Il y a des moments où la vie de maman résonne avec la vie professionnelle de façon étonnante.
Cela faisait un mois que je m’angoissais au sujet de ma reconversion professionnelle, embourbée dans le marécage de la peur, du manque de confiance en soi et du syndrome de l’imposteur. Et si je n’étais pas compétente ? Et si je ne gagnais pas assez pour vivre ? Et si, et si… Les scenarii catastrophes tournaient en boucle et venaient polluer mon rêve de reconversion.
Seule trêve dans la semaine : le mercredi, mon cerveau est sur pause, je m’occupe de mes deux garçons de 3 et 4 ans. Pour être honnête, j’appréhende parfois cette journée.
Mes deux garçons m’en font un peu (voire franchement) baver.
Et ce qui doit être une journée familiale idyllique se transforme alors en une longue attente, jusqu’à l’heure bénie de la sieste, pendant laquelle je pourrai enfin souffler. Mes enfants ont le don de me faire rêver à des jours heureux et riants en leur compagnie… et celui de transformer mes nerfs en une pelote compacte. Bien souvent, ces moments dont je me suis pourtant réjouie font surgir des profondeurs de mes tripes la terrible maman-dragon.
Ce mercredi de février, le ciel laiteux nous invite à prendre l’air et mon grand a très envie d’essayer son tout nouveau vélo sans roulettes. « Bien sûr mon chéri, justement, nous avons un stade sécurisé avec des pistes en revêtement amortissant à 100 mètres de chez nous. Parfait ! » Nous nous habillons chaudement et nous voilà partis en file indienne sur l’étroit trottoir qui mène au stade. Surveiller deux garçons sur un moyen de locomotion, en étant soi-même à pied, vous en conviendrez : c’est sport.
Le cadet roule en draisienne, l’aîné se perche sur un vélo qu’il ne maîtrise pas du tout, et moi j’avance derrière eux, stressée par la proximité des voitures qui nous frôlent à toute vitesse. C’est à ce moment que mon grand, trop impatient pour attendre d’arriver dans un environnement sécurisé, se met à pédaler. Il vacille dangereusement vers la route toute proche.
Mon cœur sombre dans ma poitrine de le voir s’éloigner de moi,
instable mais déterminé, chancelant sur son petit vélo jaune. Trop tard pour le rattraper, lui courir après ou le retenir. J’ai perdu le contrôle…
Mais il me reste les encouragements.
Je lui crie alors : « Regarde droit devant toi ! Pédale, regarde loin ! Vas-y, tu es le meilleur, tu vas y arriver ! »
Je peux l’imaginer, concentrant toutes ses forces à atteindre le bout de la rue. Moi, je suis terrifiée par les voitures, le sol inégal que la pluie a rendu glissant. Lui, se concentre sur le but à atteindre et sa confiance croît à chaque coup de pédale.
Quand il arrive au bout de la rue, il s’arrête tant bien que mal puis se retourne et me lance, très fier de lui : « T’as vu, Maman ! J’ai réussi et j’ai même pas eu peur ! »
Oui, mon chéri. Et tu aurais réussi même si Maman ne t’avait pas encouragé.
Tu as réussi parce que tu étais prêt, tu te savais capable, tu connaissais ton but.
Alors, tu as regardé ton objectif loin devant et tu t’es lancé. Tu as réussi, grâce à toi tout seul, bravo. Et tu m’as donné une belle leçon.
Ce n’est pas parce que le monde est plein de dangers que nous sommes condamnés à l’échec.
Trouver le courage de surmonter ses peurs, donner un premier coup de pédale, écrire la première ligne sur une page blanche : voilà cette force motrice salutaire qui nous tire vers le haut, vers plus d’épanouissement. Quelle fierté d’en savourer le résultat !
Merci pour la leçon, mon chéri. Maman va faire pareil maintenant. Quand je douterai de moi, de ma capacité à mener à bien mon projet de reconversion, à exercer un nouveau métier, quand je verrai le danger partout, je m’encouragerai avec bienveillance et confiance : « Regarde loin ! Droit devant toi ! Tu vas y arriver ! »