C’est arrivé sans prévenir. Ou plutôt, si. J’avais bien vu quelques signes avant-coureurs : moins de patience avec les enfants, moins de douceur envers mon conjoint, moins d’entrain dans ce quotidien confiné.
Et ce matin, au réveil, cette envie de disparaître sous les draps.
Ne plus entendre les “Maman, qu’est-ce qu’on mange ?”
“Maman, il m’embête !”
“Maman, je m’ennuie !”
Ne plus répéter encore et encore les mêmes phrases et les mêmes gestes.
Une envie que je pensais disparue pour toujours, envolée grâce au travail entrepris, grâce à l’abandon du perfectionnisme, grâce aussi à la force donnée par mon travail au sein de l’équipe des Fabuleuses.
Comme une envie de changer d’air, de pouvoir leur dire : “À ce soir, mes chéris !”
Mais ça n’est pas possible. En ce moment, toutes les journées se ressemblent et j’ai parfois l’impression d’être une protagoniste du film “Un jour sans fin”.
Je le sais bien :
aujourd’hui encore, je vais puiser dans mon réservoir de patience, d’énergie et de créativité.
Leur proposer des activités permettant d’atténuer les disputes.
Les inciter à la curiosité, à l’inventivité.
Alors même que je ne me sens pas au mieux de ma forme et que je suis bien en peine de me montrer curieuse et inventive ^^
Et mon mari me lance, juste avant de disparaître sous la douche : “Tu sais, je crois bien que je pourrais être père au foyer !”
Là, c’est la goutte d’eau.
Oui, car si j’étais juste un peu fatiguée, simplement légèrement lassée de ce quotidien confiné, les choses pourraient se passer à peu près bien.
Mais voilà : LUI, il trouve ça moins dur que moi. Sous-entendu : il ne comprend pas que je puisse me sentir frustrée.
Ce qu’il y a de plus frustrant avec la frustration, c’est de ne pas se sentir comprise dans sa frustration. Le plus douloureux, dans la frustration, c’est le sentiment de solitude qu’il génère. Alors, oui, ce matin, j’ai l’impression :
- d’être la seule au monde à me sentir découragée,
- d’être la seule au monde à souhaiter quelques heures de solitude
- d’être la seule au monde à ne pas “kiffer” ce moment hors du temps avec mes enfants
Et je me sens tellement nulle !
Et j’ai honte, aussi. Eh oui, parce que je trouve ça dur alors que, quelque part, je suis censée “montrer l’exemple” en relevant avec facilité les défis qui sont face à moi.
Voilà. Voilà le noeud du problème que me souffle ma petite voie du jugement, qui, contrairement à moi, est remplie d’énergie ce matin.
Cette petite voie du jugement est terrible, implacable, sans douceur. Elle me met le nez dans mes contradictions, dans ma “vase intérieure”. Elle s’agrippe à tout ce qui pourrait lui passer sous la main pour flatter mon ego perfectionniste.
J’ai beau la connaître, depuis toutes ces années de dialogue interne, j’ai parfois encore du mal à la démasquer assez tôt et surtout à la contredire.
Maintenant que je l’ai démasquée, il ne me reste plus qu’à la contredire.
Et pour cela, je sais exactement quoi faire.
Je dégaine mon téléphone et appelle ma plus vieille amie, celle qui me connaît le mieux et qui – contrairement à mon Fabuleux – est une fille, perfectionniste comme moi, et subit comme moi les assauts répétés de son petit juge intérieur.
Je lui dis que je ne me sens pas franchement Fabuleuse…et que je me sens honteuse, aussi. Je lui confie la litanie des “je devrais” qui tourne en boucle dans mon esprit confiné.
Au fil de la conversation, ma respiration devient plus calme et je me remets à sourire de mes pensées saugrenues.
“Eh oui, ma petite, qu’est-ce que tu voulais prouver ?”
Avec beaucoup de bienveillance, cette amie me rappelle alors que je n’ai rien à prouver. Que je ne suis ni meilleure ni pire qu’une autre. Que je me trouve, comme toutes les mères en ce moment, dans une succession de hauts et de bas. Et que ça n’est pas simple.
En raccrochant, je me fais la réflexion suivante : c’est bien le fait de résister à ces hauts et ces bas qui crée en moi la souffrance. C’est bien le fait de ne pas accepter que je puisse trouver cela difficile qui crée en moi la souffrance. C’est bien le fait de me juger comme n’étant “pas assez” qui crée en moi la souffrance.
C’est alors que je me souviens de ce qui dit Eckhart Tolle sur la souffrance, dans son ouvrage “Le pouvoir du moment présent” :
« On se l’inflige à soi-même aussi longtemps que, à son insu, on laisse le mental prendre le contrôle de sa vie. La souffrance que vous créez dans le présent est toujours une forme de non-acceptation, de résistance inconsciente à ce qui est. Sur le plan de la pensée, la résistance est une forme de jugement. Sur le plan émotionnel, c’est une forme de négativité. L’intensité de la souffrance dépend du degré de résistance au moment présent, et celle-ci, en retour, dépend du degré d’identification au mental. Le mental cherche toujours à nier le moment présent et à s’en échapper. Autrement dit, plus on est identifié à son mental, plus on souffre. »
Alors, j’accepte de vivre cette journée un instant à la fois. J’accepte de ne pas penser à demain. J’accepte de ne devoir, aujourd’hui, fournir aucune preuve de ma capacité à gérer ce confinement à merveille.
Et je dis merci à ma si chère amie.
Chère Fabuleuse, si toi non plus tu ne te sens pas à la hauteur ce matin, je t’en prie : prends ton téléphone et appelle une amie. Une amie suffisamment proche et bienveillante qui t’aidera à contredire les pensées négatives et destructrices que tu peux avoir à ton sujet et qui te rappellera que tu es Fabuleuse…un point c’est tout.