Les (fameux) pleurs de l’école - Fabuleuses Au Foyer
Vie de famille

Les (fameux) pleurs de l’école

Anna Latron 6 septembre 2019
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« Non, maman, pas travailler ! »

Je m’accroupis pour le serrer dans mes bras et l’embrasser dans le cou. Un long câlin qui ne le calme pas, bien au contraire. Le voilà désormais agrippé à moi. Ses larmes coulent le long de ses joues rebondies. Après lui avoir bien expliqué que « maman revient bientôt » et qu’il va bien s’amuser avec ses copains, je lui adresse un dernier au revoir de la main, envoie un bisou en l’air et tente de m’éloigner. Peine perdue : il me court après jusque dans l’escalier.

Depuis maintenant une semaine, cette scène se reproduit chaque matin.

Je dois me rendre à l’évidence :

malgré ce que j’avais imaginé, cette première rentrée à l’école est une épreuve pour Numérobis. Alors que je le sentais fort, petit garçon indépendant et fonceur, son entrée en petite section révèle un enfant émotif et qui a du mal à quitter ses parents. Car la scène de séparation avec son Fabuleux papa fut la même le matin où il l’a emmené à l’école.

Tout a commencé le premier jour. J’attendais, tranquille et détendue, devant la porte de la classe, sûre de retrouver un enfant enthousiasmé par sa première journée d’école, quand une maman s’est adressée à moi :

Elle : C’est vous, la maman du petit blond ?

Moi (« Chouette, je vais me faire une copine !!! ») : Oui, il s’appelle Aymeric !

Elle : Oh le pauvre, quand je suis venue récupérer la mienne à déjeuner, je l’ai vu pleurer… Il était inconsolable !

Moi : …

C’est alors que les portes se sont ouvertes, révélant le visage dévasté de mon loulou. Il avait pleuré plus que les cinq minutes « traditionnelles » du départ de la maman.

Je sens mon cœur se serrer et mon estomac se tordre.

Je me reproche de n’avoir pas anticipé, et surtout de n’avoir pas pu m’organiser pour ne pas travailler les premiers jours suivant la rentrée.

« Tu n’aurais pas pu le récupérer pour le déjeuner ? »,

me souffle une grand-mère à qui, le soir de la rentrée, je dresse le bilan de ce premier jour. Une deuxième bonne couche de culpabilité, c’est tout ce dont j’avais besoin ! Je me vois répondre :

« Non, je ne pouvais vraiment pas, tu penses bien que si j’avais pu, c’est ce que j’aurais fait ! »

Je raccroche avec un arrière-goût de rancune.

Heureusement, mon Fabuleux relativise pour deux.

« Ça va passer ! Dans quelques jours, tout ça sera déjà oublié, ne t’en fais pas. Laissons-lui un peu de temps. »

Je le sais.

Je le sais, mais chaque soir, dans mon lit, le petit vélo de la culpabilité reprend sa course. Culpabilité de ne pas avoir prévu que cela serait si difficile pour lui. Culpabilité de devoir le laisser toute la journée à l’école. Sans relais familial proche, je ne peux demander à personne de le récupérer pour l’après-midi. « Si on fait ça, on va mal l’habituer, ça n’est pas lui rendre service », rétorque mon Fabuleux en mode rationnel et détaché.

Et je me vois dialoguer avec cette « mère coupable » en moi qui a besoin d’être rassurée : on a déjà tout le mercredi ensemble, je ne le laisse pas une seule fois à la garderie.

Conclusion : je fais de mon mieux, je ne suis pas si nulle… Mais quel besoin ai-je de me donner cette légitimité, cette crédibilité ?

  • Ne sais-je pas, au fond de moi, que cette période finira par passer ?
  • Que mon loulou détient en lui-même les ressources pour s’adapter à ce changement ?
  • Que je fais de mon mieux pour l’aider à traverser ce passage difficile ?
  • Et surtout, que je n’ai à me sentir coupable de rien, à ne me sentir culpabilisée par rien, ni par les remarques (le plus souvent bien intentionnées), ni par les regards quand je fuis la classe malgré les pleurs.

Ce que je sais,

c’est que cette rentrée me fait entrer encore plus dans ma maternité. Elle me fait expérimenter ce que d’autres me confiaient à chaque rentrée et que je considérais « de l’extérieur » – avec certainement un brin de jugement, maintenant que j’y pense -, ne l’ayant pas vécu auparavant.

Car mon aîné n’a jamais pleuré une seule fois en allant à l’école. Ne s’est jamais agrippé à moi pour m’empêcher de quitter la salle de classe. Enfant différent, mon aîné m’a donc fait ce cadeau : il m’a épargnée cette petite épreuve du quotidien. Et mon cadet, en pleurant devant le portail de l’école, me signifie qu’il est bel et bien « lui », que son caractère volontaire et déluré ne l’empêche pas d’avoir besoin de sa maman, malgré ses imperfections, malgré son sentiment de ne jamais être à la hauteur, malgré cette culpabilité qui lui colle à la peau.

Ce matin, alors que j’entends ses pleurs résonner jusque sur le trottoir de l’école, je me sens décidément « plus ».

Plus mère, plus proche de mes amies et copines dont les enfants pleurent ou ont pleuré, mais aussi plus à même de comprendre la douleur de celles dont les enfants pleureront. En un mot, plus humaine.



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Cet article a été écrit par :
Anna Latron

Journaliste de formation, Anna Latron collabore à plusieurs magazines, sites et radios avant de devenir rédactrice en chef du site Fabuleuses au foyer et collaboratrice d’Hélène Bonhomme au sein du programme de formation continue Le Village. Mariée à son Fabuleux depuis 14 ans, elle est la maman de deux garçons dont l'aîné est atteint d’un trouble du spectre de l’autisme.

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