5h45. Le réveil sonne. Inspiration. Expiration. Voilà une semaine que je m’affame. Depuis la naissance de Hannah, je n’ai toujours pas récupéré ma ligne et, la semaine dernière, j’ai décidé de la retrouver. Tout simplement.
- Je rêve d’enfiler à nouveau cette petite jupe de printemps sans me tortiller et sans craindre d’imaginer mes fesses rebondir à chaque pas, boudinées contre le tissu fleuri.
- Je rêve de me séparer dé-fi-ni-ti-ve-ment de ces deux kilos en trop, encroûtés exactement au niveau de la culotte de cheval : un peu sur le côté, étalés de façon bien équitable, l’un à gauche, l’autre à droite.
- Deux kilos agrémentés de cellulite en peau d’orange. Si je remue mon postérieur, ça fait « flop, flop », j’ose la comparaison avec le Flamby.
Inspiration, expiration.
J’entre victorieuse dans la salle de bain. Le suspens est pesant. Je sens mon corps de déesse aminci.
- Huit jours de diète intense à baver devant le chocolat.
- Huit jours sans biscuit pour agrémenter ma pause café de 10h.
- Huit jours de résistance au clin d’œil narquois du BN de 17h avec les enfants.
- Je me suis battue. Pas de fromage à 18h.
- Pas d’apéro mercredi, vendredi et samedi soir. Bref, huit jours sans une seule petite bière : c’était à pleurer. Mais j’ai tenu.
Plus de rondeurs superflues.
À l’œil nu, ça se voit déjà. Je me sens aussi légère qu’une plume, débarrassée de ces toxines combattues à coup de jus de citron et de bouillon de poireau.
Inspiration, expiration.
Je me baisse et tire cérémonieusement la balance planquée sous le lavabo. Bien droite, je la toise, détends mes épaules, enlève mon pyjama et tapote le dessus de l’appareil du bout de mon orteil de pied droit. Top. Top. Top.
Je monte. Confiante.
« QUOI ? 500G en plus ? Mais elle est complètement con, cette balance. » Ma tension monte à 20. Mon sang ne fait qu’un tour. Je redescends précipitamment. Ah oui ! J’ai oublié de faire pipi. Vite, aux toilettes. Quelle idiote, fallait y penser tout de suite…
Me voici à nouveau devant la balance, les mains derrière le dos, droite comme une athlète prête à effectuer son saut. Je tapote à nouveau le dessus de l’engin suspect et monte prudemment dessus. Je ferme les yeux pour me réserver la surprise et compte jusque trois avant de les ouvrir : 1, 2, 3.
LA BALANCE A UN PROBLÈME.
Il est 5h55. J’attrape un coup de chaud. Ok, j’ai gardé la culotte. Ça doit être la culotte. J’enlève la culotte. Remonte sur la balance lourdement. Ça commence à me gonfler cette histoire.
Non, arrêter de penser que ça me gonfle, je vais finir par le faire pour de vrai.
CROTTE DE BIQUE (pour ne pas être vulgaire).
Je commence la journée en jurant. Je reprends mes esprits. « Chéri, elle n’a pas un problème la balance ? Viens te peser s’il te plaît, juste pour voir si tu fais bien ton poids. » Mon mari soupire. Il n’a pas pris un seul gramme en vingt ans. C’est louche.
Je prends la balance et la secoue un peu.
On ne sait jamais : comme il est plus lourd que moi, je me dis qu’elle se bloque peut-être quand il faut descendre en dessous d’un certain poids.
Je remonte, je redescends, ça ne marche pas : je ne perds pas un gramme. J’enlève les piles, c’est un faux contact. La balance a déjà vécu, elle a résisté à 6 grossesses. Je remets les piles, je pose la balance, je tapote le tout de mon orteil, je remonte sur l’appareil tout en prenant soin de vider mes poumons, je rentre le ventre à en devenir filiforme et puisque ma vessie est légère et que je suis à poil, normalement ça devrait être bon. Je ferme les yeux, j’ouvre les yeux.
Cette balance est débile.
Contrariante. Déprimante. Je suis sûre d’avoir maigri : une semaine à crever la dalle, ça se paye, qu’elle le veuille ou non. J’ai presque envie de la taper, de lui sauter dessus à pieds joints. Je la renvoie sous le lavabo, alors qu’il y a 10 minutes, en me levant, j’étais prête à l’embrasser.
Inspiration, expiration.
Je me regarde dans la glace. Ce matin, je me trouvais belle et dans ma tête je l’étais. Je pense à mon mari et à ses mains baladeuses parcourant mes formes féminines. Je pense également aux canons de la mode dont nous sommes bombardées, et constate qu’à bientôt 42 ans, je tombe parfois encore dans ce piège idiot et culpabilisant où tu grossis à la seule envie de boire une bière. Comme si l’esprit transformait le fantasme en gras.
Je ne suis pas en surpoids, je ne suis pas grosse. Ce qui me pèse, c’est plutôt l’idée de ne pas être assez.
Pas assez jolie, plus assez jeune, pas assez musclée ? Ce qui me pèse, c’est de constater que cette petite voix intérieure négative me rend visite de temps à autre alors que je suis plutôt bien dans mes pompes. Elle revient, comme pour vérifier l’assurance de ma joie d’être femme dans ce corps qui est le mien. Imparfait mais bien vivant.
Je sais que je ne suis pas la seule.
Je sais que de nombreuses femmes ont, un jour, ce rapport hésitant, culpabilisant, sévère à leur corps. Que ce regard insatisfait revient par vague selon les périodes de la vie et le caractère de chacune : l’adolescence, la grossesse, après une naissance, au moment de la ménopause.
Je sais aussi que les femmes ont tendance à focaliser leur regard sur un détail qui ne leur conviendra pas. Un détail qui pourra les envahir au point de devenir CE détail : un grain de beauté, des seins devenus flasques, un ventre bedonnant, des mollets charnus …
À force de regarder ce qui ne convient pas, on finit par perdre de vue ce que nous rayonnons dans notre globalité. On oublie que ce rayonnement est lié à notre façon d’habiter notre corps et d’avoir confiance en la vie. Les imperfections font partie de l’harmonie heureuse de notre corps, et certaines personnes nous aiment aussi pour cela : c’est ce qui fonde notre singularité. Ainsi, ces détails qui nous complexent sont exactement ceux qui deviennent adorables, charmants et sensuels, aux yeux d’une autre personne.
Si ces deux kilos m’encombrent, je peux surtout me demander dans quelle mesure ils n’encombrent pas le regard que je pose sur moi et m’encourager à percevoir de façon plus prégnante encore les parties de mon corps dont je suis fière. Il n’est donc plus questions de kilos, de ce grain de beauté, de tout ce que vous voulez, mais de bienveillance et de réconciliation avec la personne que je suis dans le détail et dans sa globalité.
Chère Fabuleuse,
Si tu souhaites prendre un petit temps de réflexion sur ton corps, tu peux par exemple lister les parties que tu aimes puis celles que tu apprécies moins et dialoguer avec elles.
- Que voudrais-tu leur dire ?
- Que voudraient-elles te confier ?
C’est une façon de travailler ton image corporelle de façon positive, de t’accepter. Et si tu ne le sais pas encore, c’est l’une des étapes numéro un pour vivre une sexualité épanouie ! (ça vaut le coup, non?)
Comme le rappelait Coco Chanel : « La beauté commence au moment ou vous décidez d’être vous-même ».
Alors je vous laisse, je m’en vais boire un coup avec mon amoureux. On passera un bon moment et nos mains seront baladeuses sur ces corps que nous aimons tant.
Finalement.