Petite leçon de stoïcisme pour être heureuse par tous les temps
Ma journée est remplie de contrariétés qui, comme une tache d’encre sur un buvard, deviennent progressivement une insatisfaction profonde, infusant lentement mais sûrement un sentiment de frustration ou de colère. Je passe mon temps à râler ou à carrément m’insurger contre ce qui ne me paraît pas normal.
J’habite dans un pays où les automobilistes se garent n’importe comment, pourvu qu’ils trouvent de la place. Presque chaque matin, quand j’emmène mes enfants à l’école, je râle et je me mets la plupart du temps carrément en colère : il y a toujours un automobiliste en double file qui nous oblige à nous faufiler dangereusement entre les voitures. Ou bien une moto qui s’est carrément garée sur le passage piéton qui m’empêche tout simplement de descendre du trottoir avec ma poussette. Combien de fois ai-je dû la porter à bout de bras au-dessus d’un capot pour pouvoir continuer mon chemin ?
Un jour comme tous les autres, je râlais sur ces p*** de voiture qui me pourrissaient la vie, en présence de ma belle-sœur. Elle m’a observée, et elle m’a simplement dit que, de toutes les manières, je n’allais pas changer la conduite des automobilistes en m’énervant sur eux. Cette phrase toute simple m’a fait un électro-choc. J’ai eu l’impression de recevoir le Manuel d’Epictète en pleine poire. Voici un résumé de ses idées toujours aussi lumineuses (celles d’Epictète, pas celles de ma belle-sœur qui est au demeurant stoïcienne dans l’âme et fort lumineuse elle aussi).
1. Distingue ce qui dépend de toi et ce qui n’en dépend pas.
Le Manuel, c’est un livre qui date un peu (il a été écrit il y a deux mille ans…), mais il conserve une étonnante actualité. Tous les préceptes qu’il faut sans cesse garder en tête si l’on veut être heureux y sont condensés. Pour Epictète, le cœur de la recette du bonheur réside dans notre capacité à distinguer ce qui dépend de nous de ce qui ne dépend pas de nous, pour cesser de nous pourrir la vie avec ce sur quoi nous n’avons aucune prise. Les premiers mots du Manuel sont une vraie claque :
« De toutes les choses du monde, les unes dépendant de nous, les autres n’en dépendent pas. Celles qui en dépendent sont nos opinions, nos mouvements, nos désirs, nos inclinaisons, nos aversions ; en un mot toutes nos actions ». Mais pas le reste : la météo, la qualité des trottoirs, la gastro de mes enfants…
2. Cesse de râler sur ce qui ne dépend pas de toi…
Epictète nous invite à tracer une ligne entre ce sur quoi je peux agir et ce sur quoi je ne peux pas agir. Pourquoi ?
- Parce que m’insurger sur ce qui ne dépend pas de moi est fondamentalement inutile : mon agacement voire ma colère n’auront aucune influence sur ces circonstances désagréables puisque par définition, elles ne dépendant pas de moi.
- Parce que je vais me rendre malheureuse. C’est la confusion que j’ai faite avec les voitures mal garées : j’ai fulminé, levé les essuie-glace, collé des stickers sur leur pare-brise. Je me suis pris le chou avec les automobilistes et j’ai même appris plein d’insultes en grec (si, si !). Mais quand j’ai appliqué cette distinction géniale de ce qui dépend de moi/ce qui ne dépend pas de moi, je me suis rendu compte que la cause de mon mécontentement, c’était moi-même. Le malheur vient la plupart du temps de ce que nous n’avons pas clairement cette distinction à l’esprit.
Écoutons encore Epictète :
« Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les opinions qu’ils en ont. […] Lors donc que nous sommes contrariés, troublés ou tristes, n’en accusons point d’autres que nous-mêmes, c’est-à-dire nos opinions ».
3. Change ton regard sur ce que tu ne peux changer
Il ne s’agit pas de faussement positiver en se disant que c’est « normal », ou que c’est « bien » que les enfants laissent des Legos partout, ou qu’il pleuve, ou que la voiture soit en panne, ou que mes enfants soient dyslexiques. Mais il s’agit de se concentrer sur ce qui peut être changé et d’être dans une forme d’acceptation de ce qui ne peut pas l’être. C’est ce que les stoïciens appellent le « consentement » à ce qui m’arrive. Se mettre en colère contre mon téléphone cassé, ou ce bus qui n’avance pas, cela ne sert non seulement à rien, mais qui plus est, cela me rend malheureuse. Puisque cela ne dépend pas de moi, il me faut y consentir. Il y a des travaux dans le bas de mon immeuble qui me percent les tympans ainsi que ceux de mon bébé depuis 8 h ce matin… Râler contre ceux qui ont l’idée de rénover leur appartement ne sert à rien. Et c’est le fait de pester contre cette situation qui me rend malheureuse.
Quand quelque chose me contrarie et ne dépend pas de moi, alors « ce qui dépend de toi, c’est d’accepter ou non ce qui ne dépend pas de toi », nous dit le grand Marc-Aurèle, qui en plus d’être à la tête de l’Empire romain, était stoïcien à ses heures perdues.
4. Ce qui dépend de toi et te rend malheureuse, change-le !
Consentir à ce qui m’arrive, cela ne veut pas dire que je dois rester assise sur mon canapé à attendre que le temps passe. Car lorsque les choses dépendent de moi, il me faut les changer et passer à l’action. Ce qui entre dans la case « ce qui dépend de moi », ce qui me frustre, me met en colère ou me rend malheureuse, il faut que je le fasse changer, même petit à petit. Je n’en peux plus d’être bordélique ? Je peux me réorganiser, lire Marie Kondo ou même me faire aider. Je n’en peux plus de crier sur mes enfants ? Je peux m’inscrire au Mail du matin ou rejoindre le Village…
Cette distinction entre ce qui dépend de moi et ce qui n’en dépend pas est vraiment toute bête, mais elle peut avoir un immense impact sur ta vie. Tu sens une émotion négative qui vient te submerger ? Demande-toi tout de suite si la situation qui te cause cette frustration dépend ou non de toi. Si oui, change-la. Si non, change ton regard sur elle.
En bref, le stoïcisme nous apprend que le bonheur est à chercher dans ce qui dépend de nous. Et ce qui dépend de nous, ce sont nos émotions, nos jugements sur les choses. C’est cela qu’il faut faire changer, pour être heureuse maintenant.
Et toi chère Fabuleuse, arrives-tu à changer ce qui dépend de toi et te cause du mécontentement ?
Ou arrives-tu à te faire aider pour y arriver ? Et arrives-tu à neutraliser ton mécontentement quand cette situation ne dépend pas de toi ? Essaye ! Ça change vraiment la vie. Et si les voitures ne se garent pas mieux autour de chez moi, je marche plus gaiement, cela ne m’atteint plus. Car cela ne dépend pas de moi ; et ce qui dépend de moi, c’est de l’accepter ou non !