La tanière de mon ado - Fabuleuses Au Foyer
Vie de famille

La tanière de mon ado

ado chambre bazar
Blanche Renard 3 mars 2024
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J’hésite encore à rentrer dans la chambre de mon ado. Tanière est d’ailleurs un mot plus approprié.

On peut ouvrir la porte, mais pas atteindre la fenêtre (si on souhaite ne marcher que sur le sol).

La pièce n’est pas grande, mais chaque mètre carré est exploité. 

Il n’y a pas besoin d’ouvrir l’armoire pour trouver ses habits : déjà portés (car il a enfin compris que le vraiment sale se met dans le panier) ou propres, pliés par mes soins ou en vrac, au choix.

Je me félicite au passage d’avoir acheté pour lui des cahiers avec des couvertures en plastique, suffisamment résistants pour survivre à leur destin de cahiers éparpillés par terre.

Je me surprends à m’inquiéter pour cette photocopie isolée qui a dû s’échapper d’un trieur ou d’une chemise dont l’absence pénalisera sans doute la compréhension d’un chapitre.

J’aperçois au loin deux chaussettes dépareillées :

est-ce le signe que mon tas de chaussettes orphelines va pouvoir diminuer ? Pourrais-je repousser l’achat de nouvelles paires ? Je me réjouis intérieurement de ces binômes reconstitués (un rien m’enchante !).

J’admire sa capacité d’anticipation en découvrant son sac de voyage, utilisé pour les vacances de Noël et pas encore vidé, déjà prêt à servir, au cas où nous partirions en vacances.

Je m’attendris devant sa capacité à rester un joueur de Lego malgré le temps qui passe, en témoignent ces mini-pièces regroupées en différents tas en vue d’une prochaine construction.

Enfin, il y a les livres. Ils sont partout.

Des grands, des petits, des gros, des fins, des mous. Ils tiennent en piles par miracle. Le bac mis à côté de son bureau pour recueillir les emprunts effectués à la médiathèque contient maintenant une paire de chaussures trop petites.

Parfois son père ou moi lui rendons visite. Une petite incursion dans son univers où il nous reçoit en fonction de son humeur, mais toujours touché de ce temps pris pour lui, pas pour vérifier son travail ni lui faire une remarque, juste pour prendre des nouvelles et vivre un moment ensemble. Je crois qu’il aime bien.

Mais d’où vient ce besoin, chez certains adolescents, de « s’organiser » ainsi ?

Un besoin d’occuper son espace.

Un besoin d’occuper son espace à sa façon, avec des exigences qui ne sont pas les miennes.

Un besoin de me montrer qu’il a sa vie, son univers qui n’est plus le mien.

Un esprit peut-être trop préoccupé par le chamboulement intérieur qu’il vit pour dégager l’énergie nécessaire pour ranger.

Certains expliqueront que c’est une régression normale, impliquant un retour à certains stades de la petite enfance.

Ces visites, sans juger l’état de sa chambre, sont l’occasion pour mon Fabuleux et moi de l’écouter et d’accueillir ce qu’il vit, même les conditions qu’il nous propose avec cette chambre en bazar ne sont pas idéales à nos yeux.

C’est lui montrer qu’on l’aime et que notre relation avec lui est plus importante que la tenue de sa chambre.

L’adolescence est une période de bazar dans la tête de mon enfant, et aussi dans son corps : croissance, changements hormonaux… Il a objectivement un surcroît de fatigue à gérer. 

Pour que nos relations soient bonnes, mes exigences doivent être repensées, adaptées. 

Il y a des choses sur lesquelles je ne transige pas, qui me semblent élémentaires pour la vie en commun, le respect de soi, des autres. En revanche, je m’efforce d’être plus souple sur ce qui n’est pas essentiel : une bonne occasion pour moi de prendre du recul pour redéfinir ce qui en fait ou n’en fait pas partie.

Régulièrement, arrive le jour où je trouve qu’il est temps de passer l’aspirateur. Quelle chance que mon fils ne soit pas allergique à la poussière ! (Je m’obstine à positiver.) Pour éviter d’entrer dans cette phase pénible de négociation puis d’ultimatum, nous avons fait un deal et il le respecte : ouf ! Merci, mon fils, tu es un bon gars. Comme je vous l’ai dit plus haut, j’apprends à me réjouir de tout.

En voici les termes : je le laisse gérer sa chambre, travailler sur son lit ou sur un tout petit bout de bureau et lui il met (avec une régularité qui lui est propre) le linge à laver, ouvre les volets le matin et me donne accès au sol quand je le lui demande pour nettoyer. J’essaye de ne pas oublier de le remercier, car je devine bien combien l’effort est grand.

Certains de nos aînés ont eux aussi vécu cette période de « tanière ».

Cela me faisait hurler. Le temps a filé et ils ont évolué : l’une a eu un déclic après le passage dans la chambre (rangée) d’une amie plus âgée. L’autre s’est brusquement mis à ranger après avoir connu le stress d’avoir perdu un devoir (ou bien était-ce la peur du regard d’un ami qui venait pour travailler avec lui un exposé ?).

Une chose est certaine :

plus je leur demandais de ranger, plus ils se sentaient jugés et incompris,

plus ils se renfermaient sur eux et moins ils rangeaient ! D’après eux, je me mêlais de ce qui ne me regardait pas : cette pièce était la seule qui était à eux et dans laquelle ils pouvaient se retrouver.

Quand je me regarde en vérité, je me rends compte que je suis comme mon fils. J’essaye de maintenir chez moi un minimum de rangement, avec un petit coup de stress quand quelqu’un s’annonce : je veux faire bonne figure, car pour moi l’ordre est reposant et plus accueillant. Je déplace alors mon petit tas de foutoir dans un endroit que personne ne voit alors, quitte à le remettre à sa place après.

J’ai moi aussi ce petit coin de bazar rien qu’à moi, dont je suis la seule à connaître le contenu et qui m’est cher.

Parfois je décide de lui trouver une place plus officielle et présentable, de le trier, le faire diminuer, jeter, ranger. Je le fais, mais j’en crée un autre dans la foulée, histoire de dire : ça, c’est à moi ! C’est grave docteur ?

Chère fabuleuse maman d’ado, peut-être vis-tu aussi avec chez toi une pièce dont le contenu t’échappe de plus en plus, à l’image de ton enfant qui prend ses distances pour mieux se trouver et voler de ses propres ailes.

Sa tanière est peut-être fermée à clé tout comme son cœur, pour le moment.

Tu n’as ni la clé ni le bon code pour renouer les fils de la relation. Tu souffres de le voir s’enfermer.

Il sait cependant que ton cœur est ouvert et qu’il peut y trouver toute l’écoute et la présence qu’il espère. 

Je te souhaite de pouvoir tisser avec lui un lien adapté à ce dont il a besoin pour se construire aujourd’hui.

Et surtout, rappelle-toi : tu es fabuleuse !



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Cet article a été écrit par :
Blanche Renard

Maman de 6 enfants et maintenant grand-mère, Blanche est thérapeute, formée à la méthode Vittoz. Consciente des tempêtes émotionnelles que vivent les mamans au quotidien, elle contribue à la communauté des Fabuleuses en leur apportant une écoute active et une réponse bienveillante à leurs emails.

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