« Équipe gagnante », ai-je écrit la dernière fois ? Pas toujours si simple, la nouvelle implication des pères entraîne un double mouvement :
- Du côté de la mère :
Il faudra qu’elle accepte de laisser des espaces au père.*
* Quand bien même sa propre mère ou belle-mère pourrait lui reprocher de ne pas suffisamment s’occuper des enfants ou d’en laisser trop à son mari** !
** Quand bien même il peut être difficile de lâcher les rênes du foyer. Même 5 minutes !
Vous me suivez ?
Je vous assure : c’est une plainte classique. La génération de nos parents n’encourage pas toujours leurs filles, devenues mères, à lâcher prise – et donc à déléguer – sur ce quotidien bien rempli ou sur les besognes du foyer et des enfants.
Inversement, il arrive que leurs fils, devenus pères, soient à peine confortés dans leur façon de s’engager auprès de leurs compagnes et enfants !
- Du côté du père :
Celui-ci devra apprendre à se saisir de cette place nouvelle à investir… à sa façon ! Loin du regard de sa propre (belle)-mère, ou de son propre (beau)-père, des injonctions de la société ou des demandes pressantes de madame : « Tel magazine a dit que. Tel psychologue a dit que les pères devaient faire ainsi. »
Devenir parent implique parfois de prendre un peu de distance avec la mode éducative ambiante et/ou le modèle familial que chacun aura pu vivre et assimiler pendant son enfance. Il ne s’agit pas de tout rejeter en force, mais de s’approprier le meilleur, de l’adapter à sa façon de vivre et d’apporter sa touche finale. Bref : laisser parler son intuition !
En définitive, ce n’est pas si évident qu’il y paraît !
De la même manière que les femmes protestent pour ne pas devenir « des hommes comme les autres », les pères insistent pour ne pas se convertir en « mères comme les autres » ! C’est de bonne guerre, me direz-vous. Mais c’est aussi et surtout douloureux quand le couple fait l’expérience d’une impossible conciliation : devenir parent, oui, mais lequel des deux ?
« Pas question qu’il cuisine, il fera le repas de secours, c’est-à-dire des pâtes ! » affirme cette femme. « Et quoi ? J’aime bien les pâtes, et les enfants aussi ; pourquoi je m’en priverais ? » s’indigne son homme.
« Laisse-moi être moi ! »
Le cahier des doléances conjugales est bien rempli quand il s’agit de parler de leur façon d’être parent. Cela implique de découvrir chez l’autre une façon différente de fonctionner, une culture personnelle ou familiale originale, parfois étonnante ou folklorique, et que l’on ne voudrait pas voir chez soi ou transmettre aux enfants.
Car pour grandir, les enfants ont besoin du regard de leurs deux parents. Deux univers. Deux ensembles de racines identitaires. Riches et complémentaires. Même si les parents ne sont plus ensemble.
Sans le vouloir, il arrive que certaines mères découragent les pères à force de réprimandes ou de conseils accablants : « Pas comme ça ! Attention ! N’oublie pas… ! » Les conséquences directes de cette attitude injonctive, pas toujours consciente, sont le désengagement du père auprès de l’enfant ou, au contraire, une crispation des positions.
Le conflit n’est plus très loin. La femme doit alors accepter que le père puisse faire autrement, sans le bousculer, et sans freiner ses initiatives. L’inverse est vrai. La paternité et la maternité sont riches de diversité et chacun l’éprouve à sa manière, selon ses qualités et ses défauts, construisant le lien qui l’unit à l’enfant.
Il faudra des heures de dialogue franc et bienveillant pour exprimer ses appréhensions, ses besoins, ses attentes, à adapter en fonction de la personnalité, des aptitudes, des contraintes horaires de chacun et de la vie de famille.
Il faudra du temps pour accueillir la paternité imparfaite de cet homme, apprendre à l’aimer malgré tout tout en déployant sa maternité à ses côtés…
C’est danser la valse sans se marcher sur les pieds … librement (mais à deux !)