Je m’appelle Aurélie, j’ai 31 ans et si ma plus vieille amie ne m’avait pas forwardé un mail du matin après m’avoir écoutée me répandre pendant vingt minutes au téléphone, eh bien… Je ne pourrais sans doute plus me présenter en tant que maman épanouie-mais-crevée de deux petites filles très rapprochées.
Parce que j’aurais sans doute fini par céder à ce désir de fuite qui devenait de plus en plus intense, tellement la fatigue aspirait tout en moi : la joie, la patience, l’envie.
Je vivais à ce moment-là chaque jour comme un énorme fardeau.
Me lever me coûtait, me laver me coûtait, écouter ma fille me raconter qu’elle avait vu un ver de terre dans le jardin me coûtait, faire bonne figure quand on me demandait “alors, ça va la wonder mum avec tes deux coquines” me coûtait. Je roulais à 60 km/h sur l’autoroute avec un frein à main serré à fond. Énormément d’effort pour peu de résultat, et la mécanique qui chauffe.
Ce que j’ai ressenti à la lecture de ce premier mail du matin, premier d’une longue série, c’est assez indescriptible.
Ça semble même disproportionné et un peu flippant, raconté aujourd’hui. Je me suis sentie scrutée jusqu’au fond du fond, comprise complètement, et en même temps, ça ne s’arrêtait pas là : j’ai trouvé dans les mots d’Hélène le coup de pied au derrière qui me faisait comprendre que m’investir dans ma vie allait m’aider à l’aimer, plutôt que de fantasmer un ailleurs. Elle m’a aidée à réaliser que je n’étais pas à des milliers de kilomètres du bonheur, mais tout près, si je voulais bien me mettre en mouvement.
Alors cahin, caha, j’ai donné le premier tour de manivelle, le plus dur pour moi :
j’ai commencé à accorder pleinement vingt minutes à chacune de mes filles, sans avoir l’esprit ailleurs, sans m’évader dans mon fil insta, sans éplucher les carottes en même temps. C’était tout simple, ça semble évident, mais je ne le faisais jamais. J’étais dans la course pour le quotidien, et dans l’évasion mentale le reste du temps pour supporter. Pour moi, ça a marché.
J’ai repris goût à mes enfants (dit comme ça, ça semble horrible).
Et comme je prenais de plus en plus de plaisir à passer du temps avec elles, elles sont paradoxalement devenues beaucoup moins en demande le reste du temps. Je n’avais plus besoin de les pousser hors de la cuisine pour avoir cinq minutes de silence. Le jour où je me suis réjouie de les entendre babiller dans leur lit à la fin de leur sieste, j’ai su que j’avais passé un énorme cap.
Aujourd’hui, j’ai envie de partager au maximum autour de moi cette espèce de choc que j’ai reçu et qui a renversé complètement ma manière de vivre ma vie de famille. J’ai en tête deux amies : l’une qui a eu des jumeaux et cumule des travaux, un changement de ville, elle est au bout de sa vie… je suis pratiquement certaine que les mots d’Hélène lui feraient du bien et je vais lui offrir le livre d’Hélène. La deuxième amie est enceinte et je la vois avec un peu d’inquiétude planifier son accouchement en salle nature, son lit co-dodo, la diversification alimentaire à la demande (alors qu’elle n’a pas encore accouché). J’ai un peu peur que son souhait de tout prévoir lui prépare une chute un peu douloureuse, et j’ai envie de lui offrir le livre d’Hélène en cadeau de naissance, avec un petit mot “à ouvrir en cas de crise de larmes”.