L’artiste bordelais F2b s’est récemment approprié un mur de la capitale girondine avec une collage appelant à lutter contre les violences faites aux femmes. Ses Pin Up et ses Divines pop appellent à revoir le regard porté sur la femme objet. Interview à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes.
Pourquoi avoir comme source d’inspiration les femmes, leur corps, leur visage ?
F2b : C’est une bonne question ! Je me sens à l’aise au milieu des femmes. Je viens de la publicité. J’ai travaillé plusieurs années dans une agence, j’étais le seul homme de l’équipe. J’ai adoré y travailler. Je pense que mon histoire personnelle, le fait que j’ai été élevé dans un milieu quasiment exclusivement féminin, joue aussi énormément dans le regard que je pose sur les femmes.
Pour moi, la femme est une muse, la Femme avec un grand « F ». Mes réalisations ne sont jamais vulgaires, je recherche l’esthétique. Mes « Divines » je les vois comme des icônes, elles ont un regard de Madone. Un regard de femme, même en colère, ne sera jamais agressif, contrairement à celui d’un homme. Et c e regard fera passer tellement de choses. La vie, tu l’attrapes par le regard. J’aime ce que peuvent raconter certains regards de femmes. C’est tellement fort.
Pourquoi cette fascination pour l’univers des Pin Up ?
F2b : À partir des années 1950 dans la publicité, le corps de femme — la femme tout court — a servi à vendre tout et n’importe quoi. C’est en quelque sorte une marque de fabrique de la publicité du XXe siècle. La société de consommation a fait tout vendre à la femme. Puis, les années 1980 ont vu grossir les logos. J’ai eu envie de pousser les choses à l’extrême en habillant le corps des femmes de logo de marques, Coca, Shell, McDo, Adidas, Shell…. Mon objectif premier, avec ces « Brand Babes », n’était pas une critique virulente de la société de consommation. Mais juste un constat de l’utilisation, de la présence des femmes dans la publicité. Mon idée première était une recherche esthétique, mêlée à une ambiance Pop Art, inspirée du travail de Mel Ramos.
Que vouliez-vous transmettre avec votre oeuvre sur les violences faites aux femmes ?
Je ne suis pas un militant, mais je me sens légitime pour aborder ce sujet car la femme est ma muse, ma source d’inspiration. En ce qui concerne mon collage sur les violences faites aux femmes, d’abord, je ne comprends pas les violences faites aux femmes. Ensuite, mon sujet principal étant la femme, et comme on voyait apparaître des collages pour dire stop à ces violences, je me suis dis qu’il fallait que j’exprime mon soutien aux femmes à travers l’un de mes collages. Je trouve ça tellement inconcevable qu’au XXIe siècle, des mecs cognent encore leur femme.
À mes yeux, la violence faite aux femmes est un archaïsme social. L’éducation est importante : je suis père d’un garçon et d’une fille, je n’ai pas fait de différence dans la façon de les élever. C’était important. Quand ma fille me parle de passer son permis poids lourd, je trouve ça chouette. Je pense que le regard de papa aimant et attentif qu’on pose sur sa fille est fondamental pour qu’elle devienne une femme confiante et bien dans ses baskets. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire. Dans la société, il y a encore des secteurs d’activités où les femmes ne sont pas respectées, ou déconsidérées professionnellement, juste parce qu’elles sont des femmes.
Pourquoi avoir choisi de vous exprimer au travers du Street Art ?
Le Street Art est pour moi l’occasion de toucher un autre public que celui des galeries où j’expose habituellement. C’est une façon de faire découvrir mon univers au plus grand nombre. J’ai fait des belles rencontres via les réseaux sociaux grâce au Street Art. Les gens photographient mes œuvres, me taguent. Ils s’approprient mon message. C’est nouveau pour moi, ce type de relations. De plus, c’est de l’art éphémère, puisque je fais des collages papier. C’est intéressant de voir l’usure du temps sur le papier. C’est un matériau différent de ce que je peux faire quand je travaille, par exemple, à partir de bidons d’essence La crise du Covid m’a aussi incité à faire évoluer mon travail. Je n’avais plus d’exposition, les galeries étaient fermées. Au départ, le Street Art a été comme une bouée de sauvetage, vu ce que l’on vit en ce moment.