J’ai envie de me faire les ongles en vue de ce week-end. J’ai repéré l’autre jour une femme qui portait un vernis bleu marine brillant. Je n’ai pas cette couleur dans mes tiroirs et j’hésite à m’acheter un nouveau vernis. Face à cette réflexion, non sans importance tu en conviendras, je me suis rendu compte qu’on avait beaucoup trop de choix dans notre vie et qu’on perdait un temps fou dans les méandres de la prise de décisions.
Je suis tombée par hasard sur cette citation de Gaspard Kœnig :
« La liberté comme choix infini est un enfer ! »
Mais oui, tellement ! Nous vivons dans une société où nous avons tellement de choix dans tous les domaines, que nous ne savons plus par quel bout les prendre. Décider que je voulais me faire les ongles n’a déjà pas été une mince décision. Pourquoi me faire les ongles plutôt que de plier du linge, de passer ce coup de fil important, de préparer un repas ou, sans parler de m’occuper d’une tâche productive, pourquoi me faire les ongles plutôt que lire un bon livre ou remplir une grille de sudoku ?
Me voilà donc en train d’envisager de m’acheter ce vernis bleu marine. Il y a tellement de marques différentes, tellement de couleurs différentes, tellement de prix, de qualité, de packaging différents… Comment choisir ? D’ailleurs, ai-je vraiment le budget pour m’acheter un vernis ? N’y a-t-il pas d’autres priorités ? Sans parler des questions éthiques. Vernis végan ou pas ? Est-ce que le dissolvant est mauvais pour la planète ? Et se faire les ongles, n’est-ce pas se soumettre à la dictature du patriarcat ? Acheter un vernis, alors que j’en ai déjà, n’est-ce pas participer à la consommation de masse ? Mais, si je n’achète pas ce vernis, quelle couleur vais-je choisir parmi toutes celles que j’ai déjà ?
Je grossis le trait, évidemment… quoique, pas tant que ça.
Tout ce temps que nous passons à essayer de prendre des décisions, les bonnes décisions, de la plus importante à la plus futile, nous ne le consacrons pas à autre chose.
Même pas à se vernir les ongles. Ironiquement, tout ce temps pendant lequel je n’ai fait que réfléchir à mon choix de vernis correspond à peu près au temps de séchage dudit vernis. Et encore, c’est parce que je n’ai pas envisagé le vernis qui sèche en trente secondes. AAAAAAH !
Le choix infini, c’est vrai que c’est un enfer.
Comment résoudre cet enfer ? À l’aide de cette citation de Jean-Louis Barrault :
« La liberté, c’est la faculté de choisir ses contraintes. »
Oui, mais comment bien choisir ses contraintes ? Parce que choisir ses contraintes peut devenir un enfer, aussi. Il y a les contraintes imposées et il y a celles que je choisis. Comment choisir parmi toutes les contraintes proposées ? Dans mon exemple, je dois définir ma contrainte budgétaire, ma contrainte de temps, ma contrainte éthique, ma contrainte esthétique et les hiérarchiser. On pourrait créer une nouvelle citation :
« Le choix infini de nos contraintes est un enfer. »
Comment connaître le bon moment et le temps qui me sera nécessaire pour me vernir les ongles ?
Comment savoir si je me rachète ou non un vernis ?
Comment faire le choix le plus éthique ?
Comment décider de la bonne couleur ?
Et surtout, qui me confirmera que j’ai fait le bon choix ?
La bonne nouvelle c’est qu’il y aura toujours une personne pour valider mon choix. La mauvaise, c’est qu’il y aura toujours une personne pour invalider mon choix. Il n’y a donc pas de contrainte qui soit universelle. Il y a les contraintes que je choisis maintenant, selon les éléments dont j’ai connaissance aujourd’hui, mon humeur du jour et mes valeurs personnelles.
En l’occurrence, aujourd’hui, je ne vais pas m’acheter un nouveau vernis parce que le budget est serré. Je vais me faire les ongles maintenant, parce que j’ai envie d’avoir de jolies mains ce week-end. Et même si, quand on y pense, c’est un peu bizarre comme rituel de se peindre les ongles, je n’ai ni le temps, ni l’énergie, ni l’envie de remettre tout en question maintenant. Je vais choisir le vernis aubergine parce que c’est encore la saison pour porter une telle couleur et que c’est assez proche du bleu marine, finalement.
Peut-être que la prochaine fois, j’en achèterai un nouveau, peut-être que la prochaine fois, je trouverai un moment pour me vernir les ongles avec une amie, peut-être que la prochaine fois, j’investirai dans une séance chez une manucure, peut-être qu’un jour, je ne voudrais plus mettre de vernis ?
Demain, peut-être, je choisirai d’autres contraintes. Aujourd’hui, ce sont celles que je choisis.
En comprenant qu’il n’y a pas de « bonnes réponses », mais uniquement la « réponse bonne pour moi, maintenant », je gagne beaucoup de temps en choisissant mes contraintes. Sur ce, je vais aller poser mon vernis.
Et toi, chère Fabuleuse ? Te sens-tu oppressée par la profusion de choix à faire dans ton quotidien ? Parce qu’il y a le vernis, mais il y a aussi la liste de courses, le choix du magasin, le choix de l’alimentation, le choix des marques, le choix de l’activité du week-end, le choix de sa vie professionnelle, de son lieu de vie, de son partenaire particulier, du nombre d’enfants que l’on veut… Est-ce que ça t’aide de te dire que tu as la capacité de choisir tes contraintes et que c’est là que se trouve ta liberté ?