Petit éloge de la solidarité - Fabuleuses Au Foyer
Dans ma tête

Petit éloge de la solidarité

Anna Latron 24 septembre 2019
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Trois femmes.

L’une est maman solo sans aide de son ex-mari aujourd’hui gravement malade ;
L’autre se retrouve seule en semaine depuis plusieurs années, pour cause de célibat géographique ;
La dernière est seule à la barre plusieurs mois par an, avec un mari à l’autre bout du monde ;

Trois femmes. Trois femmes fortes, malgré la fatigue, malgré les soirs où elles n’en peuvent plus, malgré les cris dont elles se sentent parfois coupables, malgré ce sentiment de solitude qui les étreint certains dimanches soir.

Chacune de ces femmes fait comme elle peut pour :

  • sortir de son grand lit vide sans maudire l’univers tout entier (ou le Fabuleux absent);
    respirer un grand coup quand le petit dernier ne dort toujours pas à 21h47 (et qu’il faudra se lever à 6h12 parce que l’aîné a laissé tomber son doudou);
  • garder le moral quand la voiture ne démarre pas et qu’il est 8h17 (alors que la cloche de l’école sonne à 8h30);
  • trouver la motivation pour emmener les enfants se promener sous la pluie un dimanche après-midi tandis que personne n’a pensé à lui faire signe pour occuper cette longue journée marquée par la solitude;
  • ne pas s’endormir en pleurant sur son oreiller parce qu’elle a perdu patience et crié quand elle a découvert la salle de bains inondée et le contenu de sa trousse de maquillage éparpillé sur le sol;

Trois femmes, héroïnes du quotidien.

Ces trois femmes-là, je pourrais tout simplement ne pas m’en sentir proche parce que trop impressionnée par la charge qui est la leur au quotidien. Parce que forcément un peu honteuse de mes “petits” problèmes, de mes frustrations idiotes (au hasard, un Fabuleux qui rentre trop tard le soir).

Mais trois femmes qui osent me raconter leurs défis, leurs coups de déprime, leurs matins difficiles, leurs dimanches soir grisounets, qui osent aussi me confier leurs joies quotidiennes, leurs petites victoires, leurs fiertés anodines (comme d’arriver à l’heure à l’école malgré la pluie et d’avoir mis des bottes à chacun de leurs enfants).

C’est cette authenticité, ce partage en vérité, cet échange sans fard, en un mot, ce courage ordinaire, qui me permet de me sentir proche de chacune d’elles.

Solidaire.

Oui, parce que la perfection ne m’intéresse plus, ne m’attire plus, pas plus que la victimisation ou l’apitoiement sur soi-même. La perfection ne crée aucune solidarité entre femmes, encore moins entre mères : elle ne produit que le venin de la comparaison et de l’épuisement. La victimisation, c’est ce mécanisme qui ne crée pas non plus de solidarité et qui distille en nous ce même venin de la comparaison, en nous faisant dire :

“Chez moi, c’est pire !”

Ensuite, la victimisation nous fait édicter des jugements du type :

“Ma pauvre, c’est affreux tu n’as vraiment pas de chance !”

C’est la phrase que j’ai de plus en plus de mal à entendre et que je m’interdis de dire. Même si le réflexe n’est jamais très loin (tellement plus facile !), cette phrase sonne comme une sentence accablante, mais aussi comme un enfermement dans une posture de victime.

La perfection et la victimisation ont le même résultat : la solitude.

Ce qui m’attire davantage, c’est de pouvoir dire :

“J’entends que c’est difficile, mais je suis sûre que tu vas gérer. Regarde tout ce que tu as déjà accompli !”

“Je suis tellement fière de toi, et toi, est-ce que tu te rends compte à quel point tu es courageuse ?”

Courage, fierté, vulnérabilité, imperfection, défi : j’aimerais que ces mots remplacent définitivement toutes ces phrases que l’on se répète d’abord à soi-même avant qu’elles n’occupent définitivement nos échanges avec les autres femmes :

  • Je devrais / tu devrais / elle devrait
  • Je n’ai pas assez / tu n’as pas assez / elle n’a pas assez
  • Je suis trop / tu es trop / elle est trop
  • Je suis toujours / tu es toujours / elle est toujours

Ces phrases qui, sous couvert de nous permettre de nous situer et de nous pousser à progresser, sonnent le glas de la solidarité. Voilà mon souhait aujourd’hui : arrêtons de nous juger les unes les autres, de nous comparer sans cesse, de jauger nos galères à l’aune des bobos des autres.

Cette comparaison, qui nous inscrit d’emblée dans la compétition de la féminité et de la maternité, est un poison et un mensonge, en ce qu’elle nous donne l’illusion de nous « autoriser » à nous sentir, à nous dire, mais aussi à avancer ou encore à nous arrêter.



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Cet article a été écrit par :
Anna Latron

Journaliste de formation, Anna Latron collabore à plusieurs magazines, sites et radios avant de devenir rédactrice en chef du site Fabuleuses au foyer et collaboratrice d’Hélène Bonhomme au sein du programme de formation continue Le Village. Mariée à son Fabuleux depuis 14 ans, elle est la maman de deux garçons dont l'aîné est atteint d’un trouble du spectre de l’autisme.

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0 réponse sur “Petit éloge de la solidarité”

  1. Raphaellek dit :

    Merci pour ce message! Je suis seule 1 mois sur deux mon mari travaille à l’étranger; combien de fois ai-je entendu « ma pauvre je ne sais pas comment tu y arrives »! Et le dimanche après-midi sous la pluie seule avec ses enfants c’est aussi du vécu de nombreuses fois!!
    Mais avec beaucoup de bienveillance envers soi et à grands renforts de cafés entre copines mamans, on change notre vision de nos quotidiens respectifs, et on apprend à se féliciter de toutes ces petites victoires simples de tous les jours!
    Belle journée à vous toutes chères fabuleuses!

    1. Merci Raphaëlle pour ton retour et ton témoignage : pars du principe que tu es l’une des ces trois Fabuleuses dont je parle, alors 🙂 ! Je ne te dis pas : « Je ne sais comment tu fais », mais je te dis : « Bravo, Raphaëlle, tu es une reine parmi les Fabuleuses ! » Anna

  2. Nathalie Troesch dit :

    Pas évident de ne pas tomber dans ces travers.

    1. Bien sûr ! C’est un travail de longue haleine et qui demande des réajustements…mais n’ayons pas peur de commencer ce combat de la solidarité entre nous en changeant notre discours entre Fabuleuses !

  3. Violaine dit :

    Merci Anna pour cet appel criant à la solidarité pour remplacer la compétition. D’un côté, il y a ce désir des femmes et mamans de donner le meilleur de nous-mêmes en général -et c’est beau!- et de donner le meilleur à nos enfants, ce qui est enraciné dans un amour sans limite pour la chair de notre chair. Et chacune de nous donnerait sa vie pour ses enfants (d’un coup ou minute après minute tout au long de notre vie…et ce n’est pas fini si on vit jusqu’à 100 ans!). D’un autre, il y a ce que Pascal Ide appelle la maladie du don ou burn out. Qui nous fera mourir (physiquement ou psychologiquement) plutôt que de donner cet amour que nous avons en surabondance pour nos petits. Et une des causes de ce burn out peut venir de ces comparaisons qui s’originent dans une maladie sociétale consistant à nous faire croire qu’on n’est jamais assez ceci ou jamais assez cela. Peut-être aussi dans tout ce flot d’informations choisies et triées avec soin que nous recevons ou lisons de nos amies et relations à travers les réseaux sociaux? Le Web est ce qu’il est et nous apporte beaucoup. Mais il est aussi source de nombreux maux dont nous devons apprendre à nous protéger. Il est évident que si nous étions dans un petit hameau de campagne sans internet du tout, sans télé (allez, je la mets aussi dedans car elle peut être un poison), en relations vraies et directes avec une bonne bande copines, nous aurions moins à nous comparer! Alors, oui, merci pour cette belle idée de transformer cette réaction innée (ou presque) de se comparer pour se situer et s’évaluer en processus de solidarité! Nous sommes comme nous sommes, uniques et riches
    de talents variés, de vulnérabilités aussi. Femmes et mères, héroïnes tout court

    1. Merci Violaine pour ta réaction et tes commentaires vraiment riches et inspirants ! Ça me donne plein d’idées pour d’autres textes 🙂 Au sujet de la comparaison « encouragée » par Internet et les réseaux sociaux, j’avais écrit ce texte il y a quelques temps : https://fabuleusesaufoyer.com/jai-encore-perdu-mon-temps-a-me-comparer-sur-instagram/
      Anna

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