Force et honneur, courage et loyauté, cette fois j’y vais.
J’attrape chasseur #1 par les épaules, et le dépose sur le canapé, devant un épisode de Oui-Oui. Sans perdre une seconde, je pars chercher chasseur #2, et l’emmène aux côtés de son collègue, loin, très loin de ma cible.
Je m’élance vers la porte bleue. Attention, ils ont compris. Ils savent où je vais. Ils sont déjà en route, et je peux entendre leurs petits chaussons résonner sur le parquet du salon.
Je me faufile derrière la porte bleue, je la referme rapidement mais soigneusement, vérifiant qu’aucune des 4 mains n’a pu s’y coincer. La porte est fermée. Juste à temps, car j’entends déjà les petits grattements de l’autre côté, les respirations haletantes qui trahissent une grande excitation.
Une chanson bien connue de mes années collège prend tout son sens : « J’irai où tu iras, mon pays sera toi, j’irai où tu iras, qu’importe la place, qu’importe l’endroit. »
Mes poursuivants m’ont retrouvée, mais pas débusquée. Je peux faire ce que j’ai à faire.
J’ai fini.
Il est temps maintenant de sortir du piège dans lequel je me suis moi-même enfermée.
J’enclenche la poignée, et je pousse délicatement la porte pour ne pas blesser ceux qui ont installé leur QG de chasse juste derrière.
Je parviens à me glisser dans les 20 cm d’ouverture. Ceux qui me traquaient se jettent sur moi, et s’agrippent à mes mollets. Je me traîne, chaque jambe lestée d’une dizaine de kilos, vers le lavabo, où je parviens tant bien que mal à me savonner les mains.
Avant, je me serais faite une retouche de fond de teint, j’aurais lissé ma mèche sur le côté, et je me serais remis du déo.
Mais ça, c’était avant.
Ben voilà, j’y suis allée. Où ça ? « Wohin der Kaiser allein geht. » Expression que je tiens de mon arrière-grand-mère, l’élégante Lina : « Là où l’empereur va seul ». Là où l’impératrice voudrait aller seule, mais c’est pas toujours gagné d’avance.