Rencontre avec Claire de Saint Lager, jeune femme rayonnante et inspirante, fondatrice du parcours Graine de Femme et de Isha formation, auteur du livre La voie de l’amoureuse*. Le concept ? Aider les femmes à renouer avec leur désir profond. Une « pédagogie du désir » innovante et qui décape, un challenge osé et réussi.
Claire, quelle est l’intuition qui t’a amenée à réfléchir sur le féminin ?
Je me suis toujours interrogée sur la femme. Adolescente, je me posais déjà des questions : que signifie être femme ? La femme a-t-elle une mission spécifique, un rôle particulier ? En 2010, je suis partie au Cambodge avec Enfant du Mékong, en tant que responsable d’un foyer de dix-sept étudiantes. Les femmes du Cambodge ont inspiré cette quête, cette recherche du féminin en moi et dans le monde. À mon retour, j’ai eu l’opportunité de créer Graine de Femme, un parcours pour aider les adolescentes à grandir et mieux se connaître. Ces expériences m’ont forcée à creuser le sujet : comment approfondir la question complexe de la femme et du féminin sans entrer dans une caricature?
À l’issue de tes recherches, qu’as-tu découvert du féminin ?
Il est périlleux de s’aventurer dans la définition de la femme et du féminin sans prendre le risque de les enfermer ! De plus, nous avons tous en nous du féminin et du masculin. L’étude de la symbolique montre que le féminin est rattaché aux valeurs d’intériorité, d’harmonie, de réceptivité, du lien. Or, longtemps, le féminin a été sous-estimé dans notre société occidentale au profit des valeurs masculines, plutôt tournées vers l’extériorité, la rationalité et l’action. Dans ce contexte, comment prendre sa place en tant que femme, de façon positive et assurée de sa propre valeur ? Les femmes ont intégré que le masculin était supérieur, alors qu’il faut penser l’altérité masculin-féminin comme une alliance. Ce n’est pas en singeant les hommes que ces dernières pourront s’épanouir, mais plutôt en découvrant de façon nouvelle ce qui les rend femme, en s’attachant à ces valeurs, en se les appropriant pour ensuite les porter au monde. Il s’agit de rayonner sans être dénaturée. C’est toute la question de notre désir profond et de notre façon de nous y relier. Cela passe par un travail intérieur, un retour sur soi.
Ces valeurs que tu portes, pourquoi penses-tu qu’elles sont importantes pour notre société ?
La valeur de l’intériorité est importante car elle vient nourrir et porter la vie extérieure. Elle unifie les différentes dimensions, intellectuelles, émotionnelles, spirituelles, corporelles, féminines, maternelles, de façon harmonieuse. Notre société est beaucoup dans le « faire », elle veut changer le monde par la force. D’une certaine façon, elle crève d’extériorité. Mais la vraie vie n’est pas là, il ne faut pas confondre le « faire » et l’« être » : il s’agit de revenir à la source pour changer le monde. Dans cette perspective, les femmes doivent croire en elles pour prendre leur place. Elles doivent apporter au monde ce dont on l’a privé depuis bien longtemps, comme tout ce qui s’attache au féminin : l’intériorité, l’harmonie, l’art, le génie, l’intelligence du lien… J’ai l’idée que les femmes peuvent incarner cela de façon privilégiée, chacune à sa manière, avec son visage unique. Nous, les femmes, sommes les porte-paroles du féminin !
Concrètement, que proposes-tu aux femmes qui viennent te voir ?
Les sessions « Isha » offrent un espace pour aider les femmes à se poser et se reconnecter à leur désir profond. Je propose un accompagnement qui allie la tête, le cœur et le corps pour retrouver l’unité. D’une certaine façon, les femmes accouchent d’elles-mêmes par ce processus d’écoute intérieure qui leur permet, non seulement de faire alliance avec elles, mais aussi de rester fidèle à la femme qu’elles sont. Être femme c’est d’abord une expérience. Plutôt que de penser les choix de manière exclusive, l’enjeu pour la femme est de trouver un équilibre qui l’épanouisse. C’est pourquoi j’invite les femmes à se recentrer sur des questions importantes :
« Qui je suis ? »
« Qu’est ce qui m’habite ? »
Il s’agit de prendre conscience des ajustements permanents à vivre afin de m’élancer dans une vie qui me ressemble.
Qu’est-ce qui te marque le plus chez la femme contemporaine ?
Les mouvements féministes ont provoqué un bouleversement dans notre identité. C’était une étape nécessaire. Aujourd’hui, les femmes ont soif d’authenticité, de revenir à leur nature profonde comme si on était allé trop loin. Cette soif me touche : je pense que pour pouvoir donner, les femmes doivent être débordantes. Or, je ne peux pas donner si je ne sais qui je suis.
Peux-tu nous donner une citation qui pourrait nous accompagner tout au long de cette journée ?
« Ne te demande pas ce dont le monde a besoin. Demande-toi ce qui te fait vivre ou te fait agir, parce que ce dont le monde a besoin, c’est d’êtres qui s’éveillent à la vie » Howard Thurman
Claire, quelle est ton « astuce » de Fabuleuse ?
Je me demande ce qui me donne de la joie, et bien souvent, je vais danser ! Il m’arrive aussi de mettre la musique à fond et de me défouler dans mon salon ! J’ai tout autant besoin de profondeur que de légèreté ; aussi, j’essaie de tenir deux en équilibre. Pour cela, mes amies sont vraiment importantes. Elles m’accueillent telle que je suis. Cela signifie que je suis pleinement moi-même quand je parviens à parler de choses importantes tout en sachant en rire.
* La voie de l’amoureuse: Libérer le féminin : désir, intériorité, alliance.
Artège, 284 p., 17,50€.