Nombreuses sont les femmes que j’accompagne à se montrer entreprenantes, exigeantes, ambitieuses pour leur vie. Et fatiguées. Elles sont épuisées par toute cette énergie qu’elles dépensent à bâtir leur vie en grand, et dont elles ont la sensation qu’elle se diffuse… à sens unique. Je veux évoquer aujourd’hui une plainte que j’entends souvent chez ces femmes, et qui prend la forme d’un reproche – dit ou non dit – à leur conjoint que je pourrais formuler ainsi :
« C’est toujours moi qui … »
Marjolaine me confie : « C’est toujours moi qui reviens vers lui quand on s’est disputés, j’en ai ras-le-bol, j’aimerais bien qu’il vienne me chercher lui aussi ».
Je comprends, Marjolaine, que tu aies envie que l’on s’occupe de toi. D’autant que ce n’est pas facile pour toi non plus de retourner vers lui : il te faut mettre de côté ton orgueil, trouver un ton à peu près apaisé, et affronter la perspective d’une discussion potentiellement conflictuelle.
Oui, revenir vers lui demande certainement beaucoup de courage. Pour commencer, pourquoi pas t’en féliciter ? Tu as le mérite d’être celle qui relève ses manches pour plonger les mains dans le cambouis. Te reconnaître cette qualité me semble un premier encouragement bien mérité.
Ensuite, si c’est toujours toi qui reviens vers lui après une dispute, c’est sans doute que c’est plus facile pour toi que pour lui.
Sais-tu en quoi ?
- Est-ce ton caractère extraverti, qui te pousse à réfléchir en échangeant avec l’autre, alors que celui, introverti, de ton conjoint, lui rend difficile toute expression hors de son monde intérieur ?
- Est-ce ta capacité à dédramatiser ?
- Est-ce ton grand désir de vivre une relation de couple nourrissante et claire ?
- Est-ce ton sens profond de l’engagement, qui, tel une boussole, te ramène à ce qui vous lie quoiqu’il arrive ?
Cherche ton “moteur”, nomme la qualité ou la valeur qui fait que tu vas vers lui, et aime-la. C’est une force chez toi, c’est une chance pour vous deux.
J’ai vu des femmes comme toi, Marjolaine, apprendre à aimer cette capacité à revenir vers leur conjoint. Et tout occupées à retourner vers lui le cœur ouvert et fières d’elles-mêmes pour cela, elles ne se sont pas rendu compte que l’amertume, la frustration et la rancœur étaient parties faire un tour en arrière-plan. Penses-tu que leur mari l’a senti ? J’en suis convaincue.
Plus d’une fois j’ai reçu, a posteriori, un mot-bijou de ce type dans ma boîte mail :
« Je ne sais pas ce qui se passe, c’est dingue, l’autre jour c’est mon mari qui est revenu vers moi. ».
Ne t’attends pas à ce que ce soit systématique, ne t’attends à rien, d’ailleurs. Mais en t’occupant de toi, tu fais de la place. Place qui pourrait donner envie à l’autre d’en occuper un petit peu plus…
Une autre Fabuleuse écrit : « C’est toujours moi qui ai envie de faire l’amour et qui vais le chercher : j’ai plus de désir que mon mari, et ce n’est pas facile à gérer ».
Chère Fabuleuse,
Qu’avez-vous essayé ensemble pour mieux vous accorder avec vos différences ? Qu’est-ce que ma réponse à Marjolaine t’inspire ? Peux-tu y trouver de quoi faire plus de place, voire créer un appel d’air chez ton mari ? Savez-vous bien chacun ce que l’autre aime en matière de caresses, de nudité, de sensations, de relations ? Qu’est-ce qui est le plus difficile pour chacun de vous dans cette situation ?
En matière de sexe comme en tout, vivre en couple revient à apprendre à danser ensemble. Il est rare de s’accorder complètement, naturellement. Et difficile de s’ouvrir à de nouvelles pratiques, de nouvelles audaces quand on est habitués à danser les mêmes pas depuis des années…
La question du désir est si personnelle qu’elle vaut la peine d’être formulée, à deux d’abord, à trois ensuite. Je pense à un sexologue. C’est un cadeau que je souhaite à tous les couples de s’offrir : ce moment, accompagné par un professionnel, pour re-faire connaissance sur le plan sensuel, pour revisiter l’histoire du couple, le lien de chacun à son corps, pour formuler des fantasmes, pour entendre des mots rassurants, pour déblayer les chemins de son désir. Et vous offrir l’opportunité de vous réconcilier avec vos différences d’expression du désir sexuel.
Enfin, Marion m’écrit :
« C’est toujours moi qui suis en premier plan pour organiser notre vie, pour éduquer nos enfants. Si je ne gère pas tout il ne le fera pas. Il n’exprime rien, j’essaie de l’aider, de lui montrer comment faire et il ne tient pas ses résolutions. Pouvez-vous le recevoir ? ».
Marion, je comprends à te lire que tu ne sais plus quoi faire pour aider ton mari. Pour l’instant, tu gères tout. Cherches-tu à compenser ce que tu estimes être un manque de sa part (manque d’implication, manque d’engagement…)? Si oui, je comprends que tu sois épuisée, et que tu nourrisses de la rancune envers lui.
La première chose est d’évaluer l’hypothèse d’une dépression chez ton conjoint, dans la mesure ou la dépression se manifeste par une absence de désir global. Si ce n’est pas le cas, alors je me demande : que demande ton mari ?
Je comprends combien il doit être frustrant pour toi de voir ton mari éprouver tant de difficulté à trouver sa place dans votre famille. Mais quelle place aspire-t-il à occuper, lui ? Tu ne parles que de la place que tu aimerais le voir occuper. Ce sont deux choses différentes…
“Vouloir pour l’autre” part souvent d’une belle intention :
celle de voir l’autre bouger, s’épanouir. Mais cette posture risque fort de te revenir dans la figure. Car pour bouger, il faut avoir de sacrées motivations. Tu le sais bien, toi qui es en mouvement.
En voulant aider quelqu’un qui ne demande pas vraiment d’aide, ne te risques-tu pas, en mettant ton désir à la place du sien, d’étouffer complètement son désir ?
Il me semble que tu n’as pas à prendre ton mari sur ton dos ni à vouloir à sa place. C’est épuisant et produit sans doute l’effet inverse à ce que tu lui souhaites. Marion, j’entends ton message non comme une demande d’aide de ton mari, mais comme une demande d’aide pour toi.
Et ça tombe bien : à mon sens tu ne peux t’occuper vraiment que de toi-même. Loin de moi l’idée de t’alourdir encore d’une charge. Mais le fait est que la seule personne que tu as sous la main, c’est toi-même. Et le champ des possibilités et découvertes en la matière est immense ! Assez vaste pour que tu commences dès maintenant à te mettre en mouvement vers plus de liberté, plus de légèreté. C’est bien cela que tu cherches, n’est-ce pas ?
Comme à Marjolaine, je te le redis dans l’oreille, Marion, et à toi, Fabuleuse qui me lis et te reconnais dans ces témoignages : la cerise sur le gâteau, c’est qu’en cessant de « vouloir pour lui », en t’occupant de ta part à toi, il y a de fortes chances que tu le voies, alors que tu ne t’y attendras plus, se mettre à bouger, lui aussi.
Derrière chaque plainte en forme de « c’est toujours moi qui », il me semble entendre une petite voix qui chuchote :
« Je ne me sens pas assez aimée de lui »
J’espère t’avoir convaincue que tu as tout en toi pour répondre à cette petite voix toi-même… et que c’est ta réponse à cette petite voix qui laissera fleurir d’autres réponses de ton entourage.
Chercher sa juste place, c’est savoir qui l’on est, et aussi apprendre à laisser la place ouverte autour de soi. Oui, trouver sa place, c’est aussi faire de la place. Aux autres, à un soi plus juste, et à la poésie de la vie !