Cette année, tu n’auras pas de petit cadeau enrubanné près de ton assiette pour la fête des mères, en plus de la création faite à l’école et du bouquet de pâquerettes aux tiges trop courtes.
Tu n’en auras pas :
- Parce que ton enfant, trop petit, n’y aura pas pensé tout seul.
- Parce qu’avec ton compagnon ou ton mari, ce n’est pas vraiment la fête en ce moment, que le navire prend l’eau de toutes parts, et qu’il va falloir monter dans le canot de sauvetage au plus vite si tu ne veux pas couler à pic avec ton mariage.
- Parce que vous venez de vous séparer et que tout ce que vous vous offrez réciproquement en ce moment, ce sont des mots tranchants comme des couteaux, des lettres d’avocats et des bilans chiffrés.
Peut-être même que cette année, tu te retrouveras seule, le jour de la fête des mères, pendant que ton enfant est chez son père, parce que ça tombe comme ça.
Peut-être que tu croiseras dans la rue des mamans aux bras chargés de fleurs, les yeux illuminés par l’amour de leurs enfants tout fiers et sautillants à leur main. Et peut-être que tu rentreras vite chez toi te réfugier près de ta copine la boîte de mouchoirs, pour pleurer toute ta tristesse d’être seule ce jour-là, sans fleurs ni cadeaux, même si avant, tu t’en foutais de la fête des mères, parce que c’est une fête commerciale et que toi ça t’est égal.
Mais quand même : tu pleures à gros sanglots et tu as l’impression que ton cœur va se disloquer.
Chère maman aux yeux rouges et au nez qui coule, je connais cela.
Je l’ai vécu. Une certaine année, la fête des mères a été le jour le plus sinistre de l’année pour moi, pire que tous les « Blue Monday » réunis. Je me suis retrouvée seule, alors que tous mes amis rentraient chez eux fêter toutes ces mamans. Seule comme une conne, avec mon chat, qui voulait ses croquettes et s’en balançait, de ma peine. Mais je l’ai câliné quand même, parce que mon chat, c’était mieux que rien, et l’entendre ronronner me réconfortait un peu.
Comme j’ai testé pour toi un certain nombre de moments de loose maternelle, je voulais te dire quelque chose, chère maman qui n’a pas le cœur en fête. Mouche-toi un bon coup, tamponne ton mascara qui a un peu bavé, respire et écoute-moi :
J’ai un petit cadeau pour toi.
Même si c’est incroyable, même si c’est inaudible pour toi maintenant, garde ce petit cadeau précieux dans un coin de ton coeur : un jour, tu iras mieux. Un jour, tu riras de nouveau. Un jour, ton chagrin et ta rancœur ne seront plus les seuls à occuper le terrain. Tu sortiras du mode pilote-automatique qui t’a permis de traverser les jours gris et les flaques de boue, sans réfléchir, simplement en mettant un pied devant l’autre matin après matin. Tu auras rangé les lettres de l’avocat, du notaire, et du tribunal tout au fond de tes archives. Et après avoir disséqué votre relation et vécu dans les « pourquoi », les « comment » et les « si j’avais su » pendant des mois, tu te sentiras capable de regarder vers l’avenir.
Un jour, tu laisseras ton jogging tout moche des jours de déprime pour enfiler cette robe qui te fait te sentir jolie…
…et tu sortiras avec un regard neuf.
Tu sentiras ta joue toute chaude au soleil, la lumière qui joue avec l’ombre des arbres sur tes paupières. Tu prendras plaisir à lire sur un banc, à regarder des vitrines. Tu riras de nouveau avec cette amie à la terrasse d’un café. Tu te surprendras à crier de joie en courant avec ton enfant, et ton enfant, soulagé, rira avec toi de ta légèreté retrouvée.
Ta joie sera la sienne, aussi.
Et un jour, même lointain, une chose inconcevable aujourd’hui t’arrivera peut-être : tu tomberas amoureuse de nouveau. Tu sentiras ton coeur, aujourd’hui désert de cendres, palpiter comme un oiseau un instant étourdi qui s’ébroue pour assurer ses ailes avant de repartir. Et ce qui est impossible aujourd’hui, demain peut-être sera, car tu es bien vivante, terriblement vivante et de beaux jours heureux n’attendent que toi, pour être encore plus beaux.
Ce petit cadeau, il est déjà en toi.
N’oublie pas, simplement, d’en défaire le ruban un jour ☺