui te parlent, sans pour autant te transformer en bon petit soldat de la cause. Ce qui convient à ton enfant n’est pas forcément ce qui convient à celui de ta cousine. C’est bien normal, ce ne sont pas des clones. Ils ne sont pas nés des mêmes parents. Le contexte autour d’eux n’est pas le même.

On a le droit d’avancer en virevoltant autour de la ligne qui mène à notre but éducatif :

faire de nos enfants des adultes épanouis, respectueux d’eux-mêmes et des autres. 



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Cet article a été écrit par :
Marie Chetrit

Scientifique de formation et de profession mais littéraire de cœur, Marie Chetrit partage sur son blog de petits textes sur les moments rigolos ou exaspérants de sa vie familiale. Elle et son fabuleux époux ont chacun un grand d’une première union et deux petits diablotins ensemble.
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