Ce corps qui est le mien ou le vôtre… ce corps qui est si différent des images des magazines, des films ou des photos de mode…ce corps qui n’a jamais été élégant mais qui bravement fait son ouvrage, pourquoi ne pas l’aimer ?
C’est un corps marqué par la fragilité,
son histoire s’inscrit sur la peau, des traces restent, indélébiles, mémoire des événements passés : un accident, une maladie, une grossesse, une naissance, un capital génétique qui empêche de se sentir bien… et pourtant, ce corps qui bravement assume la vie, pourquoi ne pas l’aimer ?Il y a bien sûr, ces êtres qui tentent de ressembler aux héros de l’esthétisme général, qui s’emploient à sculpter leur corps, qui l’astreignent à de strictes disciplines, l’enduisent de produits extraordinaires et lui procurent des séances de soin prodigieuses…
Mais le mien, ce corps qui ne possède :
- ni la silhouette,
- ni le grain de peau,
- ni la couleur de cheveux,
- ni le tonus musculaire,
- ni l’agilité,
- ni la capacité respiratoire,
- ni la robustesse du système immunitaire,
- ni la finesse des traits…
ce corps qui bravement résiste et s’emploie à me dire que la vie vaut le coup d’être vécue, pourquoi ne pas l’aimer ?
Nous naissons tous fragiles
et nous mourrons tous parce que notre fragilité nous y prépare… pourtant, pour beaucoup d’entre nous en Europe, nous vivons assez longtemps et sans trop grandes catastrophes de santé…
Notre corps est notre premier partenaire pour nous dire au monde, aux autres vivants… l’enfant pleure, l’adulte parle, crie, ou souffre en tombant malade… ce corps qui bravement nous fait traverser le temps, pourquoi ne pas l’aimer ?
Les philosophes anciens et avec eux les religions ont mis l’esprit et le corps en concurrence, mettant les valeurs de l’esprit au-dessus de celles du corps… et que c’est vrai, ne suis-je pas tentée de me faire connaître par ce que je porte en moi, ce que j’éprouve, ce que je pense, ce que je peux réaliser surtout quand mon apparence semble me rendre invisible au milieu de la foule ?
« Toi, quand on te voit pour la première fois, on pense : bof. Et puis quand on te connaît, on se dit que cela vaut le coup et que cela aurait été dommage de passer à côté de ton amitié. »
Compliment ? Aveu ? Victoire ? Défaite ?
Ce corps qui fait penser « bof » a pourtant aussi ses richesses, en plus de faire bravement son ouvrage… il a sa sensibilité, trop grande parfois, ses désirs, qu’il ose à peine avouer, ses plaisirs, dont il se demande s’il y a bien droit…
Ce corps qui met en relation, pourquoi ne pas l’aimer ?
Ce corps imparfait qui n’est pas seul… combien d’autres font leur ouvrage et ne feront rien pour attirer l’attention ? Combien d’autres conduiront leur « hôte » sur les chemins de la vie avec courage, constance et ténacité devant les difficultés ?
Il n’est pas toujours besoin de cas particuliers, de maladie grave, de malchance prénatale ou à la naissance… il n’est pas toujours besoin d’histoire extravagante qui dédouanerait ce pauvre corps disgracieux… non, pas toujours. Il suffit d’une chaîne ininterrompue de vivants depuis la nuit des temps, d’associations de gênes plus ou moins favorables et si les circonstances ne s’y prêtent pas, vous devenez un de ces milliards d’êtres inconnus qui sont déjà heureux si une personne pense à eux…
Pourtant, notre personne est toute ensemble à découvrir avec ce corps qui se donne à voir, à entendre, à toucher…et notre personne, pourquoi ne pas l’aimer ?
Je suis toujours impressionnée par le talent de certains soignants à mettre cette « bonté soignante » dans leurs gestes, même et surtout quand notre corps, ce brave ami, tout à coup nous fait défaut…
Je me souviens de la douceur des gestes d’une jeune femme médecin…
…lors de la naissance d’un de nos enfants, de la délicatesse de l’un ou l’autre médecin qui m’ont soignée et m’ont toujours regardée comme une personne. Ce n’est pas si souvent, aussi je m’en souviens avec gratitude. Ce n’est pas si souvent, parce que ces hommes et femmes eux-mêmes sont aux prises avec leur fragilité, leurs limites, leur fatigue et leur corps-histoire.
C’est pourtant le regard de l’autre, quand il aime, qui nous révèle à nous-même ce corps aimable. Comment ne pas être toujours étonné et reconnaissant du regard aimant du conjoint ? Oui, ce corps imparfait, ce corps qui me pèse et que j’ai si souvent rêvé autre, plus léger, plus tonique et peut-être plus redoutable, que sais-je, ce corps est moi. Et c’est moi que mon conjoint aime.
Alors, ce corps imparfait qu’un autre aime avec tendresse, pourquoi ne pas l’aimer à ton tour ?
Cet article nous a été envoyé par une fabuleuse maman : Claire Deseke