Lettre d’un Fabuleux aux Fabuleuses - Fabuleuses Au Foyer
Travail & foyer

Lettre d’un Fabuleux aux Fabuleuses

Anna Latron 17 décembre 2020
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Nicolas est un Fabuleux pur jus. Père de 3 enfants entre 19 et 13 ans, ce dynamique quinquagénaire est abonné au mail du matin.

« Ça a commencé par ma femme : c’est grâce à elle que j’ai découvert les Fabuleuses ! »

Mais surtout, Nicolas est homme au foyer.

« C’est parti d’une décision avec mon épouse il y a quelques années; j’étais formateur indépendant. Je travaillais beaucoup mais les revenus arrivaient de façon trop épisodique, avec trop de décalage. Ma femme a trouvé du travail en Suisse, à deux heures de route de la maison. Nous avons donc dû prendre une décision pour notre famille : je suis resté au foyer. »

Il avoue que cette décision ne fut pas forcément facile à vivre au départ. «Je me suis pris des claques : toutes ces choses que je pensais qui prenaient 10 minutes prenaient en fait des heures. Avant, quand je travaillais à l’extérieur du foyer, je rentrais le soir en me demandant ce qu’elle avait fait. Parfois, je me disais : elle a passé toute la journée à boire des cafés avec ses copines ! Au départ, quand ma femme rentrait du boulot, je m’excusais de ne pas avoir beaucoup avancé… et ça la faisait rire ! »

Voilà comment le couple a défini son rôle au sein du foyer : c’est lui qui a la responsabilité. 

« Avant, quand je préparais un repas, j’ouvrais le frigo et je préparais ce que ma femme avait acheté. Aujourd’hui, c’est moi qui organise, qui prévois les repas, qui fais les courses. »

Autre changement qui fut compliqué pour le nouveau père au foyer : changer d’activité toutes les 10 minutes. « Dans mon travail, je n’avais aucune autre préoccupation que celle de dérouler mon plan. À la maison, il faut changer d’activité tout le temps et comme je suis perfectionniste, ce fut compliqué ! Il faut faire un travail dans sa tête pour accepter qu’il y aura toujours un peu de foutoir quelque part. »

C’est le regard extérieur qui fut le plus compliqué à gérer : « Je me demandais ce que les autres pouvaient penser de mon foyer ! Je me justifiais beaucoup, je n’étais pas encore assez au clair sur mon rôle. »

Aujourd’hui, il est un fervent admirateur de tout le travail accompli dans le secret des foyers et qui reste encore peu reconnu. « Ce que vous développez dans les Fabuleuses, c’est tellement vrai ! Je pense qu’il y a encore du travail pour reconnaître l’importance et le poids de ce rôle au foyer. »

Il le reconnaît sans ambages : « L’épanouissement à la maison n’est pas arrivé du jour au lendemain. Au début, j’ai fait beaucoup de bénévolat, pour être “valable”. Et puis j’ai cheminé, échangé, lu les Fabuleuses aussi… Maintenant, je suis à la maison et j’y suis à 100%, pas un pied à l’extérieur ! »

Pourtant, il souligne qu’un homme qui ne travaille pas n’est pas bien vu.

« La première question que l’on pose à un homme, c’est : “qu’est-ce que tu fais dans la vie ?” La première question que l’on pose à une femme, c’est : “tu as combien d’enfants ?” »

Les fruits de cette présence à 100% dans son foyer ? Profiter d’une relation très proche avec ses enfants — « Ils peuvent me parler de leur journée quand ils rentrent. C’est un vrai petit moment de bonheur partagé ! » — et avec sa femme. « Nous avons trouvé un équilibre. Sur son trajet du retour, on s’appelle ; ainsi, quand elle arrive à la maison, on a déjà échangé sur notre journée. Tout le monde n’a pas cette chance, c’est évident. Je suis profondément reconnaissant de pouvoir vivre cela. Je crois juste que nous avons trouvé ce qui est le meilleur pour le fonctionnement général de notre famille. »

« Cette situation me rend de plus en plus reconnaissant envers les femmes car je comprends mieux — je ne dis pas que je comprends tout — mais je comprends mieux. Je n’étais pas assez reconnaissant envers tout ce que faisait mon épouse. »

Il reconnaît que le renoncement à une carrière professionnelle reste le plus compliqué et le plus long à accepter. « J’ai encore des projets, mais ils sont simplement différés : on verra dans 5 ans quand ma dernière aura 18 ans. Être à la maison, ce n’est pas tout abandonner, c’est ajourner. »

Il y a quelques mois, Nicolas a écrit une lettre sur son blog.

« Écrire m’a permis d’acter ce qui était devenu plus clair sur mon rôle, ma mission. »

Il nous a donné l’autorisation de la reproduire intégralement :


Très chères Fabuleuses,

J’ai beaucoup de respect et de considération pour vous toutes.

Le plus important dans la vie, c’est ce que vous êtes et non ce que vous faites ou ne faites pas !

Il est vrai que la reconnaissance et la valorisation sont souvent absentes du travail à domicile.

Voilà bientôt 6 ans que je suis papa au foyer. C’est une décision que nous avons prise en couple.

Ma Fabuleuse a repris son travail, j’ai quitté le mien. (…)

L’apprentissage n’a pas toujours été facile. Après quelques jours, ma cadette m’a regardé dans les yeux pour me dire : « Papa, tu fais de la nourriture pour chats !!! ».

J’ai dû faire face à d’autres questions :

  • « Tu as lavé mon pantalon ? »
  • « Où sont les papiers signés que je dois ramener à l’école ? »
  • « Le repas n’est pas encore prêt ? »

Autant dire que je n’étais pas préparé à l’aventure ! Jamais je n’avais imaginé que je devrais changer d’activité toutes les 10 minutes.

Pour me donner du courage, je me faisais couler un café mais, débordé par les tâches quotidiennes, quand je revenais à la machine il était froid.

Il fallait tout gérer en même temps :

  • réfléchir aux menus
  • faire la liste des courses
  • passer au supermarché
  • passer l’aspirateur
  • programmer le lave-linge
  • remplir les documents pour l’école
  • couvrir les livres
  • rattraper le retard de repassage
  • accueillir les amis
  • prendre du temps pour aider les enfants dans leurs devoirs

Bon, il faut dire qu’un homme à la maison reçoit plus de soutien. On me plaint un peu ! Belle-maman nous invitait pour manger plus souvent que quand sa fille était à la maison.

Les femmes sont plutôt admiratives. Par contre, mes copains ont du mal à comprendre que je puisse y trouver du plaisir. Ma situation les remet peut-être en question !

Pourtant, c’est le cas. Je suis heureux dans ce que je fais. J’apprécie en particulier la relation forte avec nos trois enfants.

Après tout ce temps, je peux dire que jamais je n’ai été aussi fatigué ! Quand j’avais un travail rémunéré, c’était moins crevant !

Pour mon bien-être relationnel, je me suis engagé comme bénévole dans deux associations.

« Ce sont mes petits sucres » qui me permettent de garder l’équilibre. Mais le danger reste de passer plus de temps dans le bénévolat que dans sa propre maison.

Il est plus valorisant d’être reconnu pour son savoir-faire que de trier les chaussettes ou de prendre la poussière. Je dois me recentrer régulièrement.

Il y a peu, j’ai envisagé reprendre un travail professionnel. J’ai envoyé mon CV. Incroyable, j’ai obtenu un entretien très rapidement pour un poste de formateur. J’ai passé 3 entretiens et j’ai été invité à rencontrer le Directeur Général pour un dernier échange.

Dans mes entretiens, je n’avais pas caché ma situation.

La première question du DG : « Papa au foyer, c’est vrai ce mensonge ? »

J’ai expliqué avec enthousiasme que oui, je suis bien papa au foyer.

Voilà ce que l’on m’a répondu :

« Il faudrait du courage pour le faire ! »

« Je suis aussi papa, et je n’abandonnerais jamais mon travail »

« N’avez-vous pas peur de ne pas retrouver de job ? »

« Vous êtes bien, sans emploi ? »

« Est-ce que vous avez fait un burn-out ? »

« Est-ce que vous arriverez à vous lever le matin ? »

Ma candidature n’a pas été retenue. Mes enfants sont très contents ! Ma place est certainement à la maison, près de mes enfants. (…)

J’ai un travail non-rémunéré, j’avance avec courage, je me lève tous les matins avec bonheur. Je suis heureux.

Je veux le meilleur pour notre famille. Oui, mon rôle actuel est bien de prendre soin de ma Fabuleuse et de mes fabuleux enfants.

Même si le regard extérieur est persistant :

  • « Ce serait quand même bien que tu travailles pour ta retraite »
  • « Un homme a besoin de travailler »

Désolé, chers amis, je poursuis mon engagement à domicile. Je ne soulagerai pas vos préoccupations ! Je suis heureux dans mon rôle de papa au foyer, désolé pour vous !

Très chères Fabuleuses, je commence à comprendre vos préoccupations, vos joies et vos peines.

Je participe à la meilleure formation de ma vie parce qu’elle m’ouvre les yeux.

Vous êtes fabuleuses, n’en doutez plus. Redoublez de courage et profitez de ces instants tellement précieux.

Avec ma profonde considération,

Un papa au foyer



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CHÈRE FABULEUSE
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Cet article a été écrit par :
Anna Latron

Journaliste de formation, Anna Latron collabore à plusieurs magazines, sites et radios avant de devenir rédactrice en chef du site Fabuleuses au foyer et collaboratrice d’Hélène Bonhomme au sein du programme de formation continue Le Village. Mariée à son Fabuleux depuis 14 ans, elle est la maman de deux garçons dont l'aîné est atteint d’un trouble du spectre de l’autisme.

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