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Ces étiquettes qui nous collent à la peau

Valérie de Minvielle 8 mars 2020
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« Vilaine maman », « méchant garçon » : laquelle d’entre nous ne s’est jamais sentie mise dans une case à cause d’un jugement de valeur attribué par un autre ? Laquelle d’entre nous n’a jamais enfermé l’autre tout entier dans un de ses gestes ? 

Je vous parle aujourd’hui des étiquettes.

Celles qu’on vous a collées sur le dos dès l’enfance et dont on se sert pour expliquer tous vos comportements : « Elle, c’est la mal-aimée de la famille, il faut toujours qu’elle se fasse remarquer ».

Celles que vous vous collez sur le front et dont vous vérifiez que la colle tient chaque jour en vous répétant :

« J’ai encore crié aujourd’hui, je suis vraiment nulle, nulle, nulle ».

Les étiquettes ont le pouvoir d’attaquer l’ensemble de la personne en la clouant au sol, coupant l’accès que chacun peut avoir à ses ressources et à ses talents.

Les jeunes femmes que j’accompagne ploient toutes sous le poids de ces étiquettes.

Mais souvent, elles n’en sont pas conscientes.

Florence se sent pressurisée par sa belle-famille. Tout le monde insiste auprès d’elle pour passer l’été prochain dans un pays étranger quand elle ne rêve que de simplicité et de facilité, avec ses trois enfants dont l’aîné a 6 ans. Elle voit son mari déchiré entre sa fratrie et ses parents d’un côté, et de l’autre sa femme, qui, seule, affirme ce qu’elle souhaite vraiment. Florence, que j’accompagne depuis quelques mois, sait maintenant reconnaître ce dont elle a besoin et envie. Elle a appris à le dire ou à l’écrire : elle s’affirme et découvre en cela une liberté galvanisante

Un jour, elle me rapporte, dépitée, combien l’insistance de sa belle-famille l’a affectée. Elle me dit :

« Ça m’évoque ce que ma sœur dit de moi. Elle me dit teigneuse. »

J’en suis étonnée.

Bien sûr, ma posture de psychologue et le cadre particulier de nos entrevues ne m’offre qu’une vision très partielle de chaque femme que j’accompagne, mais « teigneuse » est le dernier qualificatif auquel j’aurais pensé pour décrire Florence. 

Je l’interroge sur le contexte dans lequel sa sœur l’a ainsi nommée. Elle me raconte une dispute entre elles deux qui date de l’an dernier. À la suite de cette dispute, Florence est allée demander pardon à sa sœur et lui a signifié son souhait de rediscuter du fond pour trouver un terrain d’entente. Ce à quoi sa sœur a opposé une fin de non-recevoir, assorti d’une bouderie de plusieurs jours. 

J’interroge : « Qui a eu un comportement de teigne ce jour-là ? »

Comment recevoir autrement ces étiquettes qu’on vous applique ? 

Elles donnent parfois à réfléchir sur soi. 

Elles parlent de la relation entre l’autre et vous. 

Et elles disent quelque chose de celui ou celle qui envoie cette étiquette. Oui, l’autre projette en dehors de lui une caractéristique de lui qu’il ne veut pas voir. Il aura tendance à l’identifier chez les autres mais pas chez lui. Carl Gustav Jung appelait cela « l’ombre ». Chacun d’entre nous possédons une part d’ombre – constituée de sentiments, et d’émotions – que nous ne voulons pas voir. En opposition à ce que nous reconnaissons comme sentiments et émotions nous appartenant. 

Florence souffre de n’être pas prise au sérieux, ses désirs étant jugés à travers cette étiquette de teigne comme irrecevables ou abusifs. C’est cela dont elle parle quand elle craint de « passer encore pour la teigne de service »

Si elle comprend que cette étiquette provient peut-être d’un mélange entre son comportement lors de cette dispute et une projection inconsciente de sa sœur elle-même, alors il lui sera beaucoup plus facile de réagir calmement. Et la prochaine fois, d’affirmer ses désirs sans peur d’être vue comme une teigne, sans peur que sa parole soit mal entendue.

Marine me contacte car elle se sent embarquée dans le tourbillon d’une vie qui ne lui permet pas de vivre son essentiel :

« Je trouve que la vie va tellement vite, je ne suis pas la business woman qui voit ses enfants juste le weekend et qui assume. Moi je veux les deux : le rôle de maman et le travail épanouissant, valorisant, enrichissant et qui rapporte de l’argent. Aujourd’hui j’ai le sentiment de courir, partout et tout le temps : à quoi bon ? »

Marine se sent enfermée, elle ne voit pas d’alternative, pas d’entre-deux, pas d’ouverture.

Nous travaillons ensemble depuis deux mois quand elle réalise que, dans son discours intérieur, elle se traite mal :

« Je repère que je me traite de quiche chaque jour. C’est mieux que quand j’étais petite ou je me disais tout le temps à moi-même : “oh, que je suis bête !” »

En creusant ce sujet, Marine se souvient que sa grand-mère la reprenait dans ces cas-là en disant : « Tu n’es pas bête, tu es étourdie ». Ce qui est un pas intéressant : faire une bêtise ne veut pas dire que son auteur est atteint de débilité mentale, mais relève plus du domaine de la maladresse. Intéressant, donc, mais … toujours une étiquette, avec ce « Tu es » qui semble une définition. Et définition, ça sonne comme définitif.

Car enfin, être étourdie ou commettre une étourderie sont deux choses très différentes !

En collant une étiquette sur un enfant ou un adulte « Tu es étourdie » au lieu de « Tu as commis une étourderie », combien de portes lui ferme-t-on ? 

Aujourd’hui, quand elle oublie quelque chose, Marine arrive à se défaire de cette identification entière à sa personne pour revenir à l’action concernée : « Je ne suis ni bête ni étourdie, j’ai fait une erreur, j’ai eu un oubli ». Elle s’en trouve soulagée.

Elle a également compris que ce qui la remue le plus, dans les critiques qu’elle reçoit des autres, ce sont les mots qui réactivent son « scénario d’enfance ». Ces commandes inconscientes que nos parents, ou que la situation familiale ont inscrit en nous. « Sois parfaite » en est une. « Réussis » en est un autre.

Ces scénarios d’enfance nous collent à la peau.

Les propos qui nous remuent le plus sont souvent ceux qui réactivent ces scénarios dont nous voulons nous libérer, pointant du doigt nos imperfections (pour celles dont le scénario était « Sois parfaite ») ou nos échecs (pour le scénario « Réussis »).

Allégée de cette tendance à se définir par ses gestes, et ayant pris un peu de recul par rapport à son scénario d’enfance, Florence et Marine découvrent une liberté et un élan sur lesquels elles vont s’appuyer pour réinventer leur vie

Voulez-vous penser à Marine, la prochaine fois que vous vous traiterez de « mauvaise mère » parce que vous avez crié ? Ou quand vous entendrez votre enfant dire à sa sœur : « Tu es méchante ! » ? 

Et si vous lui répondiez :

« Ce n’est pas ta sœur qui est méchante, c’est ce qu’elle t’a fait à l’instant qui était méchant – ou qui t’a blessé » ? 

Identifier vos étiquettes, celles que d’autres vous ont collées sur le front, celles que vous collez aux autres, c’est apprendre à cultiver un regard bienveillant sur vous-même et sur les autres. C’est cheminer vers une nouvelle façon d’être au monde, plus tranquille, plus sûre, et qui vous permettra de déployer vos ailes.



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Cet article a été écrit par :
Valérie de Minvielle

Psychologue clinicienne, Valérie de Minvielle fonde après 20 ans d'expérience professionnelle "Ma Juste Place", une méthode d’accompagnement personnalisé pour les femmes qui veulent se sentir à leur juste place dans leur vie de couple, en tant que mère, et dans leur vie professionnelle et sociale. Elle est également l'auteur de "Trouver ma juste place - dans le quotidien de 7 femmes inspirantes" paru en janvier 2020 et de "Imparfaite mais heureuse", paru aux éditions Mame en 2023.

https://www.majusteplace.com/

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