Deux mains pour soutenir l’abdomen bronzé. Habituer le petit corps au remous des vagues, donner la confiance suffisante qui lui permettra d’oser les premières brasses.
Deux yeux pour surveiller les pas mal assurés au ras des vagues. Sourire pour encourager ensuite l’escalade de la dune.
Des lèvres pour embrasser le genou blessé par la chute dans les ronces. Remettre en selle pour continuer la balade à vélo dans la fraîcheur du soir.
Ces mains, ces yeux, ces lèvres, je les observe au fil de l’été :
Elles sont marquées de légères taches brunes ; ils sont un peu cachés derrière des lunettes de vue ; elles sont doucement tannées par les années. Ce sont les mains, les yeux et les lèvres de leurs grands-mères, de nos mères, de nos belles-mères, de nos tantes, ou d’inconnues croisées au hasard d’une promenade… Au fil de l’été, je les ai observées. Longuement. Discrètement. Profondément.
Ces femmes qui nous ont vu devenir mères. Quels que soient aujourd’hui nos rapports avec elles, j’aimerais, juste un instant, que l’on enterre la hache de guerre (qu’elle soit infime ou énorme). Que l’on oublie les petites rancœurs, les vexations enfouies et autres remarques mal digérées. Oui, bien sûr, on a parfois du mal à oublier leur maladresse quand elles veulent nous ramener à la maison (« Mais pourquoi tu bosses si c’est si difficile à gérer ? »), nous renvoyer au bureau (« 2 ans de congé parental, tu ne crois pas qu’il serait temps de te remettre à travailler ? ») ou nous signifier leur incompréhension (« Mais pourquoi il n’est pas déjà propre à 18 mois ? »).
Je voudrais mettre en pratique la gratitude…
…à laquelle nous invite si souvent Hélène. La gratitude, ça n’est pas nier ce qui ne va pas comme on le voudrait, c’est mettre en lumière les petites pépites qui sont déjà disponibles aujourd’hui devant nos yeux.
On y va ?
- Merci à leurs grands-mères de nous offrir un moment tranquille à la plage (c’est-à-dire sans passer pour une sirène panée au bout de cinq minutes) en prenant en charge le combo fatidique (plage-douche-dîner) ;
- Merci de nous permettre une soirée en amoureux en restant lire dans une chaise longue tout en prêtant une oreille attentive à leur endormissement ;
- Merci à elles d’accueillir leur belle-fille quelques jours pour lui permettre de souffler en attendant que son Fabuleux revienne de mission à l’autre bout du monde ;
- Merci parce qu’elles lisent sans sourciller la même histoire trois fois de suite, et tous les soirs des vacances s’il le faut ;
- Merci à leurs grands-mères parce qu’elles se lancent dans un grand atelier confitures sans êtres d’avance découragées par l’ampleur de la tache (et parce qu’elles leur laissent lécher la cuillère – et mettre les doigts dans le pot – tout en faisant mine de ne rien voir) ;
- Merci parce qu’elles ont la patience de leur tricoter des petits gilets qui ne pelucheront pas au premier lavage ;
- Merci à leurs grand-mères parce qu’elles les prennent en charge pendant les vacances scolaires, tout en gérant le vieillissement de leurs propres parents ;
- Merci pour les vacances passées chez elles malgré des horaires un peu trop stricts ou, au contraire, pas assez ;
- Merci pour les conversations à mi-voix quand les enfants dorment, malgré d’inévitables incompréhensions ;
- Merci pour les siestes rendues possibles grâce à leur disponibilité, malgré ce qu’elles peuvent en penser et qu’elles nous font parfois comprendre ;
- Merci pour l’amour dont elles entourent nos enfants, malgré les surplus de bonbons, les tours de manèges trop nombreux ou, au contraire, malgré une sévérité d’un autre âge.
Leurs grands-mères ne seront jamais parfaites,
c’est-à-dire sans jugements, sans arrière-pensées, sans défauts. Et tant mieux, sinon, notre premier réflexe serait de nous comparer – encore plus – à elles. Mais elles sont, elles aussi, et à leur manière, Fabuleuses. Et nous pourrions être reconnaissantes pour cela, tout simplement.