Nous avons tous, enfouie dans un coin de notre tête, la représentation idyllique d’une famille où tous vivraient en harmonie. Comme beaucoup de mères, je tente de cocher toutes les cases de la mère parfaite, bienveillante… D’un côté une organisation au top sur le papier et de l’autre ma réalité avec ses petits grains de sable (une maîtresse absente, un enfant fiévreux, des grèves de transport, un conjoint peu présent, des soucis au travail…) qui viennent enrayer la belle mécanique de mon organisation.
Être bienveillant, c’est ce que nous souhaitons tous être.
Cependant quand je réfléchis un peu, j’identifie que la bienveillance s’accompagne parfois de « petites » violences contre soi : je ne prends pas le temps de déjeuner le matin car je dois m’occuper des enfants ; je refuse les propositions de mes amies d’aller boire un verre parce que je me suis engagée à réaliser les déguisements de la fête de l’école… Attentive à la sécurité des miens, je me laisse parfois envahir par des peurs non raisonnées. Je suis sûre que de nombreux exemples te viennent en tête…
Si la bienveillance est une intention louable, elle peut avoir un coût.
L’utiliser comme seule boussole pour orienter nos actes n’est pas suffisant. La pratique de la bienveillance peut nous mener à désirer devenir le conjoint parfait, la mère au top, dans le but inavoué peut-être de donner l’image d’une famille épanouie… ce qui crée presque inévitablement le sentiment de ne pas être à la hauteur, accompagné de son corollaire : la culpabilité de ne plus y arriver… Ne serait-ce pas une forme de maltraitance envers soi ?
Quand j’évoque la maltraitance, le mot qui me vient à l’esprit, c’est son contraire :
la bientraitance…
La bientraitance pourrait être une réponse concrète, en actes, à mon intention d’être bienveillante. C’est ce petit plus qui va faire toute la différence, dans mon quotidien de Fabuleuse.
Je crois que la bienveillance est une intention (je veille au bien), alors que la bientraitance évoque à la fois l’intention (« bien ») et l’action (« traiter »).
La notion de bientraitance, déjà bien connue dans le champ social, médical et psychothérapeutique, l’est moins dans la vie quotidienne. Or, nous avons tous un rôle à jouer pour développer la bientraitance, que ce soit à la maison en famille, au travail, dans les loisirs, envers la nature, dans la société en fin de compte.
Culturellement, nous pensons que la bientraitance est en direction des autres…
or comment peux-tu être bientraitance avec les autres, si tu ne l’es pas avec toi ?
Qu’est-ce qui t’empêche de passer de la bienveillance à la bientraitance avec toi ? Qu’est-ce qui t’empêche de t’écouter ? Est-ce que ce ne sont pas justement tes peurs qui t’empêchent de bien te traiter ? Quelles sont tes peurs, justement ? Paraître égoïste, être rejetée, souffrir, échouer ?
La bientraitance envers soi va consister à mieux prendre en compte le besoin exprimé par la peur.
Tu peux tenter de te réconcilier avec tes peurs, en répondant à ces questions.
Qu’est-ce que ma peur m’empêche de faire ? Si je le faisais, que m’arriverait-il ? Est-ce que cette pensée est fondée ?
En répondant à ces questions, tu devrais t’apercevoir que, souvent, le scénario que tu imagines n’est pas fondé. Si tu n’affrontes pas ta peur, elle ressurgira à chaque situation propice. Cet exercice peut aussi te montrer que tu as besoin d’aide pour identifier ces peurs afin de t’en libérer. Tu peux lister tes peurs, accueillir ainsi tes imperfections, tes fragilités, tes difficultés et te demander ce que tu ferais si ces peurs n’existaient pas. La peur est une émotion qui met en mouvement.
Une fois que tu as compris les tiennes, tu peux commencer à mieux te traiter.
Chaque petite peur vaincue te donne du courage pour te réconcilier avec les autres peurs. C’est un parcours que tu mènes petit à petit, à la hauteur du possible.
La bientraitance envers soi va t’amener à prendre soin de toi de façon quotidienne.
Le monde ne s’est pas fait en un jour. Tu connais peut-être déjà les outils que propose Hélène dans ses programmes ou évoque dans le Mail du matin ? Tu peux commencer par prendre 5 minutes pour toi au calme, en déjeunant avant que la famille se lève. Puis petit à petit, tu peux penser à tout ce que tu aimes faire et te bloquer des moments dans ton emploi du temps pour le faire. La nature ayant horreur du vide, si tu ne prends pas le temps de concrétiser ces plages horaires réservées, d’autres se chargeront de remplir ton emploi du temps ! Tu notes, alors, dans ton agenda, des activités qui te font du bien. Ainsi noté au même titre que tes autres rendez-vous, ce temps sera bloqué et manifestera l’importance que tu t’accordes en tant que personne.
La bientraitance suppose de trouver ce qui sera le mieux pour toi et ceux qui m’entourent.
Impossible ou un possible ?
Choisir la bientraitance dans ta vie quotidienne est une utopie, une douce folie, de la joie, de la sérénité, de l’amour, de la convivialité ? Sans doute un peu tout ça !
Qui n’a pas un jour, entendu dans sa tête une petite voix, lui dire « sois forte », « ne te plains pas ». Quand tu écoutes cette petite voix, tu ne te respectes pas, alors que prendre soin de toi te permettra d’être dans une relation bientraitance à l’autre. Commence peut-être par réaliser que tu es souvent en train de dire « j’en ai plein le dos », « j’en ai mal au ventre », « la pleine lune m’a encore empêchée de dormir ». Ces expressions sont en fait des signaux que t’envoie ton corps pour te dire « stop ! ». Il est temps de m’occuper de toi.
Entre la superwoman que les réseaux sociaux te renvoient et la personne que tu es, il y a parfois comme un fossé.
Mais l’héroïsme ne serait-il pas de t’accepter telle que tu es ?
En effet, la bientraitance, c’est d’abord avoir conscience de la relation que tu vis avec toi, pour pouvoir ensuite la vivre dans ton interaction avec l’autre. Plus tu seras bientraitance avec toi, plus tu pourras l’être avec l’autre. En le reconnaissant et en l’acceptant, tu crées un climat de bienveillance autour de toi. C’est avant tout, un cadeau que tu te fais mais la bientraitance est un cercle vertueux et n’a pas vocation à rester un trésor que tu gardes jalousement pour toi.
Parfois, la culpabilité vient bousculer les dispositions que tu as prises.
Écoute-la, elle a sans doute quelque chose à te dire. Il y a peut-être une autre façon d’être bientraitante avec toi. Tu peux alors pratiquer l’autocompassion, concept étudié par Kristin Neff, docteure chercheuse dans le domaine de la compassion, en étant gentille et compatissante avec toi-même lorsque tu te sens en échec ou en souffrance.
La bientraitance n’est pas un long chemin tranquille, il s’agit aussi d’interroger régulièrement ton attitude, pour l’ajuster de façon constructive, pour toi, et ceux qui te sont proches.
Dans le livre que j’ai co-écrit à ce sujet, nous affirmons que « la bientraitance ne se décrète pas, elle se choisit, se vit, se diffuse et se multiplie, dans un processus permanent, car rien n’est figé une fois pour toutes. »
C’est un jardin à cultiver au rythme des saisons de la vie…
Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Marie-Christine.
Marie-Christine Guillou et Marie-Jo Verlucco, auteurs du livre Manuel de la bientraitance — comment être ou devenir bientraitant, éditions Médiaspaul, juillet 2022.
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