« Comment avez-vous fait pour changer de métier ? Pour monter un cabinet ? Gérer votre famille nombreuse ? » Telles sont les questions récurrentes qui me sont posées. Pour être franche, rien de sensationnel, pas de magie non plus. Mais à l’origine : un groupe de mamans.
Laissez-moi vous raconter.
« Dis, Hélène, tu ne veux pas faire partie d’un groupe de parole ? ». C’était il y a 13 ans. J’attends mon quatrième enfant, cette proposition tombe à pic. Je ressens depuis quelques mois le besoin de rencontrer d’autres mères, d’échanger, d’élargir mon horizon éducatif. Cette expérience sera forcément enrichissante, je n’en ai aucun doute, mais je n’ai pas idée du parcours dans lequel elle va me projeter.
La naissance arrive, me voila comblée.
Dans ce même temps, un problème de santé me retourne suffisamment pour que je décide de ne pas reprendre mon boulot d’enseignante. J’ai eu peur. J’ai besoin de me questionner, de me poser et de reprendre mon souffle. Je veux ralentir, profiter des enfants, les regarder grandir. Et l’occasion sera parfaite pour me lancer, enfin, dans ce fameux groupe de parole pour mamans !
Nous n’étions pas nombreuses, différentes dans nos caractères, nos configurations familiales, nos trajectoires professionnelles. C’est en partageant avec chacune ou de façon groupale que j’ai compris que nous nous posions les mêmes questions. Nous avions à cœur d’être heureuses, auprès de nos maris, de nos enfants et recherchions des outils, sinon une réflexion, qui puissent nous aider à progresser, à prendre du recul, à dédramatiser les agitations parfois complexes de nos vies bien remplies de femmes ET de mères.
Les caprices, les repas qui ne ressemblent à rien, l’insolence de tel enfant, son autonomie, la fatigue, l’envie de tout envoyer valser, sont nos points communs. C’est en partageant autours de ce que d’autres appelleraient de façon condescendante « des conversations de couches-culottes » que j’ai commencé à me remettre en question sur un sujet de vie essentiel :
Celui de mon équilibre mère-femme.
- J’admire l’organisation de l’une, la créativité de l’autre.
- La patience de celle-ci m’invite à relativiser tandis que l’ambition de celle-là me donne de l’énergie.
L’une patauge avec son emploi du temps ? Me voilà rassurée. L’autre démêle avec brio une dispute entre ces deux garçons ? Me voilà inspirée.
Je pioche ces qualités bigarrées pour m’en faire un patchwork adapté à ma personnalité.
J’expérimente, me plante, recommence, nuance. Nos réunions régulières m’amusent et me dynamisent. Nous nous motivons pour une lecture, une conférence, une formation. C’est ainsi que je découvre les livres « À chacun sa mission »* et « Manuel de survie d’une mère de famille »** (Les Fabuleuses n’existaient pas !) Je m’organise un peu mieux et commence tranquillement à cheminer. Dans le cadre de ce groupe de parole, on me propose une formation à l’écoute active : je fonce.
J’aime ces échanges.
Je sens qu’ils me font du bien. L’impact en moi est discret, mais je ne peux aller plus vite. J’ai besoin de vivre cette progression en douceur.
18 mois plus tard, nous déménageons. En quittant le Potjevleesch pour le raisin Muscat, je comprends assez vite que je n’enseignerais plus, le système de mutation est saturé. Je n’ai plus d’amies, pas de boulot en perspective mais — hop ! — je réintègre assez vite une autre groupe de parole pour mamans. L’espace de respiration que ce temps m’apporte me permet d’être plus zen avec mes enfants, mon mari et moi-même. Ce qui provoque une économie d’énergie psychique conséquente : parce que je me sens moins débordée, j’ai de la place « en moi » pour amorcer une réflexion qui me tient à cœur, celle de ma vie professionnelle.
Puisque je ne retrouverais pas de poste, alors je deviendrais conseillère conjugale.
La région regorge de lieux magnifiques pour se poser et réfléchir. Je me rends dans le monastère le plus proche et fais la rencontre d’une moniale qui restera à l’écoute de mes doutes en complément de l’oreille attentive de mon conjoint. Je sais que j’ai besoin de travailler, c’est une question d’équilibre vital. Ce point devient une priorité personnelle et conjugale.
Quelques mois plus tard, le processus est lancé :
Je monte à Lyon me former pendant deux ans. Le groupe de parole est toujours là ! Il régule ma culpabilité de m’échapper une fois par mois pour étudier. Les sujets abordés sont toujours aussi intéressants et pragmatiques, accordés au principe de réalité que me propose ma vie de famille nombreuse. C’est également un lieu de rencontres et d’amitiés qui m’aide de façon implicite à garder un cap pour rester présente auprès de mes enfants.
Je soutiens mon mémoire.
Dans ma région, pas de poste de conseillère conjugale. Peu importe, une amie m’a parlé d’une pépinière d’entreprise que je contacte pour lancer un cabinet. En quelques mois, accompagnée de celle qui fut ma maître de stage, nous pensons un projet qui nous ressemble. Je travaille à mi-temps, une petite fille naît et vient agrandir notre famille.
Toujours à la recherche d’un équilibre mère-femme, je tombe par hasard sur le blog d’Hélène Bonhomme.
Elle vient tout juste de sortir un livre : « C’est décidé, je suis Fabuleuse ». J’aime bien le concept qui fait écho à ce que je peux vivre dans les groupes de parole. Nous nous rencontrons par mail, et je commence à lui écrire quelques chroniques.
Grâce à elle, je découvre le « Miracle morning », invente un rituel qui me fait du bien pour démarrer mes journée de façon positive. Le Village n’existe pas encore, mais son enthousiasme est contagieux. Sa casquette de maman-entrepreneuse-littéraire-imparfaite me fait croire que je peux, moi aussi, développer mes projets ! Je lis les billets du blog avec gourmandise et saisis les fruits de cette jolie communauté des Fabuleuses.
Le cabinet se développe tranquillement.
Je suis endurante. Sous les conseils de l’ISF***, je démarre une psychothérapie. La lecture de certains articles du blog des Fabuleuses m’y encourage. J’arrête de participer au groupe de parole, j’ai un peu moins de temps. Un sixième enfant agrandit notre famille. Nous déménageons.
Aujourd’hui, quelques années ont passé, je travaille à temps plein. Quand on me demande un retour d’expérience sur mon parcours professionnel, je ne peux m’empêcher de répondre :
« À l’origine, un groupe de parole pour mamans ».
Le groupe force au déplacement psychique, rassure quand il est bienveillant, enrichit de par les propositions différentes évoquées, motive, fait miroir, vient donc approfondir la connaissance de soi, ouvre à l’autre et plus largement au monde.
Il soutient et booste.
Je ne peux pas dire bien entendu que cette expérience groupale a contribué de façon active à la construction du cabinet. Ce n’est pas telle ou telle maman qui m’a explicitement orientée ou soutenue. Le projet, au final, c’est bien moi qui l’ai porté. Les rencontres individuelles, c’est bien moi qui suis allée les chercher. L’énergie investie était la mienne.
En revanche, je peux dire que le groupe, de façon latente, tranquille et régulière, m’a conduit au déplacement intérieur pour oser entreprendre des petites choses, pas à pas. Enfin, il a provoqué nombre de rencontres inspirantes, dont certaines, déterminantes. Le groupe offre ainsi une impulsion discrète mais réelle.
Je crois en sa force.
Et dans ces liens, plus ou moins proches que nous tissons les unes avec les autres, se trouvent cachés des trésors de croissance. À nous de savoir les saisir, comme on attraperait au vol, une perche lancée pour nous emmener plus loin.
* « À chacun sa mission », Jean Monbourquette
** « Manuel de survie d’une mère de famille », Holly Pierlot
*** ISF : Institut des Sciences de la Famille, UCLY, centre de formation au conseil conjugal et familial