Hélène Bonhomme, fondatrice du site Fabuleuses au foyer, est aussi chroniqueuse sur LePoint.fr. Enfants, couple, travail, maison… chaque semaine, elle partage ses impressions sur le quotidien des mères au XXIème siècle. Découvrez sa tribune sur le blog des fabuleuses !
Jamais assez à la maison. Jamais assez au travail. Jamais assez ferme, jamais assez douce, jamais assez compétente, jamais assez rentable, jamais assez présente.
J’en ai assez du jamais assez. Je suis un être humain à part entière et, à ce titre, je m’octroie le droit à l’imperfection. Je veux être une femme libre : libre de la honte.
C’est simple : on dirait que les femmes sont nées pour être irréprochables !
Sur tous les plans. Et tout cela naturellement, sans aucun effort ! Il faudrait pas que l’on vous voie suer. Vous devez être naturellement belle, naturellement maternelle, naturellement douée pour diriger, avoir une famille naturellement formidable et une activité naturellement florissante. Soyez irréprochable, mais n’allez pas en faire tout un flan. Quand on est vraiment douée, la perfection coule de source…
Un fléau au féminin
Vous n’avez pas d’enfants : comment ça ? Vous en avez un : attention au syndrome de l’enfant unique ! Vous en avez plus de trois : vous êtes du genre catho ou coureurs d’allocs ? Il y a un grand écart d’âge entre vos enfants : mais enfin qu’attendiez-vous ? Pas assez d’écart : qu’est-ce qui vous a pris ? Vous travaillez hors de chez vous : comment faites-vous pour l’organisation familiale ? Vous ne travaillez pas : mais, enfin, quel exemple donnez-vous à vos filles ?
Ne pas vouloir fonder une famille à tout prix, mais en fonder une quand même.
Travailler quarante heures par semaine, mais cuisiner bio, local et maison. Être une bonne mère, mais ne pas paraître trop préoccupée par sa progéniture. Être tout pour tout le monde, mais savoir prendre soin de soi. Bienvenue au XXIe siècle, sous le règne de la honte maternelle. Ce fléau touche au fond toutes les femmes, même celles qui ne sont pas mères. Sans enfants, vous n’êtes pas accomplie, et il y aura toujours une bonne âme pour vous le rappeler. Avec enfants, vous ne l’êtes pas non plus : votre carrière va en prendre un coup. Pas grave, vous allez compenser ! Voilà ce pour quoi vous avez été programmée : être une mère irréprochable, accomplir un travail irréprochable, sans oublier d’entretenir une maison irréprochable, tout en étant une personne formidablement détendue (et drôle, si possible).
La peste ou le choléra
Si vous faites le choix de rester au foyer, non seulement vous aurez honte pour cause de dévalorisation sociale, mais, en prime, vous aurez honte de ne pas être une assez bonne mère. C’est vrai : si déjà vous êtes au foyer, alors, soyez au moins maternellement parfaite !
« Tant d’années à me morfondre, à me comparer et à culpabiliser parce que je pensais être une mauvaise mère, incapable d’y arriver, raconte Laura. J’avais pourtant fait ce choix de devenir mère au foyer, je devais assumer ! »
« J’ai été au foyer pendant 6 ans », raconte Mireille, 3 enfants, rédactrice en chef. « Ces années ont été marquées par la solitude et un très fort sentiment d’échec pour moi. Quand j’ai repris le travail, j’ai vécu également la solitude, la souffrance de ne pas être là où il fallait quand il le fallait. Il n’était pas bien vu de prendre son mercredi pour s’occuper de sa famille. Mais il n’était pas bien vu non plus d’abandonner ses enfants pour partir en reportage… »
Et si la liberté de la femme commençait par l’acceptation de ce regard interrogateur que l’autre pose sur nous, et du fait qu’il ne puisse pas comprendre nos choix ?