Un soir, ma fille de 5 ans et moi n’étions pas d’accord au sujet de qui lui enlèverait ses habits pour aller au bain. Elle, ou moi ? Après plusieurs minutes d’âpres négociations, elle s’est arrêtée, a pris un léger recul et a respiré profondément en fermant les yeux, pile au moment où je lui parlais. À cet instant précis, je me suis dit « ce n’est pas possible !! Elle le fait exprès, là, elle veut absolument me faire sortir de mes gonds ! ».
Puis, j’ai basculé dans l’un de ces moments qui ne durent que quelques secondes, mais pendant lesquels j’ai le temps de penser à tout un tas de choses. Je me suis souvenu d’une technique pour gérer ses émotions que j’avais découverte lors d’une conférence sur la méditation : la pause intérieure.
Pendant l’épineux conflit du bain, mon bébé dragon m’avait tout simplement imitée pour gérer sa colère.
J’aimerais vous parler un peu de ce fabuleux outil qui m’aide quand la pression monte.
La vie de famille est remplie de moments fabuleux, mais… pas que ! Je n’arrive même plus à énumérer tous ces instants de blocage si anodins où je frôle pourtant le désespoir. Tu sais ?
- Quand les enfants sont au petit déjeuner un jour d’école et que l’un d’eux renverse son bol de lait sur ses habits. Il ne te reste que 10 minutes pour caser le brossage de dents et l’habillage avant de monter dans la voiture.
- Quand tout le monde a terminé son dîner sauf ton petit lutin, qui se raconte une histoire avec ses pâtes et ses petits pois. Tu ne sais pas comment c’est possible, mais il y a encore plus à manger dans l’assiette maintenant qu’au début du repas…
- Quand tu proposes plusieurs fois à l’un de tes enfants de venir faire les courses avec toi, qu’il te dit non, et que, finalement, il reste accroché à ta jambe en pleurant, suppliant que tu l’emmènes avec toi, maintenant que son frère s’est proposé pour t’accompagner.
- Quand toute occasion est bonne pour se précipiter et être le premier à être servi à table, ouvrir la porte et s’installer dans la voiture, se laver les mains avant le goûter…
- Quand ton Fabuleux télétravaille et qu’il transforme en un éclair les mignons bambins qui regardaient tranquillement un livre, en sauvageons petits gremlins qui hurlent en sautant à pieds joints sur le canapé. Il achève sa performance sur un dernier regard nonchalant, avant de retourner dans son bureau.
- Quand ton « petit chat » refuse de porter un pantalon… mais oups… aucune alternative possible, parce que les robes sont toutes dans le panier à linge.
Alors quoi ? Tu sors une baguette magique ? Ou bien, quoi ?
Tant pis pour le brossage de dents, les enfants ne mettront ni veste ni chaussures pour aller à l’école, tu retires discrètement quelques pâtes et petits pois pour les faire (enfin) disparaître de l’assiette ? Tu laisses ton enfant (avec ton pantalon) dans l’entrée pour faire tes courses tranquillement, tu fais un nœud entre les enfants pour qu’ils soient toujours ensemble à être le premier, tu retires le canapé de mon salon et tu mets des bouchons d’oreille ? Quant aux habits, sujets de discorde, tant pis… ta fille passera la journée en culotte aujourd’hui.
Tout ceci est très tentant, mais… non. Et, là, c’est l’explosion !
Toi aussi chère Fabuleuse, je suis convaincue que tu as étudié avec soin ces ouvrages sur l’éducation, et toutes ces lectures de développement personnel. Toi aussi, tu aimerais en appliquer les préceptes : poser des limites, accueillir avec sincérité et nommer les émotions de tes bambins, recourir au libre choix, amener les choses de façon ludique, expliquer la situation avec des mots simples, donner des informations, etc.
Si nous en sommes à ce genre de réflexions, c’est qu’en toute sincérité et bonne volonté, nous tentons de nous dépasser. Notre conscience nous murmure d’agir avec retenue, mais notre instinct, lui, lutte pour notre survie (même s’il faut bien le reconnaître, notre vie n’est pas franchement menacée). Il y a cet éclair de chaleur et cette vague de picotements qui parcourent tout notre corps du bout des orteils jusqu’à la pointe des oreilles… Il y aurait presque de la fumée qui en sortirait. Il n’y a bientôt pour unique pilote plus que ta colère, qui demande à s’exprimer.
Ça y est, chère Fabuleuse, tu vois bien le genre de situations auxquelles je fais référence ?
Et si on mettait tout sur pause, un instant ? Si tu parviens à prendre conscience de ces sensations qui te parcourent, tu peux décider de t’arrêter quelques secondes. Tu fermes les yeux pour faire un rapide plongeon à l’intérieur de toi, tu prends une respiration calme et profonde. Mets le film sur pause, et avec tout le détachement dont tu es capable, observe le tsunami de sensations désagréables qui t’envahit. Quelques secondes passent, les sensations désagréables aussi, la pression redescend en zone orange, puis verte.
En bon petit soldat de la résignation, acquise face aux aléas du quotidien avec les enfants, un outil aussi simple me semblait bien trop beau pour être vrai.
Et pourtant, « il suffit » d’appuyer sur le bouton pour mettre sur pause.
On n’arrive pas toujours à attraper la télécommande au bon moment, mais quand on y arrive, on se sent fabuleusement aux commandes.
L’autre soir dans la salle de bain, j’ai finalement pris du recul et une respiration profonde, en écho à la réaction de ma fille. Mettre sur pause n’a pas réglé le conflit qui a encore duré un long moment. En revanche, chacune de nous a pu passer ce cap désagréable, en spectateur un peu distant, sans pleurs ni cris, sans laisser la colère tout balayer. J’avais à nouveau rempli mon réservoir de patience pour reprendre les négociations, en pleine possession de mes capacités. Au prochain désaccord, j’espère parvenir à arrêter le temps, en un clin d’œil, comme un coup de baguette magique qui agirait à l’intérieur de moi.
Et toi, chère Fabuleuse ? Comment fais-tu pour surmonter ces petits blocages et grands moments de désespoir ?
Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Aline.