Réveillée en pleine nuit par un énième appel de mon enfant, j’ai le cœur lourd.
Je l’aime par-dessus tout depuis 4 ans maintenant. Il est l’être le plus fantastique au monde, c’est une certitude.
Mais.
Parfois.
Souvent, je me dis… que je n’étais pas faite pour ça.
Pas faite pour la patience immense, pour les réveils nocturnes, pour la tolérance aux crises, aux colères, aux pleurs et aux insomnies. Pas faite pour l’accompagnement stoïque des tempêtes émotionnelles, pour la sagesse éducative, pour la présence, l’accueil et l’écoute absolue, pour l’attention totale. Ni pour la fatigue, la grande, l’immense fatigue, celle qui terrasse et emporte tout, celle qui fait vaciller, sombrer, voir tout en noir.
Pour les nuits sans sommeil. Tellement de nuits sans sommeil. Pour la solitude, l’isolement, l’accueil de la vie seuls, la maternance sans village, sans tribu, sans société commune autour de l’enfantement. Sans appui, ni soutiens, ni relais véritables, multiples et pluriels, auprès des jeunes parents. Sans vrai congé paternité, sans vrai partage des charges physiques, mentales, relationnelles, émotionnelles. Sans prise en compte du fragile, de l’incertain, de l’instable et de l’ambivalent, des corps fatigués et douloureux, des amours impactées, des couples fragilisés. Sans répit, ni pitié.
Je n’étais pas faite pour ça.
On traverse malgré tout, et moi comme je peux, avec qui je suis, mon histoire, mes forces et mes blessures, mon âme et mon corps changeant, ce que j’ai et ce que je n’ai pas. Un jour quelqu’un m’a dit, quand je cherchais une oreille, une épaule dans le noir : « Tu n’étais pas prête pour ça ». J’ai fissuré.
Et si c’était le monde ? Oui, le monde autour de moi, autour de nous, qui n’était pas prêt, qui n’était en rien fait pour cela ? Pour l’accueil de la vie avec moi, avec nous ?
Mon enfant, je l’aime à l’infini, inconditionnellement. Mais.
Désolée mon amour, non, il n’y en aura pas d’autres.
Ni dans nos vies telles qu’elles sont, aujourd’hui, ici et maintenant, ni tant que rien ne bouge. Tant que le marche ou crève, tant que les « tu l’as voulu », tant que « paye des gens pour… », tant que « regarde, les autres, eux, ils… », tant que les nuits sans sommeil, tant que la solitude immense des sociétés « modernes », « évoluées », « à la pointe de.. », tant que les pressions sociales et les vides politiques, tant que la compétition des corps et des genres, des éducations, des vies et des réussites, tant que les « maternités » sans accompagnement profond, aux parts sombres, aux parts d’ombres, tant que les mensonges systémiques d’un tel « grand bonheur » si « naturel », nous égarent.
Dans ce brouhaha infernal, moi je n’entends plus rien.
Je n’étais pas faite pour ça, le monde tout autour n’est pas fait pour ça, pour la vie, comme pour la mort, dé-ritualisée, désaccompagnée, dans nos sociétés aseptisées, inadaptées, anesthésiées, individualisées, coupées de tout ce qui fait le vivant.
Dans le parcours de nos vies, je serai parfois perdue à nouveau, cherchant mon endroit, mon refuge, ma maison, inventant nos tribus, en quête de nos places justes, ou bien de voies d’issue dans cet univers bancal, malade et mal foutu.
Mais quoiqu’il en soit et quoiqu’il advienne, hier comme demain, même si je n’étais pas faite pour, je t’aime mon ange, nous t’aimons à l’infini et à chaque instant. Mon enfant.
Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Leïla.