Et s’il n’aimait pas mon cadeau ?  - Fabuleuses Au Foyer
Dans ma tête

Et s’il n’aimait pas mon cadeau ? 

déçu par son cadeau
Rebecca Dernelle-Fischer 18 décembre 2022
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« Et s’il n’aimait pas mon cadeau ? 

Mon thérapeute me regarde attentivement. Il ne dit rien, il veut juste que je continue ma pensée. 

– Et s’il n’aimait pas le cadeau que je lui ai choisi ? Et si je n’avais pas fait les bons cadeaux aux enfants ? Et s’ils étaient déçus ? »

Je vois le visage de mon thérapeute se froncer. Il me dit quelque chose sur le « trop plein de jouets » des enfants. Oui, oui, je sais, mais ce n’est pas la question. J’approfondis :

– Ce n’est ni une question de prix, ni une question de quantité. C’est une question de choix. Ai-je trouvé pour chacun d’eux un cadeau qui leur dit « je te connais si bien que j’ai trouvé une super surprise pour toi, quelque chose qui te montre combien tu es important à mes yeux, combien je t’aime » ?

Mon interlocuteur siffle entre les dents :

– Quelle pression, Rebecca ! Tu as peur de quoi, au fond ? 

J’ai horreur de ces moments, lorsque mon thérapeute met le doigt sur quelques mots qu’il trouve importants. Il insiste :

– Qu’est-ce que tu ressens ? 

Je m’essaye à répondre honnêtement : 

– Je ressens, je ressens… de la peur ! Je veux tellement que chaque Noël soit inoubliable, beau, familial, chaleureux, unique, que je transforme mon mois de décembre en une myriade de listes qui rythment mes jours et meublent mes insomnies. 

– Comme un baudet qui porte trop de paquets ?

– Oui, c’est ça. Je m’impose des buts inatteignables. 

Il me fait signe de continuer ma pensée. 

J’ai peur de ne pas leur montrer assez bien que je les aime. S’il n’aime pas son cadeau, peut-être qu’il sera déçu du cadeau, mais surtout de moi. Peut-être qu’il ne comprendra pas. 

– Qu’il ne comprendra pas quoi ? 

Purée, il m’énerve à vouloir aller au bout des choses. Je m’échauffe un peu :

– Que je les aime, que je m’occupe bien d’eux, qu’ils peuvent me faire confiance… Que je peux les rendre heureux.

Regard triomphant de mon thérapeute qui rugit :

– HAHA !

Oui, je l’ai dit : je veux les rendre heureux.

À Noël, j’essaye de tout faire pour rendre ma famille, mes amis, heureux ! En le formulant de nouveau, je m’affaisse. Je sais bien que ce n’est pas possible. Que le bonheur des autres ne dépend pas de moi. 

Je réfléchis en silence mais mon thérapeute ne lâche pas si facilement :

– Et si tu échoues Rebecca ? 

– Peut-être qu’ils ne m’aimeront plus autant.

Je murmure ces mots, tête baissée. Echec et mat. 

J’y suis. Mon « et s’il n’aime pas son cadeau » est traduit.

Au plus profond de moi, l’inquiétude me taraude : et si c’était moi qu’il n’aimait plus, n’aimait pas, aimait moins qu’avant ? Et si je décevais tout le monde ? Et si c’était moi, le cadeau raté qu’on ouvre en pensant ‘zut’ et devant lequel on dit avec un sourire forcé :

– Ahhhh, ohhhh, mmmmhh… Voyons, voyons, quel cadeau… intéressant.

La pensée enfouie a pris forme dans la pièce, la couverture est levée et mon stress de Noël me crie dans les oreilles :

– C’est peut-être toi, le cadeau raté, à rendre, à remplacer !

Je sursaute et cette fois, c’est moi qui murmure : 

– Ohlala, quelle pression !

Mon thérapeute sourit gentiment.

Voir les choses et dire les mots, c’est déjà commencer à soigner, à guérir, à changer. 

Ce dialogue, je le tire d’un échange avec mon psy qui date de l’an dernier. J’aimerais t’écrire que, depuis, tout a changé et que, cette année, je ne fais pas le baudet, que je vis un mois de décembre super relax, sans me laisser tyranniser par mes listes. Ce serait te mentir et embellir la réalité. Mais, j’avoue, je n’en suis plus au même point que l’année dernière : je travaille les fondements. 

Comment ? 

  • En acceptant mes limites. 

  • En communiquant mes craintes. 

  • En laissant les autres prendre leur place et faire leur part des choses. 

Accepter mes limites, c’est reconnaître que le mois de décembre est un mois particulier pour mon pasteur de mari : quand mes filles commencent leurs vacances, lui, travaille intensément. C’est le moment pour moi de m’adapter et de ne pas surcharger ma liste de rendez-vous et d’obligations. Personne n’a envie que je plombe l’ambiance en imposant à toute la famille de ranger comme des dératés afin que tout soit nickel pour Noël. 

J’ai choisi mon camp : je suis une alliée pour moi-même !

D’ailleurs, j’ai déclaré il y a des semaines déjà « je ne recevrai pas de visite à Noël, cette année». 

Communiquer mes craintes, c’est dire à mon mari et à mes filles :

– J’ai compris que Noël me stresse beaucoup parce que j’ai envie de rendre tout le monde heureux. Cependant, j’ai réalisé que ce n’est pas possible, ni même raisonnable de vouloir cela. Alors voilà, cette année, je vous demande ce qui est important pour vous. Que dois-je réussir absolument pour célébrer Noël, selon vous ? 

Ils rient et confirment que je me stresse trop, puis ils répondent un à un :

  • Emma aimerait choisir le sapin avec nous.
  • Ann-Céline aimerait qu’on prépare une sorte de biscuits de Noël qu’elle aime particulièrement.
  • Pia semble heureuse de la conversation et n’a rien à rajouter.
  • Christoph souhaite juste “que ce ne soit pas stressant”.

Je note, on fait des blagues, je me détends. C’est gérable et je ne suis plus seule avec ma détresse. On est sur la même longueur d’onde.

Laisser les autres faire leur part des choses, c’est pour moi l’un des aspects les plus difficiles.

C’est le lâcher-prise dont j’ai tant horreur. C’est avoir confiance. Avoir confiance en l’autre, en sa capacité à prendre ses responsabilités. C’est avoir la certitude que le lien d’amour tient bon, même quand je ne m’occupe pas de tout. C’est oser être aidée, admirer le succès de l’autre, accueillir ses échecs. C’est savoir que l’amour demeure, au-delà des détails, des décos, des cadeaux. Avoir confiance, c’est laisser la place à la déception, en sachant que le lien est plus fort qu’un cadeau raté. Avoir confiance, c’est relativiser et rire ensemble d’un sapin de travers, d’une mélodie de Noël massacrée, c’est accepter le stress et les peurs des uns et des autres.

Vivre Noël en famille, c’est un peu comme manger une raclette au fromage : à la base, ça pue et ça fait grossir mais, bon sang, que c’est bon !

Alors cette année, s’il n’aime pas mon cadeau, je me blottirai dans ses bras et je lui dirai : 

– Heureusement que tu m’aimes plus que ton cadeau !

Ma chère Fabuleuse, tout le bien que je te souhaite pour ce Noël qui vient, c’est qu’au plus profond de toi, tu saches que ta valeur ne dépend ni de ta déco de Noël, ni des heures passées dans la cuisine, ni des moments de détente devant la télé avec un bon chocolat chaud, ni de ta capacité à fonctionner contre vents et marées. Ta valeur est bien plus profondément ancrée en toi.

Le fait d’être qui tu es suffit amplement. Tu n’es pas un cadeau raté : tu es unique, irremplaçable et aimée. 



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Cet article a été écrit par :
Rebecca Dernelle-Fischer

Psychologue d’origine belge, Rebecca Dernelle-Fischer est installée en Allemagne avec son mari et ses trois filles. Après avoir accompagné de nombreuses personnes handicapées, Rebecca est aujourd’hui la maman adoptive de Pia, une petite fille porteuse de trisomie 21.
https://dernelle-fischer.de/

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