Je prends les larmes et les doutes et risque tous les malheurs
Que veut nous transmettre Jean-Jacques avec ce refrain ? Est-ce qu’on préfère vraiment tout plutôt que l’indifférence ? Parce que Jean-Jacques dit qu’il est d’accord pour les larmes, les doutes, le pire du meilleur, il préfère encore ça à l’indifférence. C’est costaud, quand même. Est-ce que je préfère vraiment tous les malheurs à l’indifférence ?
C’est quoi l’indifférence en fait ?
Il en existe deux : l’indifférence des autres et ma propre indifférence.
En général, quand on dit « tout, mais pas l’indifférence », on parle d’abord de celle des autres. On les interpelle. Je préfère encore que tu m’envoies promener plutôt que de t’être indifférent. Je préfère encore te déranger, t’agacer, t’irriter plutôt que de ne te faire aucun effet. Nos enfants sont une parfaite illustration de ce refrain. Quand nous sommes en train de discuter, quand nous sommes occupés et qu’ils veulent attirer notre attention, ils peuvent nous appeler gentiment une première fois, puis plus fort, puis pincer leur petit frère ou casser le vase de grand-mère pour nous faire réagir. Ce qu’ils nous disent à leur façon c’est « Tout, mais pas l’indifférence, s’il te plaît maman. »
L’indifférence, c’est l’absence de réaction, l’absence d’émotion.
Ça veut dire que ma présence n’a aucun effet sur l’autre, ça vient nier mon existence, ma consistance, mon intérêt. Mais quand je veux TOUT mais pas l’indifférence des autres, ça veut dire que je prends certes, les câlins, les mots doux, les attentions, les caresses mais je prends aussi les critiques, les objections, les reproches. Je pourrais être tentée de ne pas trop montrer ce qui dépasse chez moi, pour ne pas trop déclencher de réactions chez les autres. Mais comme nous met en garde Jean-Jacques, en me protégeant du froid des phrases, je me protège aussi du chaud des mots.
Et les jours qui se ressemblent sans saveur et sans couleur.
En réalité, je crois que ce refrain nous invite surtout à nous interroger sur notre propre indifférence. Les enfants savent nous interpeller pour réveiller « tout, sauf l’indifférence » chez nous, mais malgré tout, l’indifférence peut s’installer. Et nos jours se ressemblent, sans saveur et sans couleur. La routine est un vecteur d’indifférence. Dans nos fabuleux foyers, il y a nombre de tâches répétitives : récupérer les enfants, le goûter, les devoirs, le bain, le dîner, le coucher… Alors l’habitude peut nous rendre indifférents. Les jours se ressemblent effectivement un peu, dans la forme.
Mais à nous d’aller chercher les saveurs et les couleurs différentes chaque jour.
Nos enfants n’ont pas toujours les mêmes humeurs, les mêmes choses à raconter, je ne croise pas les mêmes personnes, le ciel a de nombreuses couleurs à me proposer chaque jour et notamment celui de novembre. Concrètement, je peux ajouter des saveurs culinaires très différentes chaque jour au gré de mes envies.
Certes, les couleurs ne sont pas toutes roses : le ciel est parfois bien gris, notamment celui de novembre. Les saveurs ne sont pas toutes acidulées : des mauvaises nouvelles qui laissent un goût amer, des réflexions difficiles à avaler, mais ce sont elles qui donnent du relief à ma vie.
Un des plus grands alliés de l’indifférence de notre temps :
le téléphone qui nous propose de nous anesthésier à tout moment. Étrangement, on ne sera pas indifférent aux vidéos de chats et à la vie parfaite de notre voisine mais indifférent à ce qui se passe ici et maintenant. Je ne juge pas ce merveilleux outil et les couleurs et les saveurs qu’il peut véhiculer : le site des Fabuleuses et autres contenus inspirants, les vidéos de chat, toutes les recettes de cuisine, la playlist de Jean-Jacques Goldman… Mais est-ce que je choisis bien les moments pour apprécier ses saveurs et ses couleurs ? Ou m’en sers-je* surtout pour « scroller mon cerveau » loin de ce qui se déroule en ce moment dans ma vie ?
(*J’ai vérifié, servir à la forme interrogative, ça se dit bien Serge !)
Tout, mais pas l’indifférence, tout, mais pas le temps qui meurt.
Quand les événements ne me font plus d’effet, c’est comme le temps qui meurt. Chaque moment est fait pour être perçu, vécu et ressenti. Parfois on préfère anesthésier nos émotions. On peut vouloir n’en sentir aucune, parce qu’elles font trop mal et, progressivement, nos jours se mettent à se ressembler, parce qu’on ne ressent plus grand-chose. Je ne veux plus ressentir de colère, de frustration, de doute alors je choisis l’indifférence, mais je ne ressens plus non plus la connexion, l’empathie, la compréhension.
Jean-Jacques nous invite à réveiller toutes les émotions qui nous traversent et à repeindre en couleur nos heures absentes.
J’ai envie de remettre de la vie dans mon temps et traquer mon indifférence, à l’aide de ce refrain.
Il nous invite aussi à habiter les temps que l’on vit avec les autres. Notamment nos enfants. Parce qu’on veut leur donner du temps qui vit. L’indifférence est le réel contraire de l’amour parce qu’elle est la neutralité affective. Même quand je crie, même quand je râle, je mets des couleurs dans ma vie. Pas mes préférées, mais quelques touches de rouge sont toujours mieux qu’une toile neutre.
Et toi, chère Fabuleuse, que t’inspire cette chanson de Jean-Jacques ? Es-tu prête à « tout, mais pas l’indifférence », à tout, mais pas celle des autres et à tout, mais surtout pas la tienne ?