J’ai oublié de fermer la fenêtre : frayeur, stupeur, bonheur - Fabuleuses Au Foyer
Vie de famille

J’ai oublié de fermer la fenêtre : frayeur, stupeur, bonheur

Marie Chetrit 7 octobre 2019
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Un matin de vacances. Après la chaleur de la nuit, j’ai ouvert toutes les fenêtres pour tenter de faire rentrer un peu de fraîcheur dans l’appartement.

Je suis seule avec mes deux plus jeunes garçons.

Histoire de pouvoir me laver tranquille, je les mets sans états d’âme devant un dessin animé. Je ferme les fenêtres du salon avant de filer sous la douche, 10 petites minutes. En me séchant, j’entends vaguement de loin la musique du dessin animé et leurs petites voix. Ça roule. Encore un petit répit. J’en profite pour regarder mes ongles, quand tout à coup, j’entends la voix de Chaton qui me crie :

« Mamaaan ! Viens voiiiir ! Lapin fait une bêtise ! »

Comme je suis habituée à ce genre de délation, je me contente de répondre :

« Quoiiiii ? »

« Il est debout devant la fenêtre et il veut se pencher ! »

MERDE. Merde merde merde… Ils ont laissé tomber le dessin animé et sont partis jouer dans leur chambre. Et dans leur chambre, J’AI OUBLIÉ DE FERMER LA FENÊTRE…

Pendant que tout cela se déroule dans ma tête, je me rue à poil hors de la salle de bains, aperçois Lapin, juché sur le lit de son frère, les deux mains appuyées sur le rebord de la fenêtre, à demi-penché pour regarder ce qui se passe d’intéressant dans l’immeuble d’en face.

Depuis le 6ème étage.

Je l’empoigne sans ménagement et le dépose sur le tapis, et ferme tout dans la foulée.

Evidemment, je lui aboie dessus qu’on ne se penche jamais à une fenêtre, surtout au 6ème étage. Que s’il tombe, il est mort pour de vrai et pour toujours. J’embrasse Chaton et le remercie de m’avoir prévenue, je serre Lapin contre mon cœur et le ré-engueule un bon coup, puis je lui dis que je l’aime, je respire sa petite tête toute chaude à la bonne odeur moite de bébé, regarde ses grands yeux noirs, la courbe de ses joues, sa petite bouche boudeuse comme à chaque fois que je le gronde, et je lui dis d’une voix rude que c’est vraiment une grosse bêtise. Et je retourne, les jambes flageolantes, dans ma salle de bains.

Dans ma tête défile évidemment le plus catastrophique des scénarios.

Et si je n’avais pas entendu, et si Lapin était passé par la fenêtre, et si Chaton avait essayé de le retenir et avait basculé aussi, et si j’avais retrouvé mes deux enfants dans la cour, à l’état de tomates trop mûres tombées sur le carrelage, et si, et si, et si… ?

Mais aussi, quelle chance incroyable que je sois sortie de la douche à temps, quelle chance incroyable que Chaton, conscient du danger, m’ait prévenue tout de suite, quelle chance incroyable que la durée de mise en danger ait été, en fait, très brève…

De cette mésaventure flippante mais somme toute banale dans une vie de famille, je retire plusieurs enseignements :

L’humilité

Il y a quelques mois, le petit garçon d’un couple de notre entourage est tombé du deuxième étage de leur maison. Il s’en est tiré, fort heureusement. Je me souviens m’être dit :

« Non mais franchement, laisser des gamins jouer près d’une fenêtre, quelle inconscience. Les parents auraient dû vérifier que les fenêtres étaient fermées, ou poser un système de sécurité dessus. Un truc pareil, sûrement que cela ne m’arriverait jamais ! »

Ah ah.

Finalement, je ne suis pas mieux que les autres parents (qu’il m’arrive de juger même si je n’en dis rien). Oui, il peut m’arriver d’être distraite, préoccupée, et de faire une grosse erreur. Non, les parents dont les enfants ont des accidents ne sont pas des loosers indignes qui carburent à la bière dès le matin. C’est un sain rappel de mes limites et de mes faiblesses.

La gratitude pour le caractère miraculeux et fragile de la vie.

Il est arrivé à mes quatre enfants un nombre incalculable de fois de courir un danger, quel qu’il soit. Et pourtant, ils sont toujours là, en bonne santé. C’est totalement insensé ! Comment ne pas être pleine de gratitude pour ce véritable miracle ? Cela m’amène à reconsidérer mes priorités dans ma vie.  Même si j’aimerais être mieux payée, pouvoir partir en vacances au loin, faire du shopping régulièrement, offrir de belles surprises à mon amoureux, le plus important, c’est quand même cela : amener nos enfants, pas trop cabossés physiquement, heureux de vivre et capables de rendre les autres heureux, jusqu’à l’âge adulte. Vivre cela est un immense bonheur, j’en prends encore plus conscience.

La présence à soi-même

Avoir distraitement fermé les fenêtres du salon, sans penser à celle ouverte derrière la porte de leur chambre, me permet de comprendre qu’aucun acte, jamais, ne devrait être réalisé de manière automatique. Je me rends compte qu’habiter pleinement sa vie n’est pas une perte de temps. Au contraire, c’est en étant vraiment présente à moi-même, en agissant en conscience, que j’améliore (et sécurise) mon quotidien, dans toutes ses dimensions.

L’authenticité dans le couple

Mon chéri n’était pas là quand cet incident a eu lieu. Alors, que faire ? Ne rien lui dire (et garder mon statut de meuf qui assure) ou lui dire et risquer une réaction d’effroi, voire un divorce pour incapacité à assumer mes fonctions maternelles ?

Ne rien dire est risqué : les enfants parlent désormais et ont de la mémoire. Ils seraient bien capables de cafter, ces sales petits morveux. Ne rien dire n’est pas très honnête, non plus. Pourquoi est-ce que je tiendrais tellement à être parfaite aux yeux de mon mari, après tout ? Il n’est pas parfait, lui. Et je ne me prive pas de le lui dire.

Après mûre réflexion, j’ai donc pris le risque de lui raconter ce qui s’était passé, dès son retour. Scoop incroyable : il n’a pas demandé le divorce. Il m’aime toujours. Et il ne m’a rien reproché. J’en retire une preuve d’amour et de confiance supplémentaire.

Enfin, que fais-je de cette expérience ?

Est-ce qu’elle me fragilise ou me fait grandir ?

Je me dis que je peux choisir entre deux réactions :

  • Me flageller pour cet incident, me traiter de tous les noms et me noyer dans la culpabilité, cauchemarder en pensant à mon petit ensanglanté en bas de l’immeuble, entretenir ce petit film d’horreur intérieur, qui me pourvoit des sensations fortes. Mouaif… pas très utile, en fait.
  • Ou alors, décider que par chance, il ne s’est rien passé de grave, et que je peux tourner la page et ne pas charger la mule inutilement, mais simplement tirer la leçon de cet événement : je ne suis pas parfaite, mais je suis aimée telle que je suis. Je ne chercherai pas à être plus parfaite, mais simplement à habiter davantage chaque instant, et à éprouver la gratitude pour tout ce qui est sous mes yeux, et que je ne vois, parfois, même plus.

(Et aussi, je fermerai les portes à clé quand les fenêtres sont ouvertes).



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Cet article a été écrit par :
Marie Chetrit

Scientifique de formation et de profession mais littéraire de cœur, Marie Chetrit partage sur son blog de petits textes sur les moments rigolos ou exaspérants de sa vie familiale. Elle et son fabuleux époux ont chacun un grand d’une première union et deux petits diablotins ensemble.
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