Ben oui, moi je peux le dire, je suis belge, une fois !
Et j’avoue qu’entre les communautés, les régions, les provinces, les langues officielles, les panneaux routiers, j’en perds aussi mon latin. La Belgique est un pays toujours un peu au bord de la rupture, avec son lot de conflits et qui pourtant est gorgé de richesses humaines, géographiques et culturelles.
Et non, je ne parle pas seulement des frites, de la bière et du chocolat ! Je parle de l’humour, des patois, de la rue des Radis à Bruxelles, des ligues d’impros, des forêts ardennaises, de la mer du Nord…
Être belge, c’est une affaire de cœur.
Et la vie de famille ? Eh bien oui, c’est un peu comme vivre en Belgique, c’est surréel, un peu fou, plein de compromis.
On avait bien essayé de me prévenir mais il m’a fallu voir pour le croire ! J’avoue que j’avais un peu imaginé la vie de famille autrement, je n’avais pas compté avec la fatigue chronique, les devoirs et le besoin constant de slips et chaussettes propres (et pas n’importe quelles chaussettes, les confortables silvouplé !!!)
Bref, au fil du temps, j’ai vu mes idéaux s’effriter, mon QI prendre un coup dans l’aile, mes visites au cinéma se sont volatilisées, et au lieu de plonger mon nez dans les livres de psychologie tant aimés, je le plongeais dans des langes débordants, les piles de linge sale chancelantes, et le cou tout douillet et collant de mes enfants.
Par contre, s’il est vrai que j’ai d’abord perdu pieds face à la réalité trop surréelle ; que j’ai soupiré plus d’une fois « faites des enfants qu’ils disaient » ; que j’ai souvent pleuré, râlé, gueulé, pété des plombs magistraux ; je n’échangerais pour rien au monde ma place !
Autant je suis belge de cœur, autant je suis maman et épouse de cœur.
Et oui, j’aime les paysages de cette vie, le goût qu’elle a. Et j’aime ce côté surréaliste, gorgé d’humour dont la vie avec des enfants ne manque pas. J’aime les histoires qui font rire, voir le comique quand il passe. Et là, justement, à celui qui sait voir, la famille offre les plus beaux paysages et fous rires, les histoires les plus croustillantes, les moments les plus « belges ».
En 12 ans j’ai fait, entendu et dit des choses incroyables, illogiques, complètement décalées.
Entre « Non, Pia, ne grimpe pas dans le lave-vaisselle s’il te plaît ». Et « Emma, c’est bon, j’ai trouvé Jésus, il était emballé dans du papier WC, tu peux le mettre dans la crèche maintenant ».
Je me suis vue aussi :
- Ouvrir la porte, le soutien gorge d’allaitement encore ouvert d’un côté (laissant un sein pendre au niveau de mon genou, ou presque).
- Oublier mes pains chez la boulangère, aller les chercher et l’entendre me dire « ben je suis déjà contente que vous n’ayez pas oublié vos enfants ici ».
- Et puis j’ai failli plus d’une fois m’étouffer face aux réponses criantes de vérité et toujours si bien sous-pesées de mes filles : «Juste avant de venir, papa et maman se sont disputés très fort » (hihihihihi, mais personne ne veut savoir ma choupinnette…. Ah si en fait, oui, ils voudraient bien).
- Et puis j’ai pleuré parfois, de bonheur. En écoutant mes filles chanter dans le salon, assise sur le bord de la baignoire. J’ai souri à en faire péter mes zygomatiques quand Emma m’a dit un soir « maman, j’ai oublié de mettre une culotte ce matin, ça t’arrive aussi sûrement encore ». Et puis si souvent mon cœur fait un bond, parce que tout comme la beauté d’un coucher de soleil au bord de la côte belge, j’ai vu ma grande fille s’agenouiller devant une enfant plus jeune pour lui faire son lacet, je l’ai entendu dire à ses sœurs qu’elle les aime, ou encore j’ai entendu mon mari dire à notre dernière « dis-moi Pia, c’est légal d’être si mignonne ? »…
J’ai l’impression que dans nos vies de mamans, le bonheur est parfois si fugace, parfois timide, il passe sur la pointe des pieds… On pourrait ne savoir de la Belgique que le nombre de mois qu’il a fallu pour créer un gouvernement… mais ce serait en oublier la vraie beauté, la vraie valeur.C’est la même chose pour notre quotidien, on ne pourrait parler que de ce qui nous fatigue, nous manque, nous lasse. Ce serait oublier d’attraper le bonheur qui lui est propre, le renifler, le raconter, le partager.
Moi j’aime tant chercher ces moments surréalistes et m’en nourrir :
goûter au bon, au beau, au rigolo, au parfum unique du quotidien. Je ne ris pas tout le temps, ni à tout mais si souvent, je me dis « c’est trop bon tout ça ». Fabuleux !