En quatre romans, Anne-Gaëlle Huon s’est imposée dans le paysage littéraire grâce à ses histoires lumineuses, ses personnages de grand caractère et sa belle relation avec ses lecteurs. Mère de trois enfants, elle cherche inlassablement le bon équilibre et contribue comme elle le peut à l’amélioration de la condition de la femme en faisant jouer la solidarité féminine.
Née sous un rayon de soleil
Se lancer dans des recherches sur Anne-Gaëlle Huon, c’est découvrir sur chaque site, support, profil Instagram, un sourire éblouissant. Il est facile de conclure que dans le monde d’Anne-Gaëlle Huon, les méchants rêvent vraiment d’amour et les contrariétés n’existent pas. Une illusion que l’auteure balaie avec un sourire un peu fatigué par le marathon de la rentrée scolaire :
« Il faut se méfier des réseaux sociaux, on y montre un visage agréable. Je ne prends pas la parole quand je ne vais pas bien, mais bien sûr comme tout le monde il y a des moments où je suis épuisée. Par ailleurs je crois beaucoup au fait que lorsqu’on sourit, ça va mieux, on provoque la production d’hormones qui rendent heureux, c’est scientifiquement prouvé ! »
Celle pour qui le sourire est une forme de politesse, de pudeur, reconnaît cependant qu’elle a cette nature heureuse à savoir prendre la vie du bon côté. Ses moments d’anxiété sont plutôt bien gérés, elle parvient même à leur trouver une fécondité puisqu’elle trouve dans l’écriture un débouché pour cette mélancolie qui la saisit parfois :
« Mes personnages mordent parfois la poussière, vivent des choses difficiles. C’est via l’écriture que j’évacue mon vague à l’âme ».
Venir à l’écriture
Difficile d’imaginer en Anne-Gaëlle une petite fille seule et hypersensible paralysée par des crises de nervosité ingérables. C’est entre autres encouragée par ses maîtresses qu’elle a découvert le pouvoir apaisant de l’écriture et le fait de se sentir valorisée.
« J’étais dans le privé hors contrat. Les élèves avaient des profils particuliers, précoces ou porteurs de handicap, et on valorisait beaucoup chaque enfant dans ses domaines d’épanouissement. Moi c’était le fait d’écrire : j’allais lire mes rédactions dans les autres classes et cela m’a offert une certaine légitimité à ce moment-là, c’était une des rares choses qui étaient simples dans mon enfance. »
Cependant ce n’est pas vers l’écriture que se tourne Anne-Gaëlle au début de sa carrière, mais vers le marketing.
Elle continue à participer à des ateliers d’écriture où elle développe la certitude qu’il ne suffit pas d’une belle plume pour savoir écrire un roman. Malgré un métier qui la passionne, elle souffre de maux de ventre terribles :
« La gestion d’équipes de plus en plus grandes et le jeu des promotions n’étaient pas un exercice fait pour moi, j’ai trop d’empathie pour gérer la détresse des gens. »
L’occasion de renouer avec les pouvoir curateurs de l’écriture se présente lorsqu’elle part en famille vivre à New York :
« J’ai eu deux mois devant moi et me suis lancée dans l’écriture d’un roman, sans avoir dans l’esprit de le proposer à l’édition. Depuis New York, j’ai écrit et envoyé via Amazon Kindle une petite comédie à un cercle de proches. L’algorithme faisant, ce texte a été mis en avant, a connu un certain succès et City Edition m’a appelée pour me proposer d’en faire un livre. »
C’est par goût du jeu qu’elle écrit un deuxième roman tout en travaillant :
« Le bonheur n’a pas de rides », qui a vite été plébiscité par les lecteurs notamment sur Amazon. Voilà comment elle se retrouve approchée Albin Michel.
« Mes maux de ventre se sont immédiatement arrêtés, j’ai senti que j’étais sur la chaise qui était la mienne, même si je continue quelques missions en marketing pour garder des contacts hors du monde du livre. Je veux continuer à m’amuser et suis prête pour cela à tout remettre en jeu en écrivant sous pseudo ».
Ce que l’époque demande aux mères
D’après Anne-Gaëlle Huon, il y a une difficulté intrinsèque dans le fait d’être maman et de vouloir vivre sa vie de femme. Pour celle qui n’avait pas prévu de se lancer dans la vie de famille, l’articulation des deux n’a rien d’une évidence.
« Je viens d’une famille où j’étais la seule enfant avec ma mère et ma grand-mère, tout est à créer pour moi dans la vie de famille. Parfois il y a des frictions, je vis la maternité dans la culpabilité, peut être parce que j’ai un rapport un peu sacré à l’enfance : frustrer les enfants, les laisser s’ennuyer est quelque chose de difficile pour moi. »
Le tiraillement entre le désir de proximité avec ses enfants et l’exigence dévorante du métier d’écrivain la pousse parfois dans ce qu’elle nomme ses « moments de démon », ceux pendant lesquels les personnages prennent tant de place dans sa tête et parlent si fort qu’elle a besoin d’espace et de silence complet. Elle parvient dans ces moments-là à prendre le large et s’émerveille de sentir ses enfants si compréhensifs et admiratifs du fait qu’elle écrive.
« Je trouve que c’est difficile d’être une maman à notre époque. Quand je parle avec ma propre mère de son enfance, je me rends compte de la pression que nous nous mettons pour être tout le temps au service de nos enfants. Nos arrière-grand-mères ou même nos grand-mères n’étaient pas à la disposition de leurs enfants de cette manière. »
Pour cette optimiste par essence, le monde et la condition des femmes ne peut que s’améliorer de génération en génération :
« Chaque mère améliore le monde pour ses filles et petit à petit on va arriver à atteindre l’équilibre avec les hommes. On fait toutes un petit pas. »
Les joies simples
Dans les romans d’Anne-Gaëlle Huon, on perçoit un amour des gens humbles et un grand respect pour les savoir-faire ancestraux. Sans en faire un principe d’écriture, elle parvient à faire briller ceux qui ne cherchent pas à se mettre en avant.
« Je n’écris pas avec une intention, j’écris comme je peux, à l’instinct. Ce qui me porte, ce sont les émotions fortes que provoquent certaines personnes que je rencontre et qui font naître des personnages. Souvent ces gens-là sont des gens habiles de leurs mains, qui sont capables de fabriquer des choses, cela me fascine et peut être que cela devient un fil rouge entre mes livres. »
Du trufficulteur à la couseuse d’espadrilles, Anne-Gaëlle Huon met en lumière des savoir-faire ancestraux qui ramènent le lecteur à l’origine du monde à travers une certaine continuité.
« Je trouve cela rassurant, c’est peut-être lié à une angoisse du temps qui passe. J’ai été élevée par des gens simples, j’y rattache des bonheurs très sains de l’enfance, très bruts et très intacts. »
Les pépites d’Anne-Gaëlle Huon
Un film : Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain, on y sublime le quotidien, ce sont les gens ordinaires qui veulent faire le bonheur autour d’eux. On est un peu dans la fable, il y a quelque chose d’enfantin. L’affiche m’a accompagnée dans l’écriture du Bonheur n’a pas de rides.
Un livre : ‘En attendant Bojangles’ d’Olivier Bourdeault. Il y a cette voix de l’enfance si difficile à trouver. C’est joyeux, fantasque et sombre à la fois. J’aime le clair-obscur.
Une citation : « Ne fais pas tiennes les limitations des autres » de Claire Léost. J’essaie de ne pas me laisser mettre dans une case.
https://www.annegaelle-huon.com/